Les pauvres
Les Pauvres datent de la plus haute antiquité. La stratégie utilisée par les riches pour éviter d’avoir mauvaise conscience date par ailleurs de la même époque. Un des pires problèmes des riches est de vivre à côté des pauvres. C’est pourquoi les riches ont toujours consacré beaucoup d’énergie à justifier leur position de riches. C’est toujours le cas aujourd’hui mais les économistes libéraux ont apporté leur aide pour les aider à garder un bonne conscience envers et contre tout.
La réponse la plus antique, la plus pérenne, et aussi la plus simple, disons la plus biblique, consiste à dire « Les derrniers ici-bas seront les premiers au paradis. » Magnifique. Rien à ajouter.
Et pourtant, des siècles plus tard, à l’aube de la révolution industrielle, on a modernisé la chose en disant que ce qui était bon pour les riches était bon pour l’ensemble de la société donc pour les pauvres. Vers 1830, certains économistes tel Malthus dirent que si les pauvres sont pauvres, c’est de leur faute : ils font trop d’enfants.
Ensuite on expliqua la chose scientifiquement, avec des gens comme Rockefeller (plus riche que Crésus), par cette merveilleuse règle de Darwin un peu bricolée : Seul les plus aptes survivent. L’élimination des pauvres se fait pour le bien de la race. Une loi de la nature, donc de Dieu. (L’ironie est que ce sont les mêmes qui luttent aujourd’hui contre le darwinisme avec l’Intelligent design.) Cette théorie du darwinisme social implique qu’aider les pauvres se fait donc au détriment de l’intérêt général bien compris. C’est pas bon.
Certains disent que c’est l’état qui doit aider les pauvres. Oui, mais les économistes libéraux pensent que l’état est incompétent donc on ne peut pas lui demander d’aider les pauvres, ce serait la pagaille et la solution serait pire que le mal. L’état doit s’occuper des choses sérieuses comme l’armée. En matière de protection sociale les fonctionnaires sont incompétents contrairement aux militaires qui dépensent l’argent public à bon escient. Ceci est particulièrement vrai pour les Etats-Unis.
Et puis aider les pauvres est mauvais pour leur moral, il faut qu’ils restent battants, qu’ils continuent de travailler plus pour gagner plus. D’ailleurs, ce sont souvent les femmes qui réclament des indemnités, et ce n’est pas bon pour la paix des ménages. Non, les aides nuisent aux défavorisés. De plus, elles nuisent aussi à ceux qui bossent qui doivent alors payer pour les oisifs. Les riches risquent de ne plus se rendre dans leurs bureaux climatisés du dernier étage si leurs impôts sont trop élevés. Quelle perte pour la richesse commune. Et même s’il continuent de bosser, comme Johnny, ils risquent de partir. à Monaco ou en Suisse. Pas bon pour l’économie tout ça. Mettons un bouclier pour les protéger. Regardez autour de vous, les riches bossent beaucoup moins qu’avant, c’est la faute aux aides sociales.
Et puis, aider les pauvres, c’est empiéter sur la liberté générale, donc sur la leur. C’est limiter le droit de faire ce qu’on veut de notre bel argent durement gagné. Et priver les gens de liberté n’est bon pour personne, pas plus pour les riches que pour les pauvres, c’est bien connu.
Dernier point, la crise est déjà tellement omniprésente, les informations économiques et boursières sont si déprimantes, le terrorisme est partout, alors il n’est pas conseillé, si on tient à son bonheur personnel, si on veut garder une pensée positive, de trop se préoccuper des pauvres. Non mais sans blague ! C’est minant pour le moral, ça n’est pas bon pour le swing au golf et ça ne fait pas avancer le yacht.
* Texte librement inspiré d’un papier de John Kenneth Galbraith publié dans le numéro de novembre 1985 de Harper’s Magazine. A lire ici en français.
...et écoutez Plume Latraverse.
(mais ils ont tous la tv en couleur)
Les pauvres ont pas d’argent
Les pauvres sont malades tout l’temps
Les pauvres savent pas s’organiser
Sont toujours cassés
Les pauvres vont pas voir de shows
Les pauvres sont ben qu’ trop nonos
En plus, les pauvres, y ont pas d’argent
À mettre là-d’dans
Les pauvres sont su’l’Bien-Être
Les pauvres r’gardent par la f’nêtre
Les pauvres, y ont pas d’eau chaude
Checkent les pompiers qui rôdent
Les pauvres savent pas quoi faire
Pour s’ sortir d’ la misère
Y voudraient ben qu’un jour
Qu’un jour, enfin, ce soit leur tour
Les pauvres gens ont du vieux linge sale
Les pauvres, ça s’habille ben mal
Les pauvres se font toujours avoir
Sont donc pas d’affaires !
Les pauvres s’achètent jamais rien
Les pauvres ont toujours un chien
Les pauvres se font prendre à voler
Y s’ font arrêter
Les pauvres, c’est d’ la vermine
Du trouble pis d’ la famine
Les pauvres, ça couche dehors
Les pauvres, ça l’a pas d’ char
Ça boé de la robine pis ça r’garde les vitrines
Pis quand ça va trop mal
Ça s’tape sa photo dans l’journal...
Les pauvres, ça mendie tout l’temps
Les pauvres, c’est ben achalant
Si leur vie est si malaisée
Qui fassent pas d’ bébé ! ! !
Les pauvres ont des grosses familles
Les pauvres s’ promènent en béquilles
Y sont tous pauvres de père en fils
C’t une manière de vice...
Les pauvres sortent dans la rue
C’est pour tomber su’ l’ cul
Y r’çoivent des briques s’a tête
Pour eux, le temps s’arrête
Les pauvres ça mange le pain
Qu’les autres jettent dans l’chemin
Les pauvres, c’comme les oiseaux
C’est fait pour vivre dans les pays chauds
Icitte, l’hiver, les pauvres gèlent
Sont maigres comme des manches de pelles
Leur maison est pas isolée
Pis l’ gaz est coupé
Les pauvres prennent jamais d’vacances
Les pauvres, y ont pas ben d’la chance
Les pauvres, y restent toujours chez eux
C’est pas des sorteux
Les pauvres aiment la chicane
Y vivent dans des cabanes
Les pauvres vont pas à l’école
Les pauvres, c’ pas des grosses bolles
Ça mange des s’melles de bottes
Avec du beurre de pinottes
Y sentent la pauvreté
C’en est une vraie calamité
Les pauvres...
... mais y ont tous la t.v. couleur
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