Où va la Caisse des dépôts et consignations ?
Le président de la République a récemment déclaré : « la Caisse des dépôts et consignations, nous allons en faire un instrument de la politique de défense et de promotion des intérêts économiques primordiaux de la Nation ». Avec ses 250 milliards d’euros manipulés chaque année, dont plus de 200 ne sont qu’en transit dans ses livres, le bras armé du fameux « patriotisme économique » fait pourtant pâle figure face aux centaines de milliards d’euros investis à travers le monde par les plus grands fonds de pensions et fonds d’investissement étrangers. La trentaine de milliards d’euros investis par la CDC en actions de moyen et long termes ne représente d’ailleurs que 3% des mille milliards d’euros de la valeur totale du CAC 40…
Faut-il, sous prétexte de patriotisme économique, pour autant tout mettre en œuvre pour donner à la Caisse les moyens de ses ambitions ? C’est, à l’évidence, ce que cette dernière cherche à obtenir, soutenue par quelques parlementaires qui, à l’occasion des discussions qui s’ouvrent sur le projet de Loi de Modernisation de l’économie, tentent de lui attribuer par voie d’amendement de nouvelles ressources.
La CDC a vocation à gérer une grande partie des fonds des Livrets A et bleus pour contribuer au financement du logement social. Le projet de loi défendu par Christine Lagarde propose une généralisation – heureuse – du Livret A, qui n’est aujourd’hui disponible que dans les réseaux de la Banque Postale ou des Caisses d’Epargne, à l’ensemble du réseau bancaire. En parallèle, le projet de loi prévoit, pour garantir le financement du logement social, un niveau de centralisation permettant de couvrir 1,25 fois le montant des prêts émis par la CDC pour financer le logement social. En clair : les banques verseront automatiquement 25 % de plus que le montant des prêts accordés par la CDC.
Cette importante marge de liquidité ne suffit manifestement pas à cette dernière. Un projet d’amendement, déposé par le député PS Jean-Pierre Balligand (membre de la commission de surveillance de la CDC), présenté le 20 mai en Commission des Finances, visait à élever la couverture à 1,33 fois le montant des financements émis. Il a été rejeté. La Commission a, en revanche, adopté un amendement de Michel Bouvard, député UMP (président de la commission de surveillance de la CDC), qui prévoit, tout en maintenant le taux de 125 %, d’élargir l’emploi des ressources centralisées par la Caisse pour le logement social (soit 80 milliards d’euros environ) à la politique de la ville (représentant 8 milliards d’euros). Augmenter ainsi l’assiette des prêts émis servant de base au calcul de la couverture minimum revient à augmenter de 10 milliards d’euros l’obligation de centralisation pour les banques distributrices (1,25 fois 8 milliards).
Si cet amendement était adopté, les montants centralisés dans les livres de la CDC au titre des trois livrets pourraient augmenter de plus d’un tiers. Et la Caisse des dépôts trouverait ainsi un moyen de s’assurer, à moindres frais, des ressources supplémentaires, qui lui permettraient de financer des investissements très éloignés des ambitions sociales premières, alors même que la majoration de 25 % laisse d’ores et déjà une marge de liquidité particulièrement confortable à la Caisse qui ne se justifie philosophiquement (et qui serait à prouver économiquement) que parce qu’il s’agit de financer des logements sociaux.
En outre, cette liquidité a un prix : les banques n’ont accepté une rémunération limitée à 0,60% sur les liquidités centralisées au titre du Livret A et une intégration du Livret de développement durable dans l’assiette de calcul des encours centralisés que pour aider au financement du logement social. Il serait malsain de fournir cette même liquidité, pour un taux aussi limité, au seul profit de la CDC et de ses propres investissements, hors logement social. Cela reviendrait en effet à transformer la CDC en une grande banque publique, avec des activités de financement similaires aux banques commerciales privées. Opération pour le moins surprenante quand on sait que toutes les banques publiques ont été privatisées ces deux dernières décennies.
Par Agnès Verdier-Molinié
Vice-présidente de l’iFRAP (institut français pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques Publiques), auteur de La Mondialisation va-t-elle… nous tuer ?, chez JC Lattès
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