Quand la qualité de vie au travail est menacée par les risques psychosociaux
Les décennies récentes ont été marquées par un bouleversement de l’organisation du travail. Dans certaines entreprises, cette situation a accentué l’émergence des troubles psychosociaux, considérés comme des risques professionnels à part entière.
Ouverture des marchés, fusions et restructurations, flux tendus, exigences constamment plus fortes des clients... : le travail doit désormais s’adapter à ce nouveau paysage. Or, cette adaptation s’impose à des travailleurs qui n’y ont pas toujours été préparés. Elle s’impose aussi à des managers tenus d’instaurer dans leurs équipes les climats favorisant la réactivité et la réalisation d’objectifs variables. Elle s’impose enfin à des chefs d’entreprises, contraints de réorganiser régulièrement leur appareil de production.
La souffrance au
travail
Cette situation aura mis en lumière certaines violences auxquelles sont exposés les salariés. Ainsi que le souligne le rapport publié en 2004 par le Conseil Economique et Social (Organisations du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés) : « Le travail, dans certains cas, peut faire violence..., se muer dans des circonstances... traumatisantes, du fait d’organisations ou de situations mal vécues... et être source de souffrances... ». Etre menacé par ces souffrances, c’est être exposé à des « risques psychosociaux ».
Leur impact sur la sphère psychique peut entraîner des pathologies physiques. Ils affectent la personne, les équipes et la performance de l’entreprise.
Quels sont ces
risques ?
Les troubles psychosociaux se manifestent sous différentes formes. Selon J. L., psychologue clinicien, « il peut, par exemple, s’agir de stress violent. Réaction naturelle permettant à l’individu placé dans une situation d’extrême inconfort de trouver rapidement le moyen le plus efficace de s’en sortir, le stress se transforme en souffrance lorsque la charge d’inconfort devient insurmontable.
Les troubles musculo-squelettiques (TMS)* sont des affections certes favorisées par une activité physique répétitive et contraignante mais il semblerait aussi par une trop forte pression psychologique : le sujet, par sa volonté de bien faire et de reconnaissance, va prendre appui sur ses réserves propres ; c’est alors la structure musculaire et squelettique, son seul refuge, qui est sollicitée.
Les pathologies liées au harcèlement moral. Certains comportements (injonctions contradictoires, abus de pouvoir...), certaines organisations du travail (isolement, manque de reconnaissance ou de valorisation...) peuvent influer sur la santé psychique de travailleurs ainsi fragilisés.
Le sentiment de peur. Il concerne les populations inquiètes pour le maintien de leur emploi mais aussi pour leur aptitude à faire face à de nouvelles responsabilités ou aux réactions de la clientèle. A l’extrême, il peut conduire à la dépression, voire au suicide. »
Attention :
urgence
Non, malgré l’émergence avérée des risques psychosociaux dans l’entreprise, les Français ne sont pas fâchés avec le travail. Non seulement, pour la plupart d’entre eux, ils figurent en tête des travailleurs les plus productifs des pays industrialisés, mais encore, selon un sondage CSA publié le 15 mai 2006, 24% des salariés ont « très envie » d’aller travailler chaque matin et 60% « plutôt » envie.
Ce serait donc parmi une importante minorité de 16% qu’il faudrait chercher les principales victimes des troubles psychosociaux. Cette situation est d’autant plus inquiétante que, pour ces victimes, le fait d’appartenir à cette minorité ne peut que renforcer le sentiment de malaise et d’exclusion.
Comment avouer sa souffrance lorsque l’on pense qu’elle n’est pas partagée ? Comment ne pas culpabiliser de ne pas être comme les autres ?
« Il est
urgent, d’engager le dialogue dans les entreprises, de reconnaître les limites
des ressources humaines, de leur adaptabilité, de la formation, sans pour
autant les culpabiliser, insiste J. L. Ce dialogue doit permettre aux personnes concernées par le mal-être au
travail de sortir de leur isolement, de gommer l’image négative qu’elles ont
d’elles-mêmes.
L’entité "groupe de travail" doit également reconnaître sa part de
responsabilité dans l’émergence de ce mécanisme. Inconsciemment, chacun de ses
membres a tendance à se protéger de manière à moins souffrir. Et, dans cette
stratégie d’évitement de la souffrance, les ressources ne sont pas
équitablement partagées entre les membres du groupe. Le système de "bouc
émissaire" s’installe et, avec lui, le silence...
Ne pas protéger les
salariés contre le mal-être au travail, s’est exposer l’entreprise à une
véritable dévitalisation. Or, et ce n’est pas qu’une formule, la principale
ressource de l’entreprise, ce sont ses salariés. »
* TMS :
pathologies invalidantes affectant les tissus situés à la périphérie des
articulations. Elles apparaissent le plus souvent à l’épaule, au coude ou au
poignet. Les TMS figurent dans les tableaux des maladies professionnelles.
Ø
En bref
Ø
Le harcèlement moral, tel que défini par la
loi : « Ensemble d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte
au droit du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou
de compromettre son avenir professionnel. »
Ø
Selon
la loi 2002-73 du 17 janvier 2002, le
harcèlement moral doit être pris en compte dans le règlement intérieur de
l’entreprise.
Ø
Différents
contextes locaux peuvent pousser à la mise en place de démarches de
prévention : un événement fort, une demande du CHSCT ou du management de
l’unité, un signalement du médecin du travail ou d’un agent...
Ø
100%
des salariés sont menacés par le stress dont les principaux effets sont la
démotivation, la fatigue nerveuse, l’anxiété, l’insomnie et la dépression.
Ø
Selon
la dernière enquête de la Fondation européenne pour l’amélioration des
conditions de vie au travail, 27% des salariés européens déclarent leur santé
affectée par des problèmes de stress.
Ø
D’après
l’INRS, le coût social du stress au travail en France serait a minima compris
entre 830 et 1656 millions d’euros, soit 10 à 20% des dépenses de la branche
accidents du travail/maladies professionnelles de la sécurité sociale.
Ø
Pour poursuivre sur le sujet, voyez mon blog : http://malampia.over-blog.org/
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