Onde de choc en Europe... en Suisse
Dans le contexte actuel de crise globale, la Hongrie est le premier pays à avoir orchestré une hausse - en panique - de ses taux d’intérêt de 3 % hier dans le but de freiner la fuite de capitaux hors du pays et de défendre sa devise menacée d’effondrement, le Forint. Des taux à 11,5 % contribueront pourtant à ralentir l’économie du fait de frais de financement élevés, mais les options à disposition des autorités hongroises étaient fort limitées eu égard à la dépréciation de 15 % en un mois de leur monnaie vis-à-vis de l’euro.

De fait, le forint hongrois est la devise la plus attaquée cette année parmi l’ensemble des pays émergents de la planète et des flux de capitaux massifs hors du pays sont encore à craindre avec à la clé une dégringolade supplémentaire du forint... La liquidité étant au cœur de la crise actuelle, notre monde est comme un gigantesque théâtre où se livre une compétition féroce où chaque euro, chaque dollar et chaque devise utilisés à un endroit, comme par exemple en Hongrie, est une unité de liquidité non disponible ailleurs !
On comprend ainsi la générosité de la Banque centrale européenne qui a volé au secours de la Hongrie la semaine dernière en lui prodiguant des facilités de crédit de 5 milliards d’euros, montant comparable au plan américain de 700 milliards de dollars, proportionnellement à la taille et au PIB hongrois ! De fait, dans l’histoire de l’Union européenne, la Hongrie est le premier pays européen à avoir bénéficié d’aides d’urgence de la part de l’Union, quoique lui-même non membre de cette Union... Il faut dire que les enjeux sont de taille.
En effet, les banques autrichiennes réalisent 35 % de leurs profits grâce aux pays d’Europe centrale et des Balkans, l’Autriche ayant une exposition à ce marché de l’ordre de 230 milliards d’euros, suivie par l’Italie dont les banques sont investies dans cette région à hauteur de 160 milliards d’euros... L’Autriche, avec une population de 8 millions d’habitants et avec un PIB de l’ordre de 235 milliards d’euros, a, depuis la chute de l’URSS, tiré des avantages considérables de son implantation historique remontant à l’Empire des Habsbourg dans cette région peuplée de 130 millions d’habitants et au PIB global de 800 milliards d’euros. Par ailleurs, les banques italiennes et grecques sont fortement impliquées en même temps que leurs consœurs autrichiennes en Bulgarie qui subit aussi de plein fouet une sévère crise de liquidités alors que, plus au nord, le gouvernement suédois s’est employé à émettre des garanties à hauteur de 155 milliards d’euros en faveur des créanciers de la Baltique sinistrés...
Cependant, de tous les protagonistes de ce drame, c’est - contre toute attente - la Suisse qui risque le plus ! En effet, le marché des hypothèques hongroises est dominé par... le franc suisse : près de 90 % des hypothèques du pays sont ainsi libellées en franc suisse depuis 2006 et l’on estime que 45 % de l’ensemble du marché des crédits immobiliers et 40 % de l’ensemble des crédits à la consommation hongrois sont exprimés en franc suisse plutôt que dans le forint national !
L’utilisation du franc suisse comme monnaie de financement par excellence (carry trade) a été largement justifiée jusqu’à présent par les taux d’intérêts très bas et par la tendance globalement à la baisse contre euro de la devise helvétique. De fait, la Hongrie n’est - de loin - pas le seul pays d’Europe centrale à avoir exploité à outrance ce filon du franc suisse puisqu’elle a été très vite rejointe par la Roumanie et par la Croatie ainsi que, dans une moindre mesure, par la Slovaquie et par la République tchèque...
Proche du zéro, il y a quelques années, les taux d’intérêts du franc suisse ont cependant grimpé de plus de 3 % en moins de cinq ans contribuant ainsi à alourdir les remboursements des débiteurs d’Europe centrale. Plus grave encore : la dépréciation du forint hongrois de près de 10 % face au franc suisse en l’espace de quelques semaines a creusé d’autant la dette des Hongrois dont les revenus sont bien sûr toujours libellés en forints... Toujours est-il que ces prêts en francs suisses, consentis principalement par des banques autrichiennes, risquent de mettre le système bancaire de ce pays en banqueroute en cas d’une accumulation de défauts de paiement des débiteurs hongrois ! Dans cette hypothèse, le domino suivant affectera à l’évidence la Suisse - source de tous ces prêts en francs suisses - qui se trouve incidemment être à l’épicentre de l’Europe sans toutefois faire partie de l’Union...
Une crise financière de cette ampleur sur la place Suisse aurait des répercussions majeures sur toute l’Europe et, de fait, ces dernières semaines, la Suisse semble bien être envahie par la peur ! Le gouvernement de la Confédération a certes injecté quelque 4,6 milliards d’euros, il y a quelques jours, dans l’UBS et dans le Crédit suisse qui bénéficient de surcroît d’un fonds de 45 milliards d’euros initié par Berne et destiné à racheter les créances douteuses des banques suisses, mais le système bancaire helvétique - déjà très durement secoué par la crise des subprimes - serait-il capable de survivre à une nouvelle secousse émanant cette fois-ci d’anciens pays satellites de l’Union soviétique ?
Les Suisses scrutent l’horizon et y voient, avec appréhension, l’annonce de très fortes turbulences dont les ondes de choc sont susceptibles de traverser de part en part l’ensemble de l’Union européenne ! La masse globale de prêts consentis en franc suisse hors de Suisse étant estimée à 500 milliards d’euros, une secousse provoquée par le défaut de paiement de ces débiteurs subprimes "nouvelle vague " d’Europe centrale ébranlerait l’Autriche, la Suisse, l’Italie et la Grèce en même temps que l’ensemble de la région d’Europe centrale et balkanique...
La priorité des autorités de l’Union européenne est donc à présent de stabiliser la valeur du forint afin d’endiguer la fuite de capitaux hors de Hongrie. Effectivement, la fixation d’une parité entre l’euro et la devise hongroise éviterait l’effet domino des faillites immobilières en permettant aux débiteurs hongrois de poursuivre leurs remboursements. Il eut certes été préférable de fixer une parité du forint vis-à-vis du franc suisse, mais les autorités européennes n’ont aucun levier vis-à-vis de la Confédération helvétique et doivent en conséquence être pragmatiques. La stabilisation du forint consacrera ainsi l’intégration de facto de la Hongrie au sein même de la zone euro et ce dans une conjoncture peu favorable et alors que ce pays est loin de satisfaire aux critères de base. Il va de soi que la crédibilité de l’Union européenne en sera sévèrement affectée...
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