Les ravages de la désindustrialisation
Il y a deux attitudes principales face à la désindustrialisation de notre pays : ceux qui s’en lamentent mais ne font rien pour changer quoique ce soit et ceux qui s’en félicitent carrément. Heureusement, une troisième voie commence à se faire jour.
Les arguments des partisans de la désindustrialisation
Une économiste d’Harvard et de l’école d’économie, Julia Cagé, a expliqué dans la Tribune qu’il n’est pas grave de voir les activités industrielles de faible valeur ajoutée quitter le pays du moment que nous investissons en recherche pour développer des industries à forte valeur ajoutée. Elle reprend l’exemple de l’Allemagne, qui délocalise une partie de ses composants en Allemagne de l’Est. Elle s’appuie également sur la répartition de la chaîne de valeur, citant le cas de l’Iphone d’Apple.
En effet, un article très intéressant de la Tribune démontre que si le téléphone d’Apple était responsable à hauteur de 1,9 milliards de dollars du déficit commercial entre la Chine et les Etats-Unis en 2009, en réalité, à peine 3.6% de la valeur ajoutée est réalisée en Chine contre 34% pour le Japon, 17% pour l’Allemagne, 13% pour la Corée et 6% pour les Etats-Unis, qui empochent théoriquement, en outre, l’essentiel des bénéfices réalisées par l’entreprise Apple.
Georges Kaplan, collègue de Causeur, a signé deux papiers sur la désindustrialisation. Dans le premier, il souligne que la production industrielle a progressé de 26% depuis 1990, même s’il admet que certains secteurs se sont effondrés. Il souligne que les salaires dans l’industrie sont plutôt bas et qu’il est finalement content que l’avenir de nos enfants ne soit pas dans une mine ou derrière une machine à tisser, mais plutôt derrière une planche à dessin ou dans un laboratoire.
L’impérieux besoin d’industrie
Mais leur raisonnement présente de nombreuses limites. Le cas de l’Iphone n’est guère convaincant car la situation des Etats-Unis est totalement déséquilibrée avec un déficit commercial colossal qui n’est financé que par des achats massifs de bons du Trésor par l’Asie. Et le modèle Allemand n’en est pas un car on ne pourrait pas répliquer leur politique à l’échelle de la planète (les excédents commerciaux équilibrant les déficits) et sa croissance est faible sur le long terme.
Plus globalement, les déséquilibres commerciaux jouent un rôle majeur dans les déséquilibres économiques du globe puisque les pays qui ont de forts déficits commerciaux doivent les compenser par un fort afflux de capitaux étrangers. Il n’est pas inintéressant de constater que trois des pays avec les plus forts déficits (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Espagne) ont connu une énorme bulle financière, démontrant que cet afflux de capitaux pose de graves problèmes.
En outre, il faut savoir que le commerce des services ne représente que 20% du commerce des biens. Donc, sans industrie, il est impossible d’équilibrer ses échanges extérieurs… En outre, il ne faut pas oublier que la part de l’industrie dans notre PIB s’est effondrée. Et depuis 2000, notre pays a perdu 500 000 emplois industriels. Pire, la filière automobile est véritablement sinistrée puisque la production locale a presque baissé de moitié de 2005 à 2009. La chute de l’industrie Française ne s’est vraiment accélérée qu’à partir du milieu des années 2000, comme l’atteste l’évolution de notre déficit commercial.
A l’opposé, la plupart des pays qui réussissent veillent à maintenir une base industrielle, au cœur du modèle de développement asiatique. Plus de 95% des voitures vendues au Japon, en Corée du Sud ou en Chine sont produites localement du fait de diverses barrières commerciales. A ce titre, il est très intéressant de noter l’évolution de la politique de l’Argentine, qui a redynamisé sa production par la dépréciation du peso, et qui veut développer son autosuffisance, comme le montre Yann.
Comme le dit Slovar, a réalité de la désindustrialisation, c’est le chômage, et aussi des déficits commerciaux qu’il faut bien équilibrer en faisant appel à des capitaux étrangers. Ainsi, elle est porteuse de graves déséquilibres économiques et d’une dépendance vis-à-vis de l’extérieur.
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