Les nouvelles règles du travail obligatoire ?
Le gouvernement britannique a annoncé qu’il souhaitait véritablement durcir les règles pour les chômeurs. Son projet consisterait à priver un chômeur de son allocation pendant trois mois s’il refuse une offre, six mois s’il en refuse deux et trois ans s’il écarte trois offres.
« Si les gens peuvent travailler et qu’on leur propose un emploi, ils doivent le prendre. C’est cela le contrat », a précisé le Premier ministre David Cameron.
Les chômeurs pourraient aussi être contraints d’effectuer 30heures hebdomadaires de travail d’intérêt général pendant quatre semaines (jardinage, ramassage de feuilles mortes ou de détritus...) s’ils ne veulent pas perdre leurs allocations.
La cure d’austérité engagée en Grande-Bretagne et les mesures qui l’accompagnent vont-elles franchir le « channel » ?
Le projet britannique traduit bien la dégradation économique qui règne dans ce pays et en Europe depuis la crise financière de 2008.
La situation permanente des déficits publics et de nombres d’organismes publics a dépassé les limites soutenables, dans une économie en « état de faillite », selon les propos tenus en 2008 par le Premier Ministre, François Fillon. En effet, depuis cette déclaration, les indicateurs de l’économie française ne sont pas passés au vert et la situation sociale s’aggrave au rythme des licenciements !
Comment financer l’assurance chômage sans des ressources suffisantes générées par les cotisations sociales supportées par les actifs ?
Le slogan « travailler plus pour gagner plus » peut aussi se décliner en « travailler plus pour cotiser plus ».
En effet, peut-on dissocier l’augmentation du nombre de chômeurs et donc la baisse structurelle des cotisations d’assurance chômage, à la réforme des retraites dont le financement n’est plus assuré depuis de nombreuses années par le seul produit des cotisations vieillesses versées par les salariés et les employeurs ? Cette réforme, justifiée par l’allongement de la durée de vie de la population française, est également rendue indispensable par le déséquilibre croissant du ratio : actifs/retraités, entraînant un manque de ressources générées par les cotisations des actifs.
La règle mathématique est simple ; la masse des cotisations doit être égale à celle des prestations pour assurer l’équilibre du financement des allocations retraites. Or, en 2005, les prestations versées au titre de la vieillesse étaient de 12,8% du PIB. En 2020, les projections donnent 13,5% du PIB et 14,6% en 2050, pour une progression de 10% du nombre de cotisants sur cette période. Sur ces bases, l’équilibre financier ne peut être respecté. Cette situation met en péril le système de répartition, clé de voûte de la solidarité nationale.
Pour résoudre cette question, la solution idéale serait que les demandeurs d’emploi trouvent du travail et que les entreprises disposent de commandes suffisantes pour qu’elles puissent embaucher massivement. Si ces conditions sont essentielles à la croissance économique, la théorie du « y a qu’à » n’a pas la vertu d’épargner la France d’une concurrence internationale acharnée, en provenance particulièrement, des principaux pays émergents tels que la Chine, l’Inde et le Brésil, ni de favoriser une augmentation suffisante du taux de croissance pour éponger l’excédent de chômage.
Dans ce contexte, le projet britannique qui consiste à contraindre les chômeurs à accepter un travail au terme de trois propositions ou d’accepter un travail d’intérêt général, sous peine de perdre leurs allocations, poserait de nombreuses questions s’il devait être appliqué en France.
Parmi ces questions l’une est centrale. Les entreprises ont-elles la capacité de créer des emplois pour embaucher des centaines de milliers de chômeurs et le recours à l’Etat-patron est-il envisageable ?
Ces situations sont sans doute utopiques car, d’une part, l’objectif de l’Etat est de réduire son effectif en ne remplaçant le départ que d’un fonctionnaire sur deux.
D’autre part, cet objectif reviendrait à imaginer une situation de quasi plein emploi. Mais, que règlerait le plein emploi si les jeunes et les seniors constituaient encore le bataillon des chômeurs résiduels ; une population particulièrement touchée par le chômage de longue durée ?
Un autre sujet d’inquiétude existe avec le risque de paupérisation de l’emploi durable, par le recours à une main-d’œuvre à temps partiel, contrainte à exercer des missions sans rapport avec la qualification du plus grand nombre des chômeurs « réquisitionnés » quand il s’agit de missions basiques d’intérêt publique comme celles évoquées par le Gouvernement britannique. Mais, pour beaucoup de chômeurs en attente sérieuse d’un emploi, une mission d’intérêt public n’est-elle pas le moyen de maintenir le contact avec le monde du travail ? N’est-elle pas surtout l’obligation quotidienne de sortir de chez soi et se de se sentir utile ?
Un sondage d’opinion en date du 11 novembre dernier, effectué par le Télégramme.com sur un échantillon de 4911 votants, à la question : « Doit-on imposer un travail d’intérêt général aux allocataires ? » le résultat est le suivant :
NON : 56% OUI : 42% Sans opinion : 2%
Ce sondage révèle, en première lecture, que les avantages acquis…du chômage sont quasiment irréversibles !
Il traduit aussi que la solution envisagée n’est pas perçue comme prioritaire pour renflouer les comptes sociaux du chômage. Pourquoi remettre en question un statut formaté tout au long de la Vème République (l’assurance chômage fut créée en 1958) quand le terme « austérité » ne fait pas partie du vocable de communication employé par les responsables politiques, alors que depuis 35 ans, les Premiers Ministres successifs et les Ministres de l’économie déclarent que la France vit au-dessus de ses moyens ?
La troisième lecture de ce sondage oppose l’égoïsme individuel à la démagogie des propos lénifiants de politiciens sur la situation économique et financière de la France, soucieux de leur réélection et qui lancent comme des confettis de victoire de… la poudre aux yeux.
Gérard Bellec
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