Machine to machine : le mouvement bien lancé dans l’univers des entreprises touchera-t-il bientôt les particuliers ?
Si les entreprises ont bien compris l’intérêt de faire parler les machines, rares sont les services proposés au grand public. Or, une des principales applications de ces technologies est la maîtrise de l’énergie. Plutôt que de voir cela comme une menace, nous serions bien inspirés de regarder l’exemple californien, qui vient de voter des lois fortes en matière de contrôle énergétique et de développement technologique correspondant, contrainte que les industriels locaux prennent comme une très grande opportunité de leadership.
Derrière ce nom barbare se cache une réalité économique forte qui repose sur des besoins concrets. Le machine to machine (M2M) se réfère aux objets communicants, tels un compteur électrique ou un véhicule connecté à un réseau de télécommunications (GSM, filaire, WiFi, etc.), qui communiquent le plus souvent avec un ordinateur ou parfois entre eux. De nombreuses entreprises déploient des projets M2M pour connecter leurs équipements et optimiser leurs activités. Or, si la croissance de ce secteur est indéniable du côté des entreprises, rares sont les particuliers qui en ont entendu parler.
Du côté des opérateurs GSM, le M2M est un vrai relais de croissance. Le GSM offre deux avantages principaux : ne pas tirer un câble pour connecter un objet, et être présent presque partout sur le territoire à un coût inférieur au filaire. Or, si on regarde de plus près la croissance du parc des opérateurs GSM sur les six premiers mois de l’année 2006, on découvre que sur 1 million de nouvelles lignes, presque 900 000 viennent des opérateurs virtuels (M6, Universal, NRJ, Virgin, etc.), et plusieurs dizaines de milliers viennent du M2M. Selon le Livre blanc Machine to Machine - enjeux et perspectives (Fing 2006), Orange annonce 1500 connexions par mois, avec un seul de ses clients, pour rendre communicantes des photocopieuses.
Ce marché a été dynamisé par un foisonnement de start-up françaises qui ont su répondre aux questions concrètes des entreprises qui cherchent à optimiser leur activité. Par exemple, un transporteur routier va contrôler la consommation d’essence de ses véhicules et demander à ses conducteurs d’adapter leur conduite en conséquence. Un opérateur mobile va suivre la consommation d’électricité de chacune de ses antennes et ajuster ses capacités auprès de son fournisseur d’électricité. Un opérateur d’eau va déployer des objets communicants sur son réseau de distribution d’eau pour mesurer et identifier les zones de fuite.
Mais alors, s’il y a autant de bénéfices pour les entreprises, n’y en aurait-il pas autant pour les particuliers ? Pourquoi ne bénéficie-t-on pas de systèmes automatiques pour déclencher son électroménager en fonction du coût de l’électricité ? Pourquoi n’avons-nous pas encore d’alerte chaque fois qu’une fuite d’eau ou un intrus vient perturber la tranquillité de notre foyer ? Alors que toutes les technologies existent, il apparaît trois raisons pour expliquer la lenteur des déploiements auprès du grand public.
La première, qui est souvent la plus avancée, porte sur les coûts des technologies et des transmissions. En partie fondé, cet argument se réduit au fil des mois. D’ailleurs, si les coûts demeurent parfois élevés, c’est qu’aucun déploiement massif n’a réellement eu lieu.
La deuxième réside dans les problématiques de chaîne de valeurs et de positionnement des grands acteurs. Prenons un exemple simple. Imaginons un boîtier dans une voiture qui envoie des rapports sur la consommation d’essence, qui prévient un garagiste en cas de défaillance, qui donne la localisation du véhicule en cas de vol, qui puisse transmette à l’assureur le kilométrage annuel afin d’adapter la prime d’assurance, etc. Pour cela, il faut un boîtier avec un GPS pour localiser le véhicule et un système GSM pour transmettre les informations. On voit alors la complexité du jeu entre acteurs. Tous les intervenants veulent avoir la mainmise sur la relation avec le client final. Le constructeur automobile pense à la vente du prochain véhicule, l’opérateur GSM ne veut pas être vu que comme un simple transporteur de données mais comme un prestataire de service qui individualise son client, l’assureur veut ajouter des nouveaux services, etc. Finalement, personne ne se lance vraiment.
La troisième est de la responsabilité des pouvoirs publics. Si les grands sites industriels acquièrent des droits de polluer et réalisent un arbitrage financier entre taxes et consommation d’énergie fossile, les particuliers ont peu d’incitations fiscales à mieux connaître et contrôler leur consommation énergétique. On pourrait imaginer des aides sur les dispositifs et les services leur permettant d’aller dans ce sens. Par exemple, si quelqu’un installe un système et s’abonne à un service l’informant sur l’état de consommation d’électricité de ses appareils domestiques, il pourrait alors bénéficier d’une réduction d’impôt. Une telle démarche présenterait deux intérêts forts : la responsabilisation du citoyen en tant que consommateur, et le développement de nouveaux services et de nouvelles technologies. Une application frappante est la loi votée dernièrement en Californie en faveur de la réduction des gaz à effets de serre. Nombreux sont les industriels californiens à y trouver une impulsion formidable pour devenir le lieu de l’innovation mondiale en matière de développement durable. Or, l’innovation en la matière vient principalement d’Europe, où la maîtrise du GSM est très répandue.
Ainsi, malgré un formidable développement du M2M auprès des entreprises, la lenteur des déploiements auprès du grand public risque de réduire l’impact des innovations européennes. Après l’informatique et l’Internet, ce serait donc un nouvel eldorado que l’Europe verrait passer sous son nez.
8 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON