Naufrage
SeaFrance et la polémique qui enfle à propos de sa survie sous une forme ou une autre pourrait bien être l'exemple de nos incapacités collectives à examiner avec rationalité et volonté d’aboutir les questions économiques et sociales. On peut lire toutes les polémiques, toutes les interprétations politiciennes, toutes les hésitations syndicales, mais il est beaucoup plus difficile d’être en possession de documents objectifs sur la viabilité économique de l'entreprise. A partir du moment où l’on propose à des salariés d’investir dans une SCOP, il serait d’abord nécessaire de savoir si cet investissement est à terme rentable et l’entreprise viable.
Personne, ne se risque véritablement sur cette question pourtant fondamentale. L'impression est plutôt celle d'une grande frilosité de part et d'autre. Si le risque de reprise par les salariés est trop grand, pourquoi vouloir faire prendre ce même risque par la collectivité, en l’occurrence l’Etat ? Le dossier est compliqué. On peut s'interroger en premier lieu sur le fait que la SNCF y soit associée ; c'est historique mais pourquoi ? En effet SeaFrance est en concurrence directe avec Eurotunnel et d'ailleurs la SNCF avait essayé de se dégager de cette vocation maritime anachronique.
Les syndicats ont refusé tous les plans de reprise proposés, en particulier celui de Louis Dreyfus et d'un armateur Danois. Le statu quo, même suicidaire, semble présider à toutes les tentatives de mutations : ces attitudes systématiquement négatives s'apparentent au conservatisme absolu. « Le fait d’avoir empêché tout accord, que la SNCF n’ait pas accepté l’offre de rachat de Louis Dreyfus, d’avoir découragé Brittany Ferries qui s’était également montré intéressé, le manque de volonté du propriétaire de SeaFrance, l’intransigeance des syndicats : toutes ces raisons ont directement conduit au blocage actuel. » Le jusqu’au boutisme est ainsi mortifère, dans un secteur très touché par la crise et très concurrentiel. On se rappelle les démêlés à propos de la SNCM à Marseille. Les évolutions récentes du dossier, avec cette fois les hésitations autour d'une hypothétique SCOP, ne serait-il pas le signe que de nombreux locaux savent parfaitement que l’entreprise n’est pas viable sous sa forme actuelle ni en SCOP ? Dans le même temps la direction Nationale de la CFDT annonce son désaccord avec ses propres responsables syndicaux dans l’entreprise. Nous touchons du doigt la difficulté d'un vrai réformisme moderne dans notre pays.
Chacun campe sur ses bases, d'un côté les salariés refusent toujours d'investir leurs indemnités de licenciement pour racheter l'entreprise, et de l'autre le gouvernement refuse de financer, notamment par le biais du FSI, le sauvetage de SeaFrance. Au total il n'est pas du tout évident que SeaFrance puisse à nouveau être rentable. Endettée à hauteur de 185 millions d'euros, l'entreprise a perdu 36 millions d'euros en 2009 et 240 en 2010. Et ce malgré un plan social qui a conduit à la suppression de 482 postes sur 1580 l'an dernier. C’est sans doute par cette réflexion sur sa rentabilité potentielle dans sa forme actuelle qu’il faudrait commencer.
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