Les Poussins, une escadrille contre le gouvernement
Après les Pigeons, les Poussins. C’est ainsi que se sont surnommés les autoentrepreneurs en France, en colère contre le projet de réforme du gouvernement. Soucieux de protéger leur statut et l’esprit entrepreneurial, ils affrontent durement Sylvia Pinel, ministre chargée de l’Artisanat.
A l’automne dernier, l’exécutif avait déjà essuyé une attaque de volatiles : les Pigeons. Ces derniers s’étaient insurgés contre l’alignement de l’imposition des revenus du capital sur ceux du travail. Bercy avait alors fait un pas en leur direction en revenant sur son projet de taxation à 60% des plus-values à la revente des créateurs d’entreprises.
Sylvia Pinel en difficulté
Aujourd’hui, ce sont d’autres drôles d’oiseaux qui se ruent sur Bercy, Matignon et l’Elysée : les Poussins. Ils désignent les autoentrepreneurs qui s’estiment floués par le projet de réforme de leur statut par Sylvia Pinel, ministre chargée de l’Artisanat. Ils usent de la même stratégie que leurs ainées, à savoir les réseaux sociaux, les pétitions en ligne et les médias participatifs, et semblent en bonne voie pour également obtenir gain de cause.
Fin mai, Sylvia Pinel annonçait donc la réalisation d’une promesse du candidat Hollande : la réforme du statut d’autoentrepreneur. Concrètement, la ministre de l’Artisanat propose de mettre en place un système à deux vitesses. Les autoentrepreneurs dont c’est l’activité principale ne pourront conserver ce statut indéfiniment et devront passer, à terme, au statut traditionnel d’entrepreneur. Tandis que ceux dont il s’agit d’une activité complémentaire pourront conserver le statut aussi longtemps qu’ils le souhaitent.
Le problème pour Mme Pinel est que ce projet de réforme mécontente à la fois les intéressés, et les artisans, qui ne se trouvent pas suffisamment protégés. Ces derniers jugent « déloyale » la concurrence des autoentrepreneurs choisissant leurs métiers. Leurs professions seraient oubliées par le gouvernement dans sa politique de relance de la compétitivité.
Quant aux autoentrepreneurs, ils estiment qu’une telle réforme va les décourager de conserver ce statut et brider l’esprit entrepreneurial. « Les pistes de réforme proposées créent explicitement des entrepreneurs d’au-dessus et des entrepreneurs d’en dessous », analyse François Hurel, président de l’Union des autoentrepreneurs (UAE).
Et la colère des entrepreneurs est alimentée par le fait que Sylvia Pinel n’ait pas tenu compte des recommandations du rapport sur les autoentrepreneurs, qu’elle avait pourtant elle-même demandé à l’Inspection des affaires sociales. Ce rapport proposait « d’accompagner l’autoentrepreneur dans la pérennisation et le développement de son activité », sans préconiser de limitation de temps.
Des soutiens politiques et associatifs
Sous la pression des Poussins et du ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, Sylvia Pinel a dû préciser son projet de réforme. Les autoentrepreneurs réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 19 000€ par an dans les services, et supérieur à 47 500€ par an dans le commerce, et ce pendant deux années consécutives, devront quitter le régime pour adopter celui d’entrepreneur. « L’objectif du gouvernement est de faire du régime d’autoentrepreneur la première étape de la création d’entreprise », a indiqué Mme Pinel.
Pas de quoi apaiser le courroux des Poussins. « La mise en place de la limitation du régime de l’autoentrepreneuriat dans le temps et dans le chiffre d’affaires, c’est la mort programmée de dizaines de milliers d’activités d’autoentrepreneurs », a réagi l’UAE.
Toutefois, un terrain d’entente reste possible. François Hurel reconnaît qu’il est indispensable d’opérer une distinction entre les métiers de l’artisanat nécessitant une qualification et les métiers d’autoentrepreneurs n’en nécessitant pas. « Est-il nécessaire d’être électricien pour changer une lampe ? D’avoir un diplôme pour tondre une pelouse ou entretenir un jardin ? Il existe de nombreux menus travaux que les autoentrepreneurs bricoleurs peuvent réaliser. Ces travaux n’intéressent pas les artisans qui préfèrent des chantiers plus importants et plus rémunérateurs », a-t-il expliqué.
Dans son combat, l’UAE s’est associé à Maria Nowak, fondatrice de l’Adie, l’Association pour le droit à l’initiative économique qui accorde des microcrédits à des travailleurs sans qualification ou au chômage pour leur permettre de créer un emploi. Selon eux, régler la question des qualifications résoudra tous les problèmes et ressoudera la grande famille des entrepreneurs.
L’UMP, par l’intermédiaire de son président, Jean-François Copé, s’est également prononcée en faveur des arguments des Poussins. M. Copé a déclaré « qu’il serait plus profitable pour tout le monde d’aider les entreprises à se développer, d’encourager l’emploi, afin d’en tirer un bénéfice accru en aval », plutôt que de « saigner à blanc » les entreprises avec des taxes. Le président de l’UMP s’exprimait à l’occasion du colloque « Chômage record, et si on faisait enfin confiance aux entreprises ? », organisé par Génération entreprises – Entrepreneurs associés (GEEA), association dont il est membre, et qui est présidée par le député Olivier Dassault.
Les Poussins ne sont donc pas désarmés face au gouvernement. Ils disposent de nombreux arguments et de soutiens de poids, politiques et associatifs. De quoi mettre à l’épreuve Sylvia Pinel et Bercy, une nouvelle fois accusés de porter atteinte à la vitalité des entreprises.
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