Mythe et mystification des dettes souveraines
Dettes souveraines, dangereuse mystification ?
J’ai imaginé précédemment comment effacer en partie une dette souveraine à court terme. Il suffisait d’inscrire un faux remboursement dans le compte de prêteur. On sait que « restructurer » une dette consiste soit à retarder son échéance, soit à en diminuer le montant. Perte partielle ou simplement rééchelonnée, la restructuration est sans contrepartie pour le prêteur obligé de l’accepter sous la menace d’un défaut de paiement complet pur et simple. Cas de l'Argentine il y a une dizaine d’années et récemment celui de l’Islande. C’est le risque de tout prêteur qu’il espère compenser en augmentant généralement le niveau des taux d’intérêts.
Le scénario qui suit est sans restructuration. En effaçant totalement toute dette souveraine, sous réserve que la somme en question refigure dans les comptes des prêteurs, quelle que soit sa durée j’affirme qu’une dette souveraine est fictive, et qu’il y donc une alternative au néolibéralisme qui l’a engendrée. Je montre comment les financiers ont su diaboliquement manœuvrer et manipuler les Etats depuis des décennies pour en arriver là.
Supposons donc que chaque Etat endetté invite les banques à réinscrire les sommes prêtées comme si c’était réellement le cas, dans leur bilan. Rien ne s'était passé. Les prêteurs sont censés avoir été équitablement remboursés mais sans mouvement de fonds. Il n'y aurait aucune perturbation dans le système financier. Le prêteur retrouve son argent nominal comme au moment de la transaction, avec comme seul inconvénient la perte des taux d'intérêts futurs.
Ce remboursement fictif, ne serait pas dicté par bonté d’âme, mais aurait l’avantage de préserver les populations des conséquences d’un véritable défaut parce que tôt ou tard les pertes d’argent situées au niveau national seront répercutées sur elles : une faillite bancaire entraîne des pertes parmi les déposants. On a vu les Etats français, anglais, américains, après le choc de la crise des « subprimes » prêter des sommes considérable aux banques trop engagées envers les banques américaines. Je m’interroge d’ailleurs sur la façon dont la France est venue au secours de quelques-unes d’entre elles en prêtant des milliards d’euros à très court terme, un argent qui pourtant n’existait pas parce que « les caisses étaient vides ».
Puisque faire des chèques sans provision n’est pas interdit à ce niveau, faire un faux remboursement pourrait ne pas l’être non-plus. Les Banques centrales, dont la BCE, organismes de tutelle des banques privées pourraient hurler aux faux en écriture, mais n’ont-elles pas fait pareil au moment de ces interventions ? De toute façon elles ne possèdent pas la force publique, pour s’y opposer…Contrairement aux Etats qui dirigent ces banques centrales. Mais comme les banques réintègrent leurs liquidités, et qu’elles ne sont donc pas lésées, il n’y aurait pas lieu, en toute équité, d’intervenir pour rectifier cette écriture. Toutefois, tout se passe comme si les sommes tout de même dépensées à l’avance par l’Etat, auraient été créées ex nihilo.
Effacer les dettes souveraines permettrait de se retrouver exactement dans la situation qui prévalait avant la loi du 3 janvier 1973, votée sous le gouvernement Giscard où l'Etat faisait battre monnaie pour ses dépenses budgétaires. Les banques peuvent préférer le risque du défaut et restructurer les dettes d’un petit pays comme la Grèce, dans la mesure où elles perdent un peu, mais pourront acquérir des biens à très bas prix puisqu’en contrepartie de nouveaux prêts, elles imposent, aussi une restructuration au pays. Véritable descente aux enfers appelée déflation. En effet en période déflationniste les prix ne cessent de baisser, au détriment d’abord des entreprises. Celles-ci en baisse de régime sont alors facilement rachetées par les financiers aux aguets. La technique de la déflation, favorable aux banques, a été expérimentée au Chili, après Allende, sous l’égide d’économistes américains avisés. D’autres cas de prédations néocolonialistes économiques, ont été décrits par Naomi Klein (La stratégie du choc). Effarent. A terme, après une période déflationniste, cet afflux d’argent vient à point rééquilibrer les comptes d’un Etat exsangue, et le rendre à nouveau solvable, mais à partir d’un très bas niveau il a perdu son indépendance économique.
Avant d’en arriver là, la Grèce et autres Etats déficitaires qui adopteraient le système du faux remboursement pourraient émerger et retrouver une situation saine en supprimant toute pression qui pèse sur la population qui dépend en réalité de chiffres…irréels.
Pourquoi ce scénario où la finance ne dominerait plus les Etats ne sera probablement jamais adopté ? Parce que des accords entre les pays au niveau européen ont eu lieu en faveur des banques qui préfèrent mutualiser les dettes souveraines comme l’a accepté récemment l’U.E (MES). Cela leur parait être une solution plus favorable : leurs créances sont garanties par la BCE en dernier ressort. Elles peuvent continuer à s’engraisser sans trop de risque sachant qu’en cas de grave problème dû à un manque de liquidités, les Etats, par l’intervention des banques centrales, s’obligeront à les sauver. Mais est-ce que la BCE a des fonds propres suffisants en cas de nouvelle grave crise financière ?
Dans le même état d’esprit, pour aller encore plus loin dans l’analyse du système libéral, pourquoi ne pas imaginer que les Etats ne présenteraient plus leurs bilans comme une comptabilité d’entreprise ? A condition qu’ils battent encore leur propre monnaie, ils ne s’occuperaient que de comptabiliser à part les dépenses et leurs recettes budgétaires. Que se passerait-il ? C’est ce que certains économistes, dont Keynes qui fait référence depuis quelque temps, ont toujours préconisé : ne s’occuper en priorité que des dépenses pour la conduite économique d’un Etat. Adam Smith au 18e siècle a également incité de ne pas s’en tenir à la comptabilité classique. N’ayant pas de comptes à rendre par la comparaison entre les recettes et les dépenses, les Etats souverains n’auraient pas non plus de compte à rendre aux banques puisqu’ils n’auraient pas besoin de leur emprunter le moindre argent qu’il soit national ou non, pour financer un éventuel déficit. Leur seule préoccupation serait de ne pas enclencher, par des dépenses excessives, une inflation exponentielle incontrôlable qui serait issue d’une augmentation trop importante de la masse monétaire en circulation. Les prêteurs savent que cela fait baisser la valeur de l’argent au moment des remboursements. D’où la loi de 1973 en question empêchant l’Etat français de battre monnaie, en laissant ce soin aux banquiers. C’est donc de cette façon et depuis cette date que les banques ont pris le pouvoir en le laissant s’endetter progressivement ! Le cas s’est généralisé avec les traités européens qui ont fait adopter une directive équivalente pour les pays membres de l’U.E.
N.B. Supprimer toute pertinence à un déficit permettrait de relancer la croissance…et l’emploi conformément à la théorie des systèmes que je développe dans mon livre (En finir avec les crises et le chômage). En vente dans toutes les librairies et chez Edilivre.com . Existe en numérique avec premières pages consultées gratuitement.
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