Pétrole : le Peak Oil est-il déjà passé ?
Nous avions eu un premier coup de semonce sur l’évolution de la production pétrolière lorsque le PDG de Total, Christophe de Margerie, avait signalé qu’il n’était pas évident du tout pour lui que la production journalière de pétrole dans le monde puisse atteindre facilement les 100 millions de barils par jour. Alors que pour les analystes et commentateurs, c’était déjà un fait acquis qu’avec des pompes et des tuyaux en plus on y arriverait sans problème.
Les faits semblent lui donner raison comme en témoigne la courbe ci-contre de la production de 2001 à nos jours. Notez qu’il s’agit de la production de brut seulement et pas de celle de produits liquides combustibles dont le chiffre de production globale fluctue autour du chiffre plus connu médiatiquement de 85 millions de barils/jours. La différence entre les deux courbes qui est de l’ordre de 12 millions de barils/jours correspond aux productions de bioéthanol, de carburants produits à partir du charbon (CTL) et des biodiesels. Depuis six ans, la production de brut plafonne comme vous pouvez le voir. Nous sommes déjà en plateau de production, une phase préliminaire au Peak Oil, la fameuse année à partir de laquelle la production mondiale est supposée baisser définitivement cette fois. La situation est donc grave d’autant que les autres composés énergétiques liquides, Ethanol, biodiesels ou CTL, qui ont compensé cette légère décroissance depuis 3/4 ans sont équivalents en volumes produits, mais pas en calories. Par ailleurs, ils consomment eux-mêmes de l’énergie pour être fabriqués ce qui en rend le bilan énergétique encore moins bon.
Nous sommes donc déjà au bord du Peak Oil. Combien de temps durera ce plateau avant la plongée dans le gouffre, nul ne sait ? Ce sera le résultat des mises en production nouvelles par rapport à la montée de la demande des pays émergents. Sachez seulement que les dernières prévisions faites par l’Agence internationale de l’énergie tablent sur un accroissement de la demande en hausse de 1,9 % pour 2008, les efforts de réduction de consommation d’énergie des pays industrialisés étant compensés et au-delà par l’accroissement de la demande des pays émergents.
Vous comprenez pourquoi le baril de pétrole est orienté à la hausse sur une tendance lourde. Et pourquoi les pétroliers se précipitent sur toutes les nouvelles opportunités d’exploration de gisements nouveaux. C’est ainsi que les adjudications en Alaska, dans la mer dite des Tchouktches, ont entraîné une ruée des compagnies pétrolières qui ont fait des offres à des prix exorbitants. Le grand gagnant a été Shell, qui avait un retard par rapport à ses confrères en réserves prouvées, et qui y a investi 2,1 milliards de dollars pour 725 lots à explorer. En Irak, malgré la situation chaotique du pays, ce ne sont pas moins de 70 offres de préqualification qui ont été reçues pour porter la production du pays à environ 4 millions de barils en 2009 de 2 millions actuellement. Autre information Total et Statoil auraient bouclé leurs discussions avec Gazprom pour démarrer la première phase de mise en exploitation du gisement géant de Chtokman en mer de Barents.
Seul inconvénient en dehors de la relance de la production irakienne qui peut être rapide, le reste des projets est à horizon 10/12 ans et 10/25 milliards de dollars !
Autre impact de cette année difficile qui a vu la production de brut diminuer chez tous les pétroliers à l’exception de Total, les réserves prouvées de brut pour chaque compagnie sont en baisse.
Le suivi de ces réserves est mesuré par leur taux de renouvellement qui idéalement doit être année après année supérieur à 100 %. Or ce taux est affecté par les "confiscations" de réserves de certains pays comme la Russie qui a récupéré gracieusement une partie des actifs de Shell, Total ou BP ou le Venezuela qui a repris aux majors pétrolières une partie des réserves des gisements de pétrole lourd de la ceinture de l’Orénoque. Autre effet, celui, mécanique, dans les accords de partage de production classiques, de la hausse des prix du baril qui diminue les réserves du pétrolier au profit de celles du pays producteur.
Total a ainsi vu ses réserves renouvelées cette année à 23 % (! !) seulement, l’effet prix lui en faisant perdre 24 % et la perte d’une partie des réserves du projet Sincor dans l’Orenoque lui en coûtant 55 % de plus ! Pour ExxonMobil, le taux de renouvellement n’a été également que de 76 %, mais sans tenir compte de l’effet prix. Pour ChevronTexaco seulement de 10 à 15 % et pour BP, qui triche un peu en oubliant les cessions forcées, de 112 %.
Globalement donc le prix du baril n’est pas prêt de baisser. Les écologistes par contre ne sont pas satisfaits que des zones précédemment protégées comme l’offshore de l’Alaska soient désormais livrées à l’exploration. Nous approchons néanmoins de plus en plus du moment où il faudra faire des choix entre la satisfaction des besoins vitaux des habitants, dont le nombre est en augmentation constante, de la planète ou de la protection de son équilibre écologique...
Le temps se couvre.
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