Protectionnisme raisonné, Frontières commerciales intelligentes, Taxes équilibrantes... Des grandes idées modernes ?
J'ai tendance à dire qu'il faudrait pouvoir enseigner Maurice Allais aux futurs économistes, au moins pour qu'ils aient plusieurs scénarios mondialistes possibles et ensuite pour qu'ils apprennent à réfléchir par eux mêmes et développer leur instinct critique.
C'est affligeant de réaliser que la France disposait d'un Nobel Économique, et qu'il n'est jamais cité en référence par les conseillers économiques des institutions politiques, d'ailleurs questionnez n'importe quel "économiste médiatique", il sera bien incapable de vous décrire le travail d'Allais dans sa substance.
"Protectionnisme raisonné", "frontières commerciales intelligentes", ou encore "taxes équilibrantes à l'importation", des grandes idées modernes mais politiquement incorrectes. Tant mieux !
LA SITUATION OBJECTIVE.
On ne peut plus continuer à délocaliser la production industrielle des pays riches auprès des pays exportateurs à faible coût de main d'œuvre et à protection sociale quasiment nulle. C'est devenu indécent.
C'est une vision politique de court terme qui a pu fonctionner pendant quelques dizaines d'années, et qui a été mise en œuvre successivement par des politiciens pas du tout visionnaires.
Outre le fait que ce soit criminel, et exceptionnellement hypocrite car on sait bien que la marge bénéficiaire reviendra aux capitalistes purs et durs (les "financiers" du système in fine) et que les travailleurs pauvres seront toujours exploités dès leur plus jeune âge, ne leur laissant aucune chance de s'émanciper.
C'est aussi se tirer une balle dans le pied à long terme, car nous, pays occidentaux, principaux bénéficiaires de production offshore, allons perdre progressivement de quoi financer notre haut niveau de protection sociale, après notre capacité à innover et à produire les choses que nous consommons.
C'est à peu près déjà la situation dans laquelle nous nous trouvons désormais.
En étudiant de près les travaux de l'unique Prix Nobel d'Économie français, Maurice Allais, on découvre à la fois ce qui explique la situation paradoxale dans laquelle le monde se trouve, mais aussi les solutions innovantes, originales et pratiques à mettre en œuvre pour se sortir de la tourmente.
Au risque de choquer encore, je crois que les grandes idées de demain, c'est le "protectionnisme raisonné" et les "frontières commerciales intelligentes".
LE DÉSÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE POUR LES NULS.
Pour faire simple, par un exemple que tout un chacun pourra comprendre, prenons le cas d'un distributeur français de t-shirts.
En France, il n'y a plus aucun fabricant de t-shirts, ils ont tous disparus, ils créaient pourtant des milliers d'emplois dans le textile il n'y a pas si longtemps et l'industrie textile française a toujours été fleurissante
Notre distributeur, il y a 10 ou 20 ans, pouvait faire fabriquer en France ses t-shirts pour 5 à 10 euros (30 à 65 francs à l'époque). Le distributeur n'était pas vraiment sollicité à l'époque par les pays exportateurs à faible coûts de main d'œuvre, et le choix de sous-traitants étrangers était plus ou moins limité, on était pas encore dans la "mondialisation" telle qu'on la connaît aujourd'hui.
Le fabricant français, fournisseur du distributeur dans notre exemple, avait un prix de revient de 2 à 5 euros, et pouvait espérer une belle marge commerciale à deux chiffres lui permettant de faire prospérer son industrie textile en France, d'embaucher, de former, d'innover par l'investissement.
Dernièrement, avec l'internet qui diffuse une large offre internationale, qui accélère les "collaborations globales" entre offres et demandes et la logistique internationale ("global forwarding logistic services") qui permet de transporter n'importe quelle marchandise d'un point à un autre du monde sans réelles contraintes et à coût maîtrisé, notre distributeur est sollicité par des fournisseurs de pays exportateurs à faible coût de main d'œuvre.
Les fournisseurs asiatiques vont proposer désormais à notre distributeur un t-shirt de qualité équivalent ou supérieure à ce qui se produisait en France (oui, je sais que c'est choquant de lire ça, mais sans qu'on ait eu le temps de s'en rendre compte, les chinois ont par exemple considérablement augmenté leur niveau de qualité, au point qu'on ne puisse plus vraiment affirmer que "produit chinois" signifie nécessairement "basse qualité", et il n'y a pas que les chinois en Asie par ailleurs) à un prix qui sera peut-être 2 ou 3 fois inférieur, malgré le coût du transport.
Notre distributeur, charmé par les offres de services qui se sont multipliées et la facilité de traiter avec les fournisseurs exportateurs à bas coûts a inévitablement abandonné son producteur local pour s'approvisionner là où il pouvait espérer de meilleures marges.
Du même coup, il a aussi baissé son chiffre d'affaire avec le temps, en proposant à des tarifs finaux moins élevés des produits qu'il a importé moins cher, baissant également sa marge, non pas en pourcentage, car elle a explosé "magiquement", mais en valeur nominale, et c'est là un des autres points cruciaux qui a échappé à tous les baratineurs défenseurs de cette mondialisation là.
En effet, en achetant un produit 8 euros fabriqué en France, qu'on vendait 15 euros, on réalisait 7 euros de marge nominale, soit 45% de marge environ sur le prix de vente, prix de vente qui était d'ailleurs acceptable pour le marché local, l'ensemble du système étant "maintenu ou orienté vers le haut" (c'est à dire qu'on ne cherchait pas le prix bas à tout prix, mais l'équilibre entre offre et demande locale).
Mais en achetant ce même produit en Asie, à 2 euros, on va avoir tendance à le vendre 7 euros, on va afficher une superbe marge de près de 70%, mais uniquement 5 euros de marge nominale. Dans le même mouvement, on va avoir tendance à "orienter le système vers le bas" (c'est à dire chercher à vendre encore moins cher, convaincu que c'est la panacé, produire donc moins de résultats in fine, ne pouvant plus ensuite assurer les niveaux de revenus d'avant).
Pour ce même article, le chiffre d'affaire va baisser de plus de 50%, il faudra vendre deux fois plus de produits pour être sûr de gagner plus d'argent que dans le scénario initial.
Vous connaissez beaucoup de commerçants qui vendent deux fois plus d'articles, qui consolident leur chiffre d'affaires et qui voient leur marge bénéficiaire nominale augmenter avec la mondialisation ? Pas moi. Par contre j'entends surtout des commerçants qui se plaignent.
L'idée qui consiste à dire qu'il faut pouvoir contrôler ce qu'on importe pour réguler les prix est objectivement intéressante. Je regrette qu'elle soit rejetée à Gauche et à Droite, mais ça ne m'étonne pas. Les solutions de demain ne viendront pas des mouvements politiques au pouvoir, obsolètes et indirectement corrompus.
LA SOLUTION MIRACULEUSE (QUI NE RELÈVE PAS DU MIRACLE MAIS DU COURAGE POLITIQUE).
Je dis que si un produit peut être fabriqué sur le marché local (en France pour ce qui nous concerne, ou en Europe si on veut l'envisager sur le plan européen en second temps), il faut pouvoir privilégier la fabrication locale, c'est le "protectionnisme raisonné".
On n'empêchera pas un distributeur d'importer un produit identique ou similaire à 2 euros, lorsque ce dernier peut être fabriqué localement à 8 euros.
Par contre, on doit pouvoir demander à ce distributeur de contribuer à un "fond d'équilibre commercial" entre le marché local et international, par une taxe à l'importation.
Que ce fournisseur paye sa marchandise 2 euros à son partenaire asiatique, mais alors qu'on le taxe également de 6 euros supplémentaire pour que son prix de revient ne fasse jamais concurrence à ce qui peut se produire localement.
Cette taxe reviendra à l'industrie "pénalisée" par les importations de produits des pays à bas coûts (pour financer notamment les investissements locaux dans l'industrie respective, ou le maintient du haut niveau de protection sociale par un système à définir), et/ou viendra en crédit des pays exportateurs à bas coûts, les contraignants à consommer des marchandises produites dans notre pays, à nos coûts et à leur destination.
Bien entendu, ce modèle tel que je l'ai expliqué est volontairement simpliqué et vulgarisé, mais j'en décris le grand mécanisme d'équilibre.
Chaque industrie, chaque secteur d'activité devra disposer d'un organisme de contrôle et de régulation des prix, le plus neutralisé possible, le législateur estimera quels seront les produits et les secteurs industriels concernés par cette régulation équilibrante, en concertation avec les corporations.
Ce qui se produit avec le t-shirt en exemple, se reproduit également à l'infini dans tous les secteurs d'activité, hélas sans qu'on parvienne à contrôler quoi que ce soit, c'est la "mondialisation", la "globalisation" destructrice.
J'appelle l'Europe à rapidement mettre Maurice Allay au programme de ses économistes les plus influents et à pimenter la vie économique européenne par un peu de protectionnisme raisonné.
Que la France donne rapidement le rythme d'une politique économique volontaire et innovante, pour le bien des peuples.
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