Marchés versus Etats

Que reproche-t-on à la Grèce ? Une comptabilité obscure et hétéroclite, un coût très élevé de l’investissement privé (bureaucratie – corruption), un Etat qui s’accommode des disparités et du nombre des caisses de retraite, une dette importante mais tout à fait comparable à celles des autres Etats Européens. On oublie cependant que le triptyque marine marchande, tourisme, fonds issus de la diaspora, est resté pendant des décennies « hors comptabilité » égalisant de fait les déficits. On oublie surtout que le gouvernement actuel issu des urnes il y a à peine trois mois a fait campagne et a été élu sur un programme proposant de mettre fin à toutes ces « maladies congénitales » perpétuées depuis l’après guerre par tous les gouvernement précédents et qui étaient à la base d’une gouvernance clientéliste.
Louka Katseli, ministre de l’économie, de la compétitivité et de la marine marchande indique dans une ITV au journal économique Naftemboriki que l’objectif primordial pour le gouvernement grec reste une politique d’investissements permettant la modernisation des secteurs de l’Etat et du privé, d’une cohérence économique sereine. Les marchés ne l’entendent pas de cette manière : ils sont les premiers à désirer un pays dépendant, embourbé dans des pratiques bureaucratiques, clientélistes et opaques : pour eux, c’est le client idéal.
Or, la Commission, le lendemain des élections s’est réveillée « vertueuse », elle qui avait avalé les couleuvres du gouvernement conservateur précédant malgré les scandales permanents, les mensonges et autres camouflages de toute sorte. Elle se défend aujourd’hui en disant qu’il faut un début à tout. Cependant, cette rigueur exigée est très sélective : si on demande par exemple avec insistance (et à juste titre) l’harmonisation et la limitation des fonds de retraites ou celles des fonctionnaires, on ne trouve rien à dire sur l’assiette fiscale qui est en Grèce de 40%. En fait, on demande moins d’Etat, « oubliant » que c’est l’abandon par les Etats d’une grande partie de leur rôle de régulateur économique et surtout social qui permit aux banques d’y pallier à leur manière, c’est-à-dire par un usage excessif du crédit et de la spéculation. On peut (toute proportion gardée) comparer cette politique à celle de Paulson qui conduisit la Lheman Brothers à la faillite : dans un océan de permissivité, au sein d’une dérive spéculative à hauts risques devenue la règle, une banque n’est pas sauvée, indiquant une limite jusque là inexistante et qui précipite l’établissement entrainant tous les autres. Il y a deux mois, une affirmation de solidarité sans faille de pays de la zone euro, aurait coupé court à toute spéculation et « les marchés », eux mêmes discrédités - comme les institutions dites de cotation et qui s’étaient trompés sur tout -, n’auraient pas joué contre Athènes ou Madrid. Aujourd’hui, une fois encore, les déclarations de la banque centrale européenne et de la Commission sont plus que tardives. Les marchés, avides de fonds et de bonnes occasions jouent la panique, ayant objectif le status quo antes : un monde sans Etats régulateurs, sans politiques de crédit, sans politique sociale et qui les laisseraient seuls à déterminer le cout du crédit vis-à-vis des Etats et des citoyens. Les fautes se paient : aujourd’hui ce n’est plus la Grèce ou le Portugal qui sont au point de mire : c’est la zone euro qui, par manque de solidarité élémentaire joue son va tout. Il ne faut pas s’offusquer de la manière dont fonctionnent « les marchés ». Tant qu’on les laisse faire (demandant aux citoyens au passage de participer à leur sauvetage si les choses se gâtent), ils continueront. Par contre, l’Union Européenne et les Etats membres devraient choisir : ils travaillent pour le marché ou pour les citoyens européens ? Quand enfin décideront-ils qu’ils sont d’une utilité quelconque ?
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