Quand le patronat s’enrhume, les salariés toussent
Alors, ça y est ? Bien rentrés de vacances ? La peau tannée, l’œil
vif et le poil brillant ?
Ça tombe bien, parce que la rentrée va être chaude bouillante... pas la rentrée
sociale, le bon vieux marronnier que l’on nous sert à chaque fin d’été, non,
votre rentrée à vous, sur fond de fièvre grippale et de dérogations massives au
Code du travail...

Même si vous preniez vos vacances au fin fond du bled, dans une zone blanche ravitaillée par les corbeaux, il ne vous aura pas échappé que la grande affaire du moment c’est l’épidémie, que dis-je, la pandémie de grippe H1N1 qui n’attend que votre retour sous le joug pour fondre sur vous comme la vérole sur le bas clergé breton et menacer par sa virulence les timides prémisses d’une reprise économique ô combien espérée, annoncée, claironnée et qui échappe encore et toujours à toute tentative d’observation, fût-elle avec un microscope à balayage électronique. Car voilà, ce ne sont pas les vilains banquiers, les méchants traders ou même la simple cupidité de toute une petite humanité de profiteurs sans vergogne qui plombent la marche triomphante du libéralisme débridé vers des lendemains qui chantent avec des trémolos dans la voix, non, ce n’est pas non plus l’impuissance ou l’insolvabilité, aussi organisées l’une que l’autre, des grands États face aux conséquences prévisibles d’une dérégulation à la hache de toute la vie économique de la planète qui nous met dans la merde jusqu’au coup, non, c’est la foutue grippe.
Attention ! on ne parle pas là de la petite grippette annuelle qui régule chaque hiver la population des maisons de retraites et de convalescence du monde libre et bien organisé, mais bien de la grippe mondiale, le fléau de Dieu, le virus ultime avec un nom de robot de film de science-fiction, pour coller encore plus les jetons si c’était encore possible.
Qu’importe si la grippe n’est qu’un épiphénomène par rapport à bien d’autres pandémies, réelles, tenaces et bien installées, qui lessivent année après année les populations jeunes et non solvables des sous-continents méprisés et surexploités, ce qui compte, c’est que nos petites sociétés en coton flippent bien grave à l’idée de se retrouver avec les naseaux dans un mouchoir jetable et un thermomètre dans les fesses, suffisamment en tout cas pour accueillir avec joie et gratitude toute initiative qui aurait pour but de les protéger de ces miasmes menaçants.
Donc, le gouvernement nous prépare à lutter contre le grand fléau en achetant des millions de masques et de vaccins, en diffusant des spots de pub bien flippants sur toutes les ondes et... en dépotant sous le manteau quelques jolies circulaires qui, étrangement, parlent bien peu de santé publique et bien plus de santé économique. Morceaux choisis et commentaire de texte de la circulaire émise le 3 juillet dernier par la Direction Générale du Travail :
L’employeur peut adapter l’organisation de son entreprise et le travail de ses salariés via la négociation avec les institutions représentative du personnel [...] ou, à défaut, par décision unilatérale après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.
[...] Changement des conditions de travail : nouvelles conditions d’exécution de la prestation de travail (augmentation du volume horaire par des heures supplémentaires, augmentation des tâches à effectuer sans s’écarter des attributions contractuelles...) par décision unilatérale de l’employeur (le refus de l’employé, sauf s’il est protégé, constitue une faute pouvant justifier le licenciement.
Modification du contrat de travail : cela touche aux éléments essentiels du contrat...

Bref, c’est avec ce genre de petites choses que l’on mesure très exactement la valeur de la vie humaine dans une société et que l’on peut correctement établir l’échelle des priorités de ceux qui prétendent gouverner pour l’intérêt général.
Bonne rentrée quand même !
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