Les remboursonautes, cette nouvelle plaie du consumérisme
La chasse aux offres de remboursement (ODR) est en passe de devenir un véritable passe-temps pour des milliers d’individus. Pour certains, c’est même devenu une addiction.
Au départ, ce qui n’était que remise ponctuelle sur les petits pois, dentifrice, yaourts - des produits d’alimentation courante ou d’hygiène - est devenu en quelques années un système quasi généralisé, pérenne et ô combien perfide.
A la base, un procédé marketing employé depuis des années par les grandes marques pour promouvoir leurs nouveaux produits, des produits qui pourront être partiellement ou intégralement remboursés.
Le phénomène a pris rapidement des proportions aussi grotesques qu’imprévisibles, puisque ce "passe-temps" a dorénavant ses sites spécialisés, ses clubs de remboursonautes, ses adeptes compulsifs. Sur ce terreau putride, le business prospère comme ailleurs (vente de logiciels de gestion des ODR, ...).
On commence d’ailleurs à observer les premiers effets sournois du phénomène. Au départ, des quidams comme vous et moi, séduits à l’idée d’obtenir le remboursement partiel ou intégral d’un simple achat (un shampoing par exemple) qui se sont pris au jeu jusqu’à devenir au fil des ans de véritables accrocs de la chasse aux ODR.
De simples consommateurs éclairés, ils deviennent insidieusement des remboursonautes, voire même des remboursonaupathes.
A en croire l’avancée de cette nouvelle addiction, une nouvelle spécialité de la psychiatrie pourrait bien voir le jour : la remboursonaupathie.
Si une majorité s’y adonne occasionnellement, d’autres vont jusqu’à sacrifier l’essentiel de leurs loisirs pour réaliser les substantielles économies promises par nos génies du marketing.
A force, la vie sociale peut s’en ressentir. Si les conflits familiaux ou de voisinage explosent, c’est parce que le remboursonaute est souvent un sans gêne qui s’ignore, un goujat qui emprunte l’identité de son voisin et qui n’hésite pas à sonner à sa porte pour récupérer ensuite son butin.
Si certains se contentent d’écumer le Net, d’autres vont jusqu’à créer des embouteillages monumentaux aux caisses. Bien que les caissières se montrent le plus souvent compréhensives - bien obligées de l’être - il arrive que l’on frise l’engueulade, voire le crêpage de chignon.
Et si le coup de poing est encore rare, c’est que les activistes de l’ODR se recrutent plutôt dans la gente féminine.
Pour ces professionnels de la traque organisée, un ordinateur connecté en haut débit, une imprimante couleur pour imprimer les fameux coupons, suffisent à lancer leur petit business.
Pour l’heure, les professionnels du marketing continuent de nous servir leur discours lénifiant. D’après eux, le système serait toujours aussi efficace pour promouvoir les nouveaux produits.
Il est vrai que ces filous du marketing ont soigneusement tendu leurs filets de protection afin de décourager les acheteurs de renvoyer leur demande de remboursement. Ticket de caisse spécifique, coupon périssable, affranchissement retour sont requis, des tracasseries que l’on ne découvre qu’une fois rentré à la maison, avec une bonne loupe et un bon quart d’heure d’attention.
Voilà qui pourrait expliquer la professionnalisation rampante.
Or, si la communauté des professionnels de l’ODR continue de prospérer, cela pourrait mettre en péril ce beau scénario marketing, dans la mesure où ces "clients là" se fichent bien du produit, la gratuité et la quantité primant sur le reste. Car pour la quantité, il suffit de multiplier les adresses avec la complicité passive de la famille, des voisins, des amis, quitte à se fâcher avec la terre entière. Avec eux, le ratio d’individus demandant le remboursement est passé en peu de temps de 9 à 18%.
Certains de ces activistes forcenés vont jusqu’à accumuler des stocks impressionnants dans leurs garages, au point de concurrencer la supérette du coin. La tentation du business illégal n’est pas loin.....
Plus inquiétant encore est de voir des mères de famille qui, non content d’accumuler des produits aussi encombrants qu’inutiles, vont jusqu’à mettre leurs enfants au régime mayonnaise pour désencombrer leur frigo.
A ce titre, si les gens modestes sont plus souvent pris au jeu de l’ODR, il convient d’étudier de plus près les conséquences d’un régime alimentaire dicté par les produits remboursés, fort éloigné, on s’en doute, de la doctrine en matière de santé publique.
Enfin, une autre pierre mérite d’être soulevée. La gratuité des produits est un sujet qui, à juste titre, irrite prodigieusement les producteurs.
Ces derniers se plaignent assez d’être tondus comme des moutons par la grande distribution.
Alors, la gratuité et ces histoires de remboursonautes sont autant d’insultes faites à leur endroit, tout autant qu’au sens commun et à l’intelligence.
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