Les viticulteurs français trinquent
Alors que le monde boit de plus en plus de vin, les viticulteurs français trinquent.
Quoi de neuf depuis « Mondovino » l’excellent film de Jonathan Nossiter qui mettait en scène l’énorme machine californienne des producteurs de vins milliardaires de la Napa Valley et la résistance des nos irréductibles viticulteurs bourguignons ?!
La consommation mondiale se porte plutôt bien, à l’horizon 2010 les Etats-Unis devraient avoir dépassé la France avec une consommation de 27,2 millions d’hectolitres, faisant ainsi jeu égal avec la consommation italienne, la France, où la consommation continue sa décroissance, serait à 24, 9 millions d’hectos, talonnée par l’Allemagne avec 23, 5 millions d’hectos, la Grande-Bretagne avec 12, 8 millions d’hectos continuerait sa progression (source Vinexpo- The ISWR 2007).
A priori tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes du vin. Eh bien non !
La France, faute d’avoir su conquérir de nouveaux marchés suite à l’énorme baisse de consommation interne, s’enfonce dans la crise, près de la moitié des viticulteurs se disent en difficulté. Et ce n’est pas la légère embellie constatée à l’export en 2006 qui réussira à endiguer cette chute :
Les ventes à
l’export de VQPRD ( c’est-à-dire AO + AOC + VDQS) sont passés de 1.237.000 hectolitres en 1996 à 672 .000 hectolitres en 2006. Soit une diminution de près de
50 % ! (source ubifrance)
Par contre les vins de pays/ vins de table en passant de 867.000 hl en1996 à 907.000 hl en 2006 ont légèrement progressé ; le label France, le développement de la demande en rosé et le prix y sont probablement pour quelque chose.
Quant à la concurrence ? les forces en présence ont
évolué, l’Australie
(malgré une surproduction sauvée par la récente sécheresse) et surtout les USA, avec une
croissance régulière insolente, se taillent la part du lion.
En Californie, les grands noms de Nappa Valley et de Sonora Valley servent de faire-valoir à la production de masse de Central Valley qui inonde le marché de vins de masse, parmi lesquels les « two buck chuck » (vins dont le prix de vente se situe entre 1,99 et 3,50 dollars). Cette évolution vers un vin style « Coca-cola » ne présage rien de bon, compte tenu de leur énorme savoir-faire en marketing , il est fort probable que nous rencontrerons bientôt ces nouveau « mix » (car il s’agit de vins coupés, désalcoolisés, remaniés, édulcorés) sur tous les comptoirs du monde (sauf les fameux "comptoirs des Indes" voir plus loin...). L’Italie essaie de défendre ses positions à l’export en regroupant ses forces dans les principaux salons mondiaux et en multipliant les actions sur le terrain. L’Espagne assure sa position sur ses marchés porteurs et en profite pour y accroître son offre en l’élargissant.
Il faudra aussi bientôt compter sur la concurrence de l’Inde qui protège déjà sa production en taxant (jusqu’à 550 % ) les importations de vins et spiritueux étrangers et de la Chine où la plantation de la vigne permettra probablement de produire à l’échelle du continent.
En France, les choses ne vont pas en s’arrangeant, même si les E.U restent notre 2e client en CA (derrière le Royaume -Uni) : le grand chantier de remaniement des appellations en cours s’éternise, la profession contrairement à ce qui s’est passé en Italie et en Espagne ne s’est pas encore regroupée pour essayer de regagner les parts de marché perdues, la plupart des viticulteurs sont toujours à la merci des quatre ou cinq grands groupes acheteurs qui décident des prix d’achat, et des groupes de négoce dont les coûts de fonctionnement et la qualité de la marchandise (souvent insuffisante) contribuent à plomber l’image du vin français à l’export.
Et pourtant ça bouge chez les jeunes viticulteurs, ça rue dans les brancards, ça veut revenir à des basiques comme qualité plutôt que quantité, viticulture raisonnée, défense du terroir, réduction des intermédiaires afin de pouvoir vivre décemment d’un travail qui doit garder toutes les lettres de noblesse d’une histoire d’amour vieille de plus de deux mille ans...
Il manque pourtant l’essentiel : la création d’une force export capable d’assurer nos positions sur nos principaux marchés et de les développer sur les marchés émergeants.
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