Opel Anvers : qui manipule qui ?
General Motors a-t-il
commandité deux repreneurs uniquement pour faire monter les enchères et
favoriser l’Allemagne au détriment de la Belgique ? En tout cas, les coïncidences troublantes se multiplient dans ce dossier hautement stratégique.

Quel que soit le repreneur d’Opel, l’usine d’assemblage d’Anvers est condamnée. Ce qui envoie 2.600 emplois directs à la trappe, plus 5.000 à 10.000
Les Flamands peu clairvoyants
Il semblerait que personne, en Flandre, ne s’attendait à voir Anvers sacrifié dans le plan de reprise d’Opel. Mais sans avoir jamais reçu la garantie d’une issue contraire. Légèreté, imprudence ou excès de confiance ? Le syndicaliste Rudi Kennes, vice-président du Conseil d’entreprise européen d’Opel, joue les Candide : « Jusqu’à présent, nous n’avons pas été informés de plans allant dans le sens d’une fermeture ». Kris Peeters a-t-il fait preuve de naïveté en soutenant publiquement, avec les syndicats, la candidature de Magna ? Autre hypothèse : ses déclarations ont pu alerter General Motors, qui vend Opel et essaie d’en tirer le meilleur prix, sur une possibilité de faire monter les enchères en jouant les Länder allemands contre la Flandre… Ce que notre enquête semble confirmer.
Politiques peu éthiques
Le gouvernement flamand vient en effet d’annoncer qu’il déposait 500.000 euros sur la table des négociations, pour sauver les emplois de « son » usine d’assemblage. De leur côté, les Allemands promettent un milliard et demi d’euros et des efforts supplémentaires si les quatre sites allemands restent ouverts. Les enjeux se précisent… Car dans l’état actuel des choses, chaque emploi perdu à Anvers est un emploi sauvé en Allemagne, et il n’y en aura pas pour tout le monde. Voyant le risque survenir, Kris Peeters a saisi les autorités européennes de la concurrence, qualifiant les manœuvres allemandes de « peu éthiques et protectionnistes », en prenant soin de préciser que l’usine d’Anvers « dame le pion sans difficulté à l’usine de Bochum ».
Liaisons curieuses
Petit retour en arrière : en avril dernier, après la faillite de General Motors (GM, la maison-mère d’Opel), Magna s’était porté acquéreur en même temps que Fiat et le holding de droit belge RHJ International. Un premier round de discussions avait découragé Fiat, qui s’est retiré en mai pour se jeter sur Chrysler, pas mieux loti que son concurrent GM. Fin mai, les autorités allemandes annonçaient avoir conclu un accord avec Magna, que les Belges semblaient accepter. Mais avaient-ils le choix ? Restait à finaliser l’accord avec le vendeur, GM. Mais, gourmand et espérant tirer un maximum de la vente de sa filiale allemande, l’Américain a alors posé de nouvelles exigences, jugées inacceptables par l’équipementier canadien. Il faut dire que GM n’y était pas allé de main morte, réclamant 300 millions supplémentaires. Du coup, les négociations ont traîné en longueur pendant le mois de juin. C’est alors qu’on a vu revenir dans la course deux candidats repreneurs qui, chose importante, ont un point commun : celui d’être des proches de General Motors. Il s’agit de RHJ International, déjà cité, et du constructeur automobile chinois BAIC (Beijing Automotive Industry Corp). RHJ International est lié à GM de façon indirecte, au travers d’une participation de son actionnaire de référence Ripplewood dans Daewoo Electronics, la filiale « composants » du géant automobile coréen démantelé en 1999 à la suite d’une faillite frauduleuse et repris par GM en 2002. De son côté, BAIC est actionnaire de GM-Daewoo à hauteur de 10%, via sa « joint venture » avec SAIC (Shangai Automotive Industry Corp), par ailleurs partenaire de Fiat (comme on se retrouve !).
Partie de poker à deux milliards… sur le dos des travailleurs
RHJ et BAIC proposent des offres assez différentes de celle de Magna, notamment des exigences moins élevées en termes de garanties de l’Etat allemand. De quoi appâter le poisson… Mais RHJ et BAIC ont-ils réellement eu la volonté de racheter Opel, ou sont-ils là pour, comme cela se pratique dans les ventes publiques, pousser l’enchérisseur à remettre la main au pot pour le plus grand profit du vendeur ? Si c’est le cas, la réussite est double, puisque les gouvernements allemand et flamand font eux aussi dans la surenchère, Peeters venant il y a quelques jours de proposer 500 millions pour sauver Opel Anvers. Bien entendu, le maintien des 2600 travailleurs de l’usine d’Anvers aurait inévitablement entraîné davantage de licenciements dans les sites allemands, ce que n’aurait pas apprécié le gouvernement d’outre-Rhin qui était prêt à mettre 1,5 milliard sur
Deux faits troublants
Déjà début juillet, certaines voix avaient timidement avancé l’hypothèse, vite balayée, d’un « montage » de GM pour contraindre Magna à relever son offre. Compte tenu de tout ceci, il est permis d’envisager cette possibilité. Certes, rien ne démontre formellement qu’il y ait eu manœuvre d’influence, d’autant qu’il n’y a pas de participation directe de RHJ-Ripplewood dans GM. Toutefois, on notera avec intérêt les deux faits suivants : en 2001, Ripplewood rachète l’équipementier japonais Nile Parts Co., un as du secteur, fournisseur des plus grandes marques. Et qui la holding américaine place-t-elle à la tête de cette nouvelle filiale ? Un dénommé Richard Donnelly, ex président pour l’Europe de General Motors où il compte 38 ans de carrière. De quoi nouer des amitiés durables… Rebelote en 2005, lorsque Ripplewood rachète Honsel (HIT), un équipementier allemand fournisseur, notamment, de GM. Et qui devient président de HIT ? Le même Richard Donnelly. Toujours est-il que le sort d’Opel Anvers étant scellé et l’offre de Magna revue à la hausse, BIAC quittait la course fin juillet. Mission accomplie, aurait-on envie d’écrire.
Le détail qui tue
Restent en piste RHJ et Magna. On sait que le canadien est le favori du gouvernement allemand, qui s’est déjà prononcé une fois en sa faveur (fin
Un élément extrêmement interpellant vient renforcer le soupçon : une étude de
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