Retour sur une pillule assez difficile à avaler, même si c’est pour notre bien : la réforme des retraites...
Entre l’allongement de la durée de cotisation (160 trimestres, soit 40 ans aujourd’hui - cette durée sera allongée d’un trimestre par an à partir de 2009), et le recul de l’âge légal de cessation d’activité (60 ans aujourd’hui, mais le MEDEF parle déjà de 62 ans à l’horizon 2015), le temps qui nous reste à vivre après la vie active se réduit comme peau de chagrin.
Et même si l’espérance de vie augmente globalement, on n’est tout de même plus certain d’avoir, plus tard, assez de temps à passer en bonne santé et sans dépendance...
Le temps ou l’argent
Lorsqu’on pense individuellement, le recul imposé de l’âge de la retraite raisonne comme une sorte de punition : tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, même si tu n’en as plus la force, et attends ! Tu devras encore suer quelques années de plus… Content ?
C’est d’autant plus dur que ce n’est pas la seule solution pour renflouer les caisses de retraite. En effet, plutôt que de travailler plus longtemps, on pourrait cotiser plus, tout simplement, et ainsi raccourcir le temps total d’activité.
Durée de cotisation versus montant des cotisations : visiblement, c’est vers la première option que s’orientent nos dirigeants s’agissant de notre avenir. Mais en ont-ils eu le choix ?
En fait, les deux alternatives souffrent de la confrontation avec la réalité économique.
Valoriser l’emploi des seniors
D’abord, pour travailler plus (expression en vogue ces derniers temps), il faut impérativement que le marché de l’emploi le permette. Ce n’est pas avec le taux d’emploi des seniors actuellement constaté en France que cela va se faire. Surtout que les 35 heures (souvent critiquées par le MEDEF) sont venues amputer le nombre d’heures hebdomadaires travaillées.
Rappelons que ces dernières années, le taux d’emploi des 55-64 ans en France peine à atteindre les 40%. Notre pays se trouve en dessous de la moyenne des pays européens en la matière.
Les mesures prises (ou à venir) pour favoriser l’emploi des seniors, comme cumuler un emploi et une retraite, ne pourront pas grand chose si les mentalités ne changent pas : l’employabilité des 55-64 ans souffre de leur mauvaise image auprès des employeurs. Pour beaucoup, passé un certain âge, on ne peut plus rien apporter à une entreprise, on est usé. C’est le constat que font nombre de nos aînés qui tentent de retrouver du travail après un licenciement.
Ainsi, on est en droit de s’interroger sur la pertinence du choix de reculer encore et encore l’âge de la retraite, compte tenu du taux de chômage que connaissent nos seniors.
Il faudra bien que la France suive un jour le chemin de certains de ces voisins européens, pionniers en matière d’emploi des seniors (comme la Suède avec 70%), mais changer les esprits, c’est une tâche longue et difficile.
En attendant, que faire ? Augmenter le montant obligatoire des cotisations d’assurance vieillesse ? Cela ne peut pas se faire sans une baisse du pouvoir d’achat, et c’est loin d’être dans le ton, en ces temps de crise.
Continuer d’allonger la durée légale du travail, pour augmenter le nombre d’actifs ? C’est la solution envisagée pour l’instant par nos dirigeants, faute de mieux. Mais cela doit s’accompagner d’un changement des mentalités en matière d’emploi des seniors.
Le grand capital
Bien sûr, il y a l’autre solution, plus pragmatique : se prévoir un budget d’épargne retraite. Mais ce n’est malheureusement que l’apanage des actifs des classes moyennes ou aisées, pour les plus prévoyants.
Pour commencer, les jeunes, souffrant aussi d’un taux de chômage élevé, sont peu enclins à investir pour leur avenir. Mais il vient toujours un âge (souvent, la trentaine) où cela devient envisageable : question de maturité, et surtout, de volonté individuelle.
Et il faut bien sûr en avoir les moyens : aujourd’hui, en France, le salaire médian* des actifs est de 1600€ nets.
Salaire, nominal, qu’il faut confronter au coût de la vie et à la hausse des prix, en particulier ceux du logement et des biens de consommation courante (il faut toujours raisonner en termes de
salaire réel).
En bref, même sans parler des chômeurs et des travailleurs pauvres, le pouvoir d’achat d’une bonne partie des travailleurs ne permet tout simplement pas de capitaliser pour la retraite.
Seuls ceux qui en ont les moyens (et aussi l’envie) opteront pour un système de prévoyance en se constituant un capital, comme une assurance vie ou l’investissement locatif, afin d’assurer leurs vieux jours.
C’est à cause de cet état de fait qu’existe, heureusement, le système de répartition : tout le monde cotise, afin que chacun en profite le moment venu (système à l’œuvre également en matière de santé publique et d’assurance chômage).
Seulement, le montant de la retraite par répartition (en terme de revenus réels) est loin d’être suffisant, comme l’atteste le nombre de retraités vivant en dessous du seuil européen de pauvreté de nos jours : 600 000 selon la Fondation Abbé Pierre. Ce seuil de revenu est actuellement de 752€ par mois.
Un avenir décidément incertain
Le vieux débat entre répartition et capitalisation est plus que jamais d’actualité. Malheureusement, les deux systèmes sont confrontés au problème du vieillissement de la population : dans les pays occidentaux, les actifs sont de moins en moins nombreux pour produire la richesse nécessaire.
Sans aller jusqu’au modèle des fonds de pension américains, on peut encore agir pour sauvegarder notre système de retraite, tout en incitant les gens qui le peuvent à prendre les devants. Une sage recommandation que l’on n’entend pas assez souvent, sans doute par crainte de voir les ménages épargner au lieu de relancer la sacro-sainte consommation qui est, rappelons-le, le moteur de notre économie.
Le travailleur des classes moyennes semble, une fois de plus, pris entre deux feux : épargner, pour soi, ou consommer, pour les autres.
Sources :
Un réquisitoire audacieux contre le Smic.
DéCHIFFRAGES - Blog LeMonde.fr, 1er août 2008 [consulté le 28 mars 2009].
(*) Le salaire médian est celui qui partage statistiquement la population des salariés en deux moitiés égales : 50% gagne moins, 50% davantage.