Le confinement du monde frappe durement le monde du transport aérien, qui, après avoir été contraint de faire voler ses avions à vide pour garder ses créneaux, affronte un effondrement de son marché calamiteux, à même d’envoyer toutes les entreprises du secteur vers la faillite. Logiquement, les Etats interviennent pour sauver leur champion national. Leurs plans sont très révélateurs.
Quand Paris en demande trop et pas assez
Peut-on faire plus révélateur comme plans ? Le contraste est saisissant. En France, nos dirigeants sont prêts à avancer des sommes considérables (
Air France ne vaut plus qu’1,7 milliard en bourse, et ne valait guère plus de 4 milliards avant la crise) sans la moindre contre-partie au niveau capitalistique, et donc sans la moindre perte supplémentaire pour les actionnaires actuels. En Allemagne, l’Etat entend entrer au capital avec une minorité de blocage en contrepartie de l’aide apportée. Comme trop souvent, Berlin défend sans doute mieux les intérêts du pays, y compris contre les actionnaires de ses entreprises nationales. Etant donnée la valorisation d’Air France et les montants prêtés à la compagnie, il serait légitime que l’Etat monte au capital de l’entreprise significativement en contrepartie. Mais encore une fois, l’Etat français se montre trop complaisant et trop généreux à l’égard des actionnaires…
La contre-partie demandée, «
devenir la compagnie aérienne la plus respectueuse de l’environnement » est, pour le coup, une demande de trop, même s’il y a fort à parier que cela ne soit qu’une annonce qui ne sera pas suivie des faits. Bruno Le Maire nous a habitué à ne pas tenir ses promesses,
comme sur la taxe GAFA. Mais sur le fond, il est tout de même assez effarant pour des politiques de dicter, en contre-partie d’une aide, des choix pour l’entreprise. Bien sûr, rendre le transport aérien plus respectueux de l’environnement est plus que souhaitable. C’est nécessaire. Mais cela ne peut pas être fait
en demandant seulement au champion national de l’être plus que les autres compagnies. Même si ce n’est qu’un affichage, la méthode est absurde. Pour rendre le transport aérien plus respectueux de l’environnement, la France doit modifier les règles de fonctionnement du marché, sur notre territoire, ou plus.
Demander à Air France de faire plus que les autres risque de rendre la compagnie moins compétitive, de lui faire perdre des clients, et de renforcer ses concurrents, même s’ils sont plus polluants. Pourquoi Air France devrait arrêter, seule, de desservir certains aéroports, laissant alors à des compagnies étrangères une position plus confortable, avec moins de concurrence, et probablement plus de profits ? Pour changer cette industrie,
il faudrait sans doute introduire une taxe sur le kérosène proche de la TIPP, en agissant pour éviter une concurrence déloyale d’autres pays. Idéalement, la mettre en place à l’échelle de plusieurs pays européens, le tout de manière progressive, mais planifiée, permettrait de pousser le secteur à devenir plus respectueux de l’environnement tout en équilibrant notre fiscalité.
Décidément, cette crise est un condensé des erreurs de nos dirigeants, et les comparaisons avec l’étranger sont bien cruelles pour l’exécutif. Entre une propension à donner beaucoup, sans rien obtenir, tout en épargnant des actionnaires décidément choyés depuis l’élection de Macron, tout en demandant trop à l’entreprise aidée, l’exécutif montre une nouvelle fois son incohérence et son incompétence.