Marchés financiers et dette belge. Quelques raisons de s’inquiéter ?
Les situations grecque et irlandaise ont attiré l’attention du public sur les problèmes de solvabilité de certains États européens. L’alourdissement, depuis la crise financière de 2008, de l’endettement des PIGS (Portugal, Grèce, Irlande, Espagne) ainsi que la dégradation constante de leurs balances des paiements, depuis l’adoption de l’euro en 2001, serait à l’origine de leurs difficultés.
Il est, à cet égard, évident que plus un pays cumulera les mauvais points concernant sa dette publique, son déficit budgétaire et sa balance des paiements, plus sa dette souveraine pourra être frappée d’ostracisme par les marchés. Se limiter à ce constat est cependant un peu court.
En témoigne l’apparition d’un krach obligataire en Europe qui frappe davantage les pays dont la dette est détenue par des non-résidents. Ainsi, la dette de la Grèce représente 115% de son PIB. Mais les dettes souveraines de l’Espagne et du Portugal ne dépassent pas, en proportion de leurs PIB, 53,2 et 76,8 %, des ratios en dessous de la moyenne de la zone euro (79 % en mai 2010) [1]. De plus, nul ne peut expliquer, par de mauvaises données macroéconomiques, le fait que pour la troisième fois consécutive, une émission obligataire allemande ait été, début décembre 2010, sous-souscrite. Depuis, le taux des Deutsche Bunds a franchi les 3%, soit une progression de 90 points de base. Il faut remonter aux marchés obligataires baissiers de 1994 et 1999 pour retrouver une telle tendance. On ne note pas, pour l’heure, de mouvements aussi spectaculaires sur la dette de l’Italie qui représentait pourtant, en mai 2010, 115% du PIB de la péninsule. Il est vrai que seulement 45% de la dette transalpine est détenue par des non-résidents contre près de 70% pour l’Allemagne. [2]
La dette espagnole est majoritairement entre les mains des résidents (55%). Pourtant, plus que l’Italie, l’Espagne est, aujourd’hui, dans la ligne de mire des spéculateurs. Un facteur explique cette différence : l’endettement privé. Le poids de l’endettement des ménages espagnols couvre la quasi-totalité du PIB local. C’est deux fois plus qu’en Italie. En Grèce, on constate que l’adhésion à l’euro a entraîné une progression spectaculaire de l’endettement des ménages (60% du PIB en 2009 contre 20% en 2000). Et le Portugal en est arrivé à détenir une dette des ménages supérieure à son PIB. Une dette privée couvrant une partie importante du PIB équivaut, en période de crise quand l’heure du désendettement sonne, à un ralentissement de la consommation. Il en résulte une activité économique déprimée, une augmentation du chômage, une baisse des recettes fiscales, des dépenses sociales en hausse et une fragilisation subséquente des finances publiques.
Au sujet de la Belgique, on fera remarquer que, contrairement aux années nonante, la dette du plat pays est majoritairement (58% selon Natixis) détenue par des non-résidents. Le fait que cette dette ait été largement placée dans l’euroland ne constitue pas nécessairement une protection contre des manœuvres spéculatives. Ainsi, moins de 20 % de la dette grecque a été achetée par des investisseurs résidant hors de la zone euro. Deuxième motif d’inquiétude : la prédilection affichée par les investisseurs pour les pays émergents et leurs dettes souveraines. La faiblesse des taux directeurs des banques centrales occidentales est à la base d’un rendement obligataire au Nord inférieur à celui des émergents. Dans ces conditions, rien ne permet d’établir que l’importante épargne nette des ménages belges serve in fine à financer notre dette publique.
La Belgique présenterait, dit-on dans certains milieux, des caractéristiques macroéconomiques lui assurant une marge de sécurité. En l’occurrence, un déficit budgétaire limité et une balance des paiements excédentaire. Pour rappel, la balance des paiements d’un pays s’établit en additionnant son compte de capital (solde des opérations d’achat et de vente d’actifs non financiers), sa balance financière (établissant la différence entre les entrées et sorties de capitaux) et sa balance des opérations courantes qui se calcule en additionnant les soldes de la balance commerciale (balance des biens physiques), des services, des revenus et des transferts.
D’après la Banque nationale [3], la balance des paiements de la Belgique est redevenue positive depuis avril 2010. La balance commerciale de la Belgique est structurellement déficitaire depuis juin 2009. Pour ce qui est des transferts (les envois de fond), là encore, déficit. Les migrants résidant en Belgique sont, en effet, nombreux à envoyer de l’argent à leurs familles à l’étranger. Les soldes négatifs de ces deux postes représentent, pour la Belgique, une perte de moyens. Notre balance des services est, pour sa part, excédentaire. Ce qui témoigne de la compétitivité du secteur tertiaire belge. Mais cette bonne nouvelle ne suffira peut-être pas à nous protéger d’une attaque spéculative. Car si la balance des revenus de la Belgique est positive, ce qui signifie que les acteurs économiques belges tirent plus de revenus de l’étranger qu’ils ne lui en « offrent », il n’en est pas moins vrai qu’elle est en baisse constante depuis une dizaine de mois. D’après les données établies par la Banque nationale, nous sommes passés, pour ce poste, d’un boni de 6,3 milliards d’euros en septembre 2009 à un excédent de 3,6 milliards en juin 2010.
Si, à compter de janvier 2011, cette tendance se prolongeait pendant encore un trimestre, la balance des opérations courantes de la Belgique serait déficitaire. Cela plomberait la balance des paiements du pays puisque son compte de capital et sa balance financière sont globalement en déficit depuis août 2009. L’économie belge, même avec un déficit public limité, serait alors en demande nette de financement. Pas forcément de bon augure pour la suite des évènements. Surtout quand on sait que la dette publique belge est intégralement financée jusqu’en avril 2011.
Publication originale : La Libre Belgique du 15 janvier 2011. Disponible à l’adresse : http://www.lalibre.be/economie/libr...
Notes
[1] Eurostat, mai 2010.
[2] Agence de gestion de la dette des pays, Natixis, février 2010.
[3] Banque nationale de Belgique, Indicateurs économiques pour la Belgique, n° 2010-50, 17/12/2010
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