Quand le travail tue
J'essaie de me pencher aussi souvent que possible sur la question des conditions de travail, et j’ai été amenée à interroger des médecins conseil, qui en Belgique travaillent pour les mutualités et reçoivent les salariés en souffrance. Même l’un des médecins que j’ai vu est devenu dépressif à force de voir défiler face à lui des gens au bout du rouleau, moralement et physiquement.
Des symptômes comme la fibromyalgie, qui empêchent de bouger, sont liés à un excès de stress et augmentent de manière vertigineuse. D’autres perdent leurs dents, leurs cheveux, ou carrément la vie.
D’après ce médecin, ces phénomènes sont en augmentation exponentielle depuis le début des années 90.
Et très peu de maladies liées au travail sont reconnues comme telles, grâce à un lobbying intensif des entreprises.
État des lieux
Agriculteurs, profs, flics, employés de banques1], de Renault, de France Telecom, d’EDF2], de La Poste3], de Pôle Emploi4], de Lewis, de Sodexho, de Carrefour5], des médecins généralistes ou du travail… un véritable carnage depuis cinq ans, et même plus. Et cela se produit partout dans le monde. On connaît très bien le phénomène : en 2002 déjà, les Journées Internationales de prévention du suicide se sont tenues à Paris, et on a particulièrement évoqué les suicides liés au travail, un phénomène qui a commencé au début des années 90 avec les premiers suicides d’employés sur leur lieu de travail. Dans toutes ces entreprises, les causes du mal-être sont les mêmes : la restructuration permanente dans l’illisibilité la plus complète.
Le début des années 90, c’est juste après l’arrivée d’un nouveau concept venu des Etats-Unis6] : l’engraissement de l’actionnaire comme priorité absolue. Et l’actionnaire veut ses 15% tous les ans, quand le PIB, lui, augmente à peine de 2%. Comment faire, alors ? En réduisant les coûts : délocalisations, externalisations, fusions-acquisitions sans autre intérêt qu’à très court terme, réduction de la « masse salariale »7]. Tout cela pour que, dans la colonne « coûts », les crânes d’œuf d’HEC et des cabinets de consultants qui « gèrent » les entreprises voient des chiffres toujours plus bas. Le coût réel de ce type de « stratégie d’entreprise » sur le moyen et long terme ? On s’en fiche : les actionnaires auront revendu leurs actions, et le PDG aura quand même ses stock options.
Un cadre anxiogène pour les employés, qui peut mener à un carnage comme on l’a vu à France Telecom, mais qui se traduit plus généralement dans l’ensemble des secteurs d’activité par des burn out, du stress, des dépressions.
Pourtant, il n’existe aucune statistique fiable sur le sujet, et encore moins sur les suicides, aucun recensement. Pas de statistiques, pas de problème. Les entreprises, les médias et les autorités peuvent donc minimiser le phénomène sans difficulté. Idem pour les burn-out, très courants chez les cadres, les infirmières et médecins, les enseignants. Coût estimé du stress au travail en France : entre 830 et 1,6 milliards d’euros par an, d’autres comme CGC (confédération générale des cadres), l’estiment à 51 milliards d’euros par an, soit 3% du PIB, d’autres l’Institut National de Recherche et de Sécurité, ont calculé que le stress coûtait au minimum entre 2 et 3 milliards d’euros par an. A charge de la sécu la plupart du temps. Mais au final, force est de reconnaitre que là encore, les chiffres fiables manquent.
L'Institut National de Recherche et de Sécurité, justement, a sorti en 2007 un rapport sur « le coût du stress professionnel en France ». Le calcul est restrictif et ne prend en compte que les pathologies pour lesquelles nous avons une documentation suffisante : les maladies cardio vasculaires, la dépression et certains troubles musculo squelettiques, et uniquement dans le cadre d’un « travail contraint »8] (une forte masse de travail, parfois impromptue, et à effectuer rapidement) plus de la moitié du temps de travail.
En France, rien que les « décès prématurés » sont estimés à 280 millions d’euros, et au total (soins, absentéisme, invalidité et décès) cela représente de 2 à 3 milliards d’euros par an. Une étude Suisse a compté qu’en France le stress coûtait déjà 7 milliards d’euros par an en 1998. Mais l’étude montre des disparités énormes entre les pays européens. Ainsi le stress aurait couté 45 milliards d’euros à l’Allemagne en 1995, 28 milliards en Italie, 5 milliards en Belgique (10 millions ‘habitants), et seulement 7 en France.
Pour la mère Parisot du Medef, le stress au travail est lié au fait que « c’est plus dur pour l’entreprise de dégager des marges », alors on presse le citron jusqu’au bout. Normal, circulez y’a rien à voir. Et cela sous-entend que dans un contexte moins compétitif, la pression diminuerait. Cela veut aussi dire que le management a le droit de détruire les gens pour « dégager des marges », qu’elles redistribuent aux actionnaires.
Au Japon, on parle de karoshi depuis les années 70 : mort par excès de travail. Ou quand on demande l’impossible à des êtres humains. Il s’agit d’employés qui font une crise cardiaque sur leur lieu de travail à cause d’un stress trop important ou bien de suicides, ce qui a été reconnu comme maladie professionnelle dans les années 70. Pour affirmer que ces décès étaient liés à une masse de travail démesurée, les médecins se basaient sur les horaires effectués par lesdits employés durant la semaine qui précédait leur mort9].
En France, une des rares études sur le sujet a été réalisée en 2003 par la Fédération Française de Santé au Travail de Basse-Normandie qui a analysé 107 suicides ou tentatives, et la moitié des personnes avaient fait part à leurs médecins de difficultés au travail, essentiellement des « difficultés d'adaptation à un nouveau rythme, à un nouvel environnement, à de nouvelles tâches », notamment après des "restructurations mal vécues", ainsi que la « peur de ne pas y arriver ». Et la fédération de souligner que « Ce qui paraît essentiel dans le passage à l'acte est l'isolement de la personne dans un système où il ne peut plus se raccrocher, ni à son travail qu'il ne maîtrise plus, ni à ses valeurs qui sont battues en brèche. Il n'est plus reconnu, il ne peut plus trouver d'aide parmi les collègues de travail, la hiérarchie devient indifférente sinon hostile… la personne perd pied ».
Entre début 2008 et mi 2009, la CPAM, qui traine pourtant systématiquement des pieds en ce domaine, a reconnu 28 suicides comme étant des « accidents du travail ». Pourtant, le Conseil Economique et Social estime qu’un suicide chaque jour est directement du au travail (entre 300 et 400 par an), mais en 2008 seuls 49 suicides ont été classés comme liés au travail. Il semble également que la France est le troisième pays au monde pour les dépressions liées au travail, après l’Ukraine et les Etats-Unis.
Nier jusqu’au bout
Évidemment, et malgré la loi, le but pour les entreprises concernées est de nier que les suicides sont liés à la pression et à un management défaillant. En cela, les entreprises sont bien aidées par la CPAM, les syndicats10] et l’Etat. Dans le cas d’un employé de Renault qui s’est jeté du 5è étage de l’usine de Guyancourt, la CPAM a conclu sans avoir enquêté11] que le suicide n’était pas lié au travail alors qu’elle en est légalement obligée lorsque le suicide se produit sur le lieu de travail (c’est la « présomption d’imputabilité » qui prime dans ces cas-là, à la faute de l’employeur). Sinon, la CPAM doit prouver que le suicide n’a rien à voir avec le travail.
Du coup, l’épouse de cet homme a décidé de lancer contre Renault une procédure pour faute inexcusable. Là aussi Renault a argué qu’il s’agissait de « problème personnels », quitte à inventer un divorce dans le couple. Et accessoirement, l’entreprise a fait preuve d’inhumanité jusque dans ses rapports avec l’épouse de cet employé. La CPAM, qui a conclu que le suicide n’était pas lié au travail, arguait qu’ « il incombe à la victime ou à ses ayants droit d'établir les circonstances de l'accident autrement que par leurs propres affirmations », ce qui n’est pas dans les règles puisque dans le cas d’un suicide sur le lieu de travail, c’est l’employeur qui doit prouver que le suicide n’a rien à voir avec les conditions de travail.
Ce que dit sa femme, c’est qu’il était de plus en plus stressé, ne dormait quasiment plus, perdait du poids, travaillait constamment. Que ses compétences étaient constamment remises en cause, de même que son travail, alors qu’avant 2006 il était toujours bien noté. Le matin du suicide de son mari, sa femme a tenté de l’emmener chez le médecin, mais il avait une réunion très importante à 8 heures. Elle s’est mal passée, et l’homme s’est suicidé. Deux autres sociétés l’ont suivi les semaines suivantes.
C’est seulement en mai 2007 que la CPAM, après une longue enquête (réelle cette fois), a conclu que le premier de ces suicides était un « accident de travail »12]. Le terme « accident » est inapproprié car il s’agit d’un véritable système de management, institutionnalisé dans les entreprises « compétitives ». Ce n’est en aucun cas un « accident », mais bref. Pour un autre salarié qui s’est pendu chez lui en février 2007 en laissant une lettre où il évoquait ses difficultés professionnelles13], c’est le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) qui a déclaré trois ans plus tard que ce suicide était un accident de travail. En décembre 2009, Renault a fini par être condamnée pour « faute inexcusable » par le TASS de Nanterre.
Dès 1995, huit suicides liés au travail ont été repérés par la CGT de la centrale nucléaire de Chinon, parmi les sous-traitants chargés de la maintenance. Pourtant, les suicides ont continué (trois en 6 mois en 2007, quatre autres entre 2005 et 2007) mais bien sur EDF a contesté les rares qualifications d‘accidents de travail ou de maladie professionnelle (pour els dépressions) tant qu’elle a pu.
Les entreprises mettent aussi au point quelques parades destinées à éviter que des psychologues ou psychiatres indépendants ne mettent leur nez dans la cuisine interne, comme les numéros verts (chez France Telecom, les salariés trouvaient des managers au bout du fil !), blinder les fenêtres, mettre des filets pour éviter que les gens ne se tuent en sautant du haut des immeubles ou demander aux employés de s’engager par écrit à ne pas se suicider et à accepter un traitement psychiatrique en cas de problème (vu en Chine chez Foxconn où on fabrique les IPOD).
Du côté des chiffres, c’est évidemment la guéguerre entre les entreprises et leurs victimes. Puisque nous n’avons aucune statistique digne de ce nom et que les ministères du travail et de la Santé se gardent bien d’en faire, on ne dispose que des données extrêmement aléatoires. Ainsi, 24 suicides chez France Telecom en 19 mois, c’est inférieur à la moyenne des suicides chez les actifs Français, qui s’élèvent à 19,6 pour 100.000 personnes chaque année. Les médias, évidemment, ont répercuté ce « fait ». D’autres ont comparé avec les chiffres pour l’ensemble de la population, ce qui est encore plus biaisé car les jeunes et les vieux se suicident plus que les 25 – 59 ans. Cela sous-entend en outre qu’un certain taux de suicides liés au travail serait acceptable, ce qui n’est pas le cas.
Premier bémol : tous les « actifs » ne travaillent pas, et les chômeurs se suicident également beaucoup, plus encore que les travailleurs. Deuxième bémol : on est loin d’avoir recensé tous les suicides liés aux conditions de travail dans l’entreprise, car ce chiffre est toujours minimisé par l’ensemble des institutions et des entreprises. Car, si l’on extrapole à l’ensemble des Français actifs et occupés les chiffres de suicides liés au travail repérés en Basse Normandie, on arrive en France entre 300 et 400 cas par an, soit 1,6 suicide pour 100.000 habitants chaque année. Dans ce cas, France Telecom est bien au-dessus, avec 100.000 salariés environ elle ne devrait avoir « que » 1,6 suicide par an approximativement.
C’est pourtant en se basant sur la comparaison des taux de suicide chez FT et dans l’ensemble des la population que Lombard, Wenes et toute la clique de FT ont pu nier l’ampleur de la crise : on se suicide moins chez FT qu’en France. Au 22 octobre 2010, France Telecom en était à 23 suicides et 14 tentatives recensés depuis le début de l’année. Autrement dit : malgré le battage médiatique et le changement de direction, les problèmes persistent. A noter : l’Etat est aussi le 1er actionnaire de France Telecom.
Comme le disent les syndicats de FT : « A chaque suicide, d'une manière systématique qui révèle une stratégie nationale, la direction met en place un plan d'action identique pour maîtriser la communication et étouffer le questionnement sur les liens éventuels du drame avec le travail. Dans un laps de temps très court, elle collecte des éléments dans la vie personnelle de la victime qui lui servent à justifier une explication par les seules causes privées. Elle les communique immédiatement vers la famille, les représentants du personnel et les collègues. Vers les média, si c'est inévitable (…) Les collègues de la victime sont pris en charge par une assistance psychologique, individualisée externe. Même si cette assistance peut se révéler utile, en étant la seule action mise en place, elle empêche finalement les collègues d’en discuter ensemble et de se poser des questions sur les liens avec leurs conditions de travail. La direction confie même à son prestataire IAPR le rôle de faire disparaitre du contexte professionnel toute trace du salarié pour limiter l’impact sur les esprits et l’activité (…) Pour légitimer son interprétation, la direction n’hésite pas à se présenter aux représentants du personnel comme le porte-parole de la famille, et le défenseur de sa vie privée. Les représentants sont convoqués en urgence à une brève réunion qui se déroule au téléphone et ne laisse pas de trace ».
Et sur le forum des salariés de France Telecom, on peut encore lire des témoignages d’employés, qui montrent que la désorganisation du travail reste complète, de même que la pression et le mal-être. Des gens qui se disent « cassés », « brisés », qui ont perdu toute confiance en eux, qui se disent « au bout du rouleau ». Et qui dénoncent des situations ubuesques et les conflits avec leur management.
Pas d’illusion donc : FT n’a aucunement l’intention de changer quoi que ce soit à sa manière de faire, elle sait juste mieux étouffer les cas de suicides liés à son management (un management qui frise le harcèlement). Il ne s’agira toujours que de « fragilités individuelles » ou de « problèmes personnels »14]. Et quand bien même : d’après le médecin conseil que j’ai interrogé, les difficultés au travail amènent immanquablement des difficultés à la maison et dans les relations sociales. C’est un cercle vicieux.
Pour mieux étouffer la question du stress, les entreprises dont les salariés se suicident créent des « Observatoires du stress », qui ne font rien avancer. L’anonymat n’est pas garanti, et il s‘agit surtout de contenir le débat dans l’entreprise. Et les cabinets qui analysent les crises (puisqu’un marché est en train d’émerger à ce niveau-là), comme Technologia qui l’a fait chez Renault et France Telecom, considèrent que « dans un suicide, les facteurs personnels et professionnels sont toujours intriqués ».
Rappelons seulement que dans bien des cas, d’après mon médecin conseil, c’est au travail que les choses commencent à se dégrader avant que la vie personnelle n’en pâtisse. Donc même si le travail et la vie privée sont responsables des suicides, sans les problèmes au travail les gens n’en arriveraient pas là aussi souvent. Le stress, l’anxiété, l’irascibilité, la fatigue, voire la dépression prennent le pas sur la vie de famille très rapidement. Paroles de salariés : « Si j’arrive en retard à la maison, je retrouve mes filles en larmes devant la porte. Elles ont peur qu’il m’arrive quelque chose », « Quand on est en danger au boulot, on n’est plus bien à la maison » ou « avec la pression au boulot, je ne supporte plus mes enfants le soir ».
Comme l’écrivaient les médecins de La Poste à la direction :
Pour conclure avec notre chapitre « nier jusqu’au bout », il faut évoquer la parade que les entreprises sont en train de mettre en place quant à ces suicides. Si ce n’est pas la « faiblesse » des employés, ce seront les pouvoirs publics les responsables, car ils ne se « mobilisent » pas, eux qui sont « garants de la santé publique ». Ben oui, comme titrait BFM, la « radio de l’économie » : « Les suicides au travail en France : un grave problème de santé publique ». Mais que pourrait faire l’Etat à part légiférer pour cadrer les entreprises et limiter les dérives, ce qui ne plairait pas du tout aux auditeurs de BFM. Nous gaver de Prozac ?
Chez France Telecom, pour être efficaces, on a très vite consulté des consultants en pressurisation des salariés, et c’est Stimulus Conseil (sic.) qui a remporté le gros lot pour ses consultations en matière de « gestion du stress »15]. Créé en 1989 par le psychiatre Pierre Légeron, l’officine recrute des psys « formés aux sciences du comportement et à la psychologie cognitive », pour résumer : à la manipulation des individus. Légeron est d’ailleurs l’auteur d’un rapport demandé par Xavier Bertrand en 2008 sur la « détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail » qui s’est avéré plus que timoré dans ses analyses.
Le cabinet spécialiste du cost killing (la « réduction des coûts » ) AT Kearney a été consulté par FT en 2003 pour « une mission lourde ». C’est à se demander pourquoi on paie des PDG avec des millions de stock options, puisqu’ils consultent moult cabinets de conseil à des exorbitants par la suite. Bref, il s’agit alors, et c’est Louis pierre Wenes (futur bras droit de Didier Lombard, à qui on doit quelques dizaines de suicides) qui s’en charge, de « trouver un Directeur des achats du groupe, un cost killer ». Et devinez qui il va proposer ? Lui-même. Et à qui Wenes demande-t-il conseil une fois en poste à FT ? A AT Kearney bien sûr. Et, comme le monde est décidément petit, le même cabinet AT Kearney, qui se vante d’avoir un très gros réseau d’anciens collaborateurs toujours prêts à filer un coup de main, a aussi travaillé pour EDF : Gérard Creuzet (lui aussi ancien de Thomson), n°2 d’EDF, avait travaillé pour AT Kearney jusque trois mois auparavant. Pour EDF aussi, la mission était de mener la réorganisation du groupe. AT Kearney, très discret sur ses clients, a encore procuré ses lumières à La Poste.
On consulte aussi Obifive, un cabinet de coaching en management qui explique aux managers comment broyer leurs subalternes, qui transforme les collègues en dégraisseurs. Car FT est « en guerre » disait-on aux employés qui avaient la chance d’assister à ces « formations ». Obifive conseillerait aussi Renault ou l’UNESCO, ainsi que les 40 plus grosses boites de France (le CAC 40 ?). Orga Consultants (qui est devenu en 2000 une filiale de Sopra consulting16]) a aussi été consultée, et c’est à cette boite qu’on doit la « courbe du deuil » donnée aux managers, et qui explique comment un salarié en vient à accepter d’être liquidé. A moins qu’il ne le fasse avant.
Orga Consultants a aussi travaillé pour La Poste (pas mal de consultants d’Orga étaient sur La poste17]) pour son « plan marketing stratégique » et la « création d’un nouveau concept de point vente », pour les Galeries Lafayette, les NMPP, Fujifilm, Thales, BioMerieux, Groupama, EDF, Biogaran, Marionnaud, GDF, Gefco, Sncf, Banques Populaires, BNP Paribas, Credit Agricole, Groupe Caisses d’Epargne, HSBC, LCL, Natixis, Société Générale, AGF, Generali, Groupama, la MACIF, la MAIF, « ainsi que nombreux établissements hospitaliers », disait encore récemment Orga Consultants sur une page web désormais inaccessible (sauf en cache). Si tous les salariés de ces boîtes doivent traverser les « étapes du deuil », on leur souhaite beaucoup de courage.
Mais, il y a aussi la « courbe du changement », donnée aussi aux managers, et destinée à leur montrer les différentes étapes que traversent les salariés avant d’admettre que le changement est inévitable : déni, résistance, inflexion, expérimentation, et enfin intégration jusqu’à ce que le manager puisse « célébrer le succès » des gens qu’il a sous ses ordres. De la psychologie à la petite semaine qui est devenue la technique de manipulation en vogue à FT.
On sait aussi que tout cela peut virer au harcèlement, mais on ne fait rien pour l’éviter. On a donné aux managers des fiches avec des réponses toutes faites au cas où ils aient des difficultés à virer les gens. Exemple : en cas de « difficulté à dire à son collaborateur qu’il peut évoluer en dehors de FT », eh bien le manager est invité à dire que « depuis une vingtaine d’années changer d’entreprise est devenu de plus en plus fréquent », que le terme « faire carrière dans une entreprise » appartient « au passé », et qu’il faut parler de « trajectoire professionnelle et de changement d’emploi »…
Autre exemple : si le salarié montre son attachement à l’entreprise, avec des phrases telles que « FT est tout pour moi », « FT je ne connais que ça « etc. le manager a dans sa fiche sur « les freins psychologiques des salariés » toutes les réponses : laisser parler, dire que « le monde change. Il faut bien un jour s’inscrire dans le mouvement de changement et savoir partir », ou encore « je vous comprends… ce qui est nouveau fait peur » et laisser parler.… Plein de réponses avant même d’avoir rencontré la personne.
Le manager n’avait quasiment aucune marge de manœuvre, et les salariés encore moins. On se fichait complètement de ce qu’ils pensaient, tant sur leur propre situation que sur l’organisation même du travail. Toute objection est considérée comme une résistance au changement. L’humain a totalement disparu des considérations de FT.
FT, très endettée, a été privatisée et la rentabilité est devenu le credo, dans cette boite où 61% des salariés ont plus de 45 ans et ont connu l’époque où FT était encore un service public, avec un fonctionnement complètement différent. L’entreprise a connu depuis une restructuration permanente. Avant, les fonctionnaires étaient fiers de leur travail, de leur mission de service public. L’évolution dans les carrières de même que les rémunérations correspondaient à des barèmes précis, et chacun savait où il allait.
Chronologie d’un désastre :
A partir de 1990, la privatisation rampante démarre sous le gouvernement Rocard, avec une personnalité morale propre et l’autonomie financière par rapport à l’Etat. FT devient une société anonyme en 1996. En 1992, on remplace 700 grades de fonctionnaires par 4 classes de 3 niveaux. Ce processus de privatisation n’est pas destiné à développer l’entreprise, qui était déjà à la pointe en matière de technologie, mais à répondre au Dogme ultra libéral de la Commission européenne18]. FT se retrouve à devoir poursuivre sa mission de service public, dans un contexte concurrentiel, on passe d’une logique de service aux usagers à une logique de rentabilité à court terme pour satisfaire les actionnaires. L’usager, lui, devient client et n’est là que pour payer. Parallèlement, les techniciens, confrontés à une mutation technologique, à une surcharge de travail et à une baisse des effectifs, montrent les premiers signes de stress importants. Les médecins du travail le signalent.
Dès 1995, quand Michel Bon19] est nommé à la tête de FT par Juppé, la déstabilisation de certaines catégories de fonctionnaires parce qu’on estimait que les effectifs étaient trop nombreux20], et les premiers suicides parmi le personnel ont commencé-y compris sur le lieu de travail. A l’époque déjà des médecins du travail ont dénoncé les faits, avant d’être harcelés et poussés à la démission. Il fallait en effet dégraisser un maximum parmi les 165.000 fonctionnaires de FT, sans les licencier : on les a donc poussés vers la sortie. Et 13% des effectifs (souvent dans la boîte depuis quinze ou vingt ans) ont changé de métier entre 1996 et 1997, avant l’ouverture du capital, passant des métiers techniques à la vente ou aux centres d’appels, qui absorbent la moitié des employés en 2008.
En 1997 on démarre officiellement la privatisation (de manière illégale puisque non conforme à la constitution), DSK vend 23% des parts du capital de FT détenues par l’Etat et 20.000 emplois sont détruits entre 1997 et 2004. On développe une gestion « personnalisée » des carrières, la charge de travail augmente, on remet en cause tout ce qui tient du service public, on restructure en permanence, on mute et on force à la mobilité21] au sein de l’entreprise (les salariés dont le poste est supprimé doivent trouver eux-mêmes où se recaser), on oblige les gens à changer radicalement de métier, chaque poste est menacé, on rétrograde des cadres ou bien on les met au placard (s’ils avaient encore trop la culture du service public), on multiplie jusqu’à l’excès les « entretiens individuels » pour « recadrer », « remotiver » etc. en fait pour mettre la pression sur les gens, on fixe des objectifs toujours à la hausse avec des moyens toujours en baisse... Tous les arrêts maladie sont immédiatement contrôlés, car on sait bien que les gens supportent mal ces conditions de travail. Dès 1999 et 2000, des études internes et externes à FT évoquent les questions de stress et d’incertitude chez les salariés. On pointait alors les mêmes problèmes que ceux qui ont amené à tous ces suicides.
En rachetant de nombreuses boîtes (dont Orange), FT s’endette jusqu’au cou (70 milliards) en 2002, si bien qu’il faut finalement réviser les dettes à long terme pour les passer à court terme et payer moins d’intérêts, ce qui plombe le groupe et l’action, qui chute à moins de 7€ en octobre 2002, contre 219 € en mars 2000. Du coup, les actionnaires et en premier lieu l’Etat tapent du poing sur la table et exigent de la rentabilité et une compression des coûts. En 2000, on comptait 28 suicides parmi les employés de FT en France, bien au-dessus des moyennes nationales. L’action valait alors 220€ (x 8 en trois ans), et en six ans (2001-2007), 70.000 personnes ont changé de métier.
2000 – 2002 : c’est la bulle Internet qui explose, et beaucoup de boîtes rachetées au prix fort ne valent plus rien. En 2002, l’action ne vaut, elle, plus que 7€. L’Etat reste majoritaire dans le capital, avec un peu plus de 55% des parts. A partir de 2000 encore, on commence à éliminer les personnels des ressources humaines, qui sont considérés comme en surnombre. Des sites où travaillent plus de 1.000 personnes se retrouvent donc sans aucun référent au niveau des ressources humaines. On renforce alors les « managers de proximité », qui n’y connaissent rien mais on le mérite de ne pas avoir été virés.
En 2002 on nomme Thierry Breton22], qui arrive avec son équipe de cost killers venus de Thomson23], et qui démissionne pour devenir ministre du budget en 2005. 29 suicides cette année-là. Breton restructure, ferme des sites, réduit encore les effectifs, intensifie la charge de travail, individualise davantage les carrières. On lance le plan TOP (Total opérationnel Performance), destiné à économiser 15 milliards d’euros et doubler le résultat net24]. L’impératif est alors de diminuer tous les coûts, et par tous les moyens : c’est la technique du « cost killing ». En 2002 et 2005, les services de santé au travail alertent sur des situations de détresse des salariés.
En décembre 2003, les députés UMP abrogent avec un langage subtil la plupart des « obligations de service public » pour les télécoms et les PTT (qui étaient à l’époque une même entité). Dès le premier article de la loi, on nous précise que « les mots : « Le service public des télécommunications est assuré » sont remplacés par les mots : « Les obligations de service public sont assurées ». Cela n’a l’air de rien, mais on balaie d’un trait la notion de service public. L’Etat ne détient plus que 42% du capital. Quelques semaines plus tard, les actionnaires de FT votent pour attribuer des stock options aux dirigeants, à hauteur de 2% du capital de l’entreprise, ce qui est suffisant pour les motiver à doper le cours de l’action sans se préoccuper du reste.
En 2005, le nouveau chef, Didier Lombard25], fait devant les hautes cadres la scène du « bon, la brute et le truand », et annonce le plan Next sous la forme d’un plan de guerre26] visant à faire partir 22.000 personnes sans licenciement, à économiser encore sur tout ce qui est possible. Pour s’en occuper, la direction sélectionne 4.000 employés, ingénieurs ou cadres moyens qui deviennent managers, avec des objectifs comme « H – 10 », soit éliminer 10 personnes d’une équipe de 30, par exemple, en
l’espace de trois mois. On leur demande de fixer à leurs subalternes des objectifs inatteignables pour les pousser dehors. La même année (2004), la sénatrice Marie-Claude Beaudeau interrogeait le ministre de l'industrie sur la pratique de la gestion du personnel mise en œuvre par les directions de France Télécom, et elle mentionnait déjà une enquête de 2001, dont les résultats auraient du alarmer n’importe quel DRH : « En 2001, une enquête de l'Observatoire de la santé de la région Poitou-Charentes, réalisée à la demande du CHSCT régional, avait déjà révélé des chiffres significatifs : 40 % des agents souffraient d'insomnie, contre 20 % pour l'ensemble des salariés ; 22 % consommaient des somnifères, contre 11 % ; 77 % déclaraient être nerveux ou tendus au travail, contre 36 % ; 23 % indiquaient n'avoir plus goût à rien, contre 5 % ; 20 % signalaient se réveiller déprimés le matin et 10 % disaient avoir des idées noires... ».
Mme Beaudeau ajoutait : « On commence à additionner avec effroi et révolte les cas de suicides : trois en 2002 dans le Grand Lyon, trois depuis trois ans en Corse où un agent s'est ouvert les veines en pleine réunion, deux en Loire-Atlantique. A Paris, un cadre supérieur de l'unité de réseau de supervision s'est donné la mort il y a quinze jours ; peu de temps auparavant, on découvrait le corps d'un agent de la direction de Daumesnil dans la Seine ». Réponse d’Alain Lambert, ministre délégué à la réforme budgétaire : « Il nous faut, en effet, veiller à ne pas imputer aux seules conditions de travail les souffrances nouvelles que les grandes mutations de nos sociétés humaines peuvent engendrer », et le ministre n’admettait qu’un cas de suicide en 2003. Si les gens se suicident à cause des « grandes mutations de nos sociétés humaines », alors pas de problème. Pendant l’application du plan NEXT, les accidents de travail et de trajet ont augmenté de 18% à FT.
A partir de 2005 et jusqu’en 2008, France Telecom dégage 35% de marge, soit le bénéfice avant impôts : 35% du chiffre d’affaires. Aujourd’hui c’est pareil (EBITDA, c’est le bénéfice avant impôts et cadeaux fiscaux) : 3,7 milliards d’euros de bénéfice au 1er trimestre 2010, par exemple, pour un chiffre d’affaires de 11 milliards.
En 2006, FT lance le « crash program » destiné à faire comme si le client était au centre des préoccupations, du moins pour les salariés. On recherche alors tous les postes qui peuvent être supprimés, quitte à diviser par deux les effectifs adéquats en donnant la priorité aux métiers de vente. Des techniciens de 50 ans se sont ainsi retrouvés en centre d’appel ou dans les boutiques à vendre des téléphones. Autre credo : le « time to move », c’est-à-dire l’obligation de se trouver un autre poste dans la boîte tous les trois ans maximum. Le turn over, craint dans de nombreuses entreprises, était ici érigé en système. En cas de refus : pas d’augmentation, voire le placard. Pendant ce temps, la direction fait tout pour empêcher les enquêtes indépendantes sur les risques psycho sociaux demandées par les syndicats.
Jusqu’en 2007, en 10 ans, 53.000 postes de fonctionnaires ont été supprimés. En 10 ans, France Telecom a vécu la même dégradation que l’ensemble des salariés du privé depuis le début des années 80. De 2001 à 2008, 44.700 postes ont été supprimés, dont 94% étaient des fonctionnaires. Au final, le résultat c’est que les gens qui étaient fiers de travailler pour une entreprise prenant soin de ses usagers, qui tentait d’avoir toujours le meilleur service, avaient honte de travailler chez FT. Avant, plus de 95% de salariés tous métiers confondus étaient fiers de leur boulot et de leur boîte, ils n’étaient plus que 25 à 40% après ces plans successifs. En cinq ans à peine. FT met en place un numéro vert tenu par les managers pour les salariés en difficulté, et à peine 700 personnes y ont eu recours. De 2004 à 2008, le nombre de démissions est multiplié par quatre (de 254 à plus de 1.123, soit plus de 15% des départs en 2008). En 2007, les actionnaires mangent 53,7% des bénéfices.
En 2009, la crise éclate au grand jour. On vire Lombard et on le remplace par Stephane Richard, ex dir cab de Borloo Christine Lagarde de 2007 à 2009 (ecofi)27], malgré un avis défavorable de la commission anti pantouflage. On suspend temporairement les mutations forcée, anxiogènes au possible. Mais, tous les managers sont encore là, et beaucoup ne connaissent qu’une seule manière de gérer les gens, celle qui a été appliquée jusque là. Un certain nombre de salariés sentent qu’une nouvelle impulsion a été donnée au niveau du Top management, mais les résultats se font attendre. Entre 2006 et 2009, 14 médecins du travail ont démissionné de FT28].
Octobre 2010 : l’action FT est à un peu plus de 17€. Stéphane Richard promet de déterminer « une nouvelle vision des ressources humaines, un nouveau style de management », de recruter 10.000 personnes en France d’ici à 2012. Il le faudra : Richard compte aussi faire passer le nombre de clients FT dans le monde de 200 à 300 millions pour 2015.
La réalité, c’est qu’aujourd’hui le travail est devenu d’une extrême violence. Tant dans les rapports entre collègues et avec la hiérarchie que dans les objectifs et les conditions de travail. Il y a aussi la question des valeurs. Dans d’innombrables métiers que l’on fait par vocation, on se retrouve à devoir travailler contre nos principes et nos valeurs, sans éthique, avec comme seul but d’être rentable à court terme pour l’entreprise. Des enseignants, des médecins, des infirmières, des journalistes, des flics, des agriculteurs, des agents d’EDF, de France Telecom, des employés de banque, doivent tous les jours accepter d’être pressurés à mort et de s’asseoir sur leurs valeurs, celles qui les ont amenés vers leurs métiers. Comment on survit à ça sur le long terme, si en plus le mangement vous casse ?
Par exemple, on apprend dans les écoles de management des techniques proches du « mobbing », c’est-à-dire harceler les employés, pour les déstabiliser en jouant sur les émotions, dans le but qu’il quitte l’entreprise. Aux Etats-Unis, on parle d’ « abus émotionnel » au sein d’une équipe de travail et/ou avec la hiérarchie, abus organisé par le management. Progressivement, on en arrive à la « banalisation du mal », un processus qui amène à l’isolement du salarié qu’on cherche à éjecter. Les collègues, même s’ils apprécient ce collègue, hésitent à lui parler de peur d’être eux aussi mis sur la touche. Et ils en souffrent également.
Rappelons que l’inventeur du management est Taylor, avec son « organisation scientifique du travail » (taylorisme)29], qui a inspiré à Charlie Chaplin son film Les Temps Modernes, où il est un ouvrier à la chaîne pris entre les engrenages géants de son usine. Le principe : chacun à son poste, pour une tâche répétitive, pour limiter le nombre de geste, gagner du temps et limiter les coûts. C’est le début de la « rationalisation » extrême du travail. Très vite, Durkheim, un sociologue, repère un lien entre le management, qui consiste à cadrer au maximum les comportements et les activités, et certains suicides.
Après guerre, le Japon a conceptualisé le Total Qualité Management, destiné à mobiliser les employés au maximum pour obtenir un maximum de qualité avec un minimum de gaspillage, c’est-à-dire en utilisant le moins de ressources possibles. C’est chez Toyota qu’on a lancé ce système.
Dans les années 90, on a vu apparaitre en France30] le « management de transition », qui consiste, en gros, à faire appel à des consultants extérieurs pour gagner un maximum de rentabilité en un minimum de temps. « Le management de transition s’est d’abord imposé dans des situations de crise notamment lors de la fermeture de sites industriels, pendant l’absence prolongée d’un dirigeant ou pour pallier un déficit du management. Aujourd’hui le métier s’est élargi et couvre un spectre plus large de situations où il s’agit davantage de mener un projet stratégique, de rentabiliser l’outil de production ou encore de gérer une forte croissance ». D’aucuns parlent même de « la restructuration ou le retournement d’une entreprise ».
Il existe d’innombrables innovations dans le domaine du management, toutes visant à baisser les coûts, à rationaliser à l’extrême : méthode OPT (Optimized Production Technology), méthode ABC/ABM (activity based costing31]/ activity based management32]), le management caméléon, la méthode « employee self service », la méthode du coaching33] inventée par IBM au moment de l’explosion de la bull Internet…
Certaines entreprises en ont même fait des marques déposées de leurs techniques de management internes, comme Motorola et sa méthode « Six sigma », censée améliorer la qualité et l’efficacité des processus. Ladite méthode se base elle aussi sur une évaluation des objectifs par des indicateurs précis. Sur le terrain, toutes ces techniques de management se traduisent par davantage de stress et une charge de travail plus importante pour les employés.
Aujourd’hui, on l’a vu on en est encore au « cost killing » comme seule méthode de management. Pourtant, on sait déjà que cette méthode permet de réduire les coûts dans un premier temps, mais que ‘le cost killing’ procure certes « un gain financier immédiat, il provoque également une baisse au niveau de la qualité du produit ou du service ». C’est en effet d’une logique implacable : quand on met un prix dérisoire dans un service, on a dans une large mesure la qualité qui va avec. Carlos Ghosn, le PDG de Renault venu de Nissan (aujourd’hui alliée à Renault), en est un bel exemple : il a réduit les coûts, externalisé, délocalisé, mais après la vague de subventions d’Etat on voit que l’entreprise a du mal à se maintenir du fait de l’absence de vision à long terme. Les objectifs de production et de développement que Ghosn s’était fixés ne sont pas atteints, et la dette de Renault s’élève à 6 milliards (pour 3 milliards de pertes cette année).
Même l’Etat applique ces méthodes. On le constate avec la ‘Loi organique relative aux lois de finances’ (LOLF de 2006), qui réorganise les dépenses et le budget. Pour chaque crédit, un objectif évalué de manière quantitative. Par exemple, « Pour l’enseignement supérieur et la recherche, les indicateurs de la LOLF sont ceux qu’on retrouve dans beaucoup de classements internationaux : nombre de publications ; indice de citations à deux ans ; nombre de brevets ; participation aux programmes cadre européens ; nombre de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants étrangers ; pourcentage de diplômés ; taux d’insertion de sortants… ».
Quant à la pertinence des ces indicateurs de performance, elle suscite quelque scepticisme. D’autant plus que les gens restent alors le nez collé sur les objectifs fixés, ce qui détourne forcément d’une gestion plus globale. Le même auteur explique ensuite ce qui s’est passé en Australie : « Au milieu des années 90 on a introduit un système de financement de la recherche universitaire basé sur une formule qui intégrait un certain nombre d’indicateurs de performance, dont le nombre de publications dans des revues à comité de lecture. Et beaucoup d’universités ont renforcé ce système en réservant les crédits aux départements ou aux chercheurs qui avaient contribué à les obtenir. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le nombre de publications a explosé et la qualité de la recherche (mesurée par le taux de citations) a dégringolé, faisant passer l’Australie au dernier rang des pays de l’OCDE ».
Toutefois, on commence à voir une certaine remise en cause du dogme du cost killing dans les écoles de management… juste avant de détailler la manière de faire en matière de réduction des coûts.
Les outils juridiques
En principe, le code du travail oblige les employeurs à évaluer les risques « psycho sociaux » et à les prévenir. Une loi de 1991 précise que l’employeur prend les mesures nécessaires pour « protéger la santé des travailleurs », mais les risques dits « psycho sociaux » ne sont pas explicitement intégrés dans ce cadre. En fait, les mesures de précaution sont d’un flou artistique, ce qui permet de simplement ne pas en tenir compte.
Pour l’OMS, les suicides liés au travail se limitent aux suicides commis sur le lieu de travail et à ceux pour lesquels on a retrouvé une lettre mentionnant explicitement les difficultés au travail.
La jurisprudence de la cour de cassation, à la suite de la contestation par l’entreprise du classement en accident de travail d‘un salarié en arrêt pour dépression qui s’est suicidé chez lui, a déclaré : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
Au final, le tribunal considère qu’un employeur qui manque à son obligation de préserver la santé mentale et physique ainsi que la sécurité de ses employés tombe sous le coup d’une « faute inexcusable », mais il a aussi parfois été dans le sens des entreprises, considérant qu’elles ne pouvaient pas connaître l’état mental des employés.
Le TASS de Tours a quant à lui reconnu comme maladie professionnelle la dépression d’un employé de la centrale de Chinon, car elle l’avait mené au suicide, mais il avait refusé de reconnaitre la « faute inexcusable » d’EDF (dont l’Etat est le principal actionnaire).
Pour France Telecom, le parquet de Paris a démarré en avril une information judiciaire contre X pour « harcèlement moral », suite à la plainte d’un syndicat. De son côté l’Inspection du Travail, qui a analysé 14 cas de suicides et tentatives a remis un rapport dénonçant la « mise en danger de la vie d'autrui et harcèlement moral du fait de méthodes de gestion de nature à porter atteinte à la santé des travailleurs ». FT sera notamment poursuivie pour avoir trop peu évalué les risques liés à sa réorganisation. Plusieurs procédures sont en cours en France pour les mêmes raisons, et la boîte a été condamnée en juin à verser 400.000€ à un ex haut cadre pour « harcèlement moral », car FT l’a « laissé pendant deux ans et demi sans affectation ni travail précis » malgré ses demandes répétées, sous prétexte d’une faute grave qui n’a pas tenu la route longtemps. A noter : les prud’hommes l’avaient débouté en avril 2008.
Le NYSE-Euronext (qui gères différentes places boursières) et deux de ses cadres ont été condamnés en correctionnelle en juillet 2010 à respectivement 50.000€ et 7 et 4.000€, à la suite du suicide à son domicile d’un directeur d’audit interne promu peu avant sa mort, mais mis progressivement au placard. Peu avant qu’il ne se suicide, son chef lui avait dit qu’il en faisait plus partie de l’entreprise, et qu’il devait libérer son bureau pour qu’un collaborateur s’y installe. Les condamnations sont rares et les sommes obtenues souvent dérisoires, mais la justice semble de plus en plus disposée à reconnaître les cas de harcèlement. DHL et un de ses cadres macho, tyrannique mais rentable, ont été condamnés en 2009 à respectivement 15.000€ et 3.000€, et à 21.000€ de dommages et intérêts. Le cadre se défendait en disant que "la pression fait partie du boulot" et qu’il avait "signé des contrats de travail, pas des contrats de convivialité". Un bon exécutant, qui ne se pose pas de questions et n’a aucun problème éthique.
Les médecins du travail sont tenus de prendre les mesures pour préserver la santé des salariés, sinon ils peuvent être mis en cause. Mais, cette mission reste contradictoire avec leur statut, car ils sont payés par l’entreprise des salariés qu’ils doivent protéger. D’où pas mal de démissions de médecins du travail, dans de nombreuses boites. Par exemple chez IBM, un médecin qui avait dénoncé les méthodes de management par le stress (basé sur des objectifs toujours en augmentation avec toujours moins d’effectifs et une évaluation draconienne) au ministère du travail s’est retrouvé avec une plainte d’IBM auprès de l’Ordre des médecins. Un autre a failli être viré avec l’aval de l’Inspection du travail, mais le ministère du Travail a refusé. Là encore, la réorganisation fait des ravages.
Depuis un an ou deux, on commence34] à voir des employeurs perdre quelques procès suite à des plaintes pour harcèlement. A quand la même chose avec la « faute inexcusable » contre un employeur tel que France Telecom ? Quoi que, vu la peine encourue, ça ne serait pas bien grave : l’entreprise risque une amende et un responsable de harcèlement institutionnalisé 3.750€ et/ou un an de prison. Plus, il est vrai, d’éventuels (et souvent modiques) dommages moraux.
Il faut encore préciser que la « faute inexcusable » de l’employeur doit être prouvée par l’employé, ce qui est difficile à faire quand la victime s’est suicidée.
Si l’on ajoute à ces suicides, les gens qui tombent en dépression, dans l’alcoolisme ou les médocs, les cancers professionnels35], les scléroses en plaques à cause du vaccin contre l’hépatite B, les problèmes liés à l’amiante, les accidents de travail etc. le bilan est clair : le travail ce n’est pas forcément la santé. Et il coûte cher.
22% des salariés européens souffrent de stress au travail, 5% sont victimes de harcèlement.
On a remarqué qu’il y a des indicateurs fiables qui permettent d’anticiper une situation de stress trop important au travail :
- Le turn over : plus vous craignez pour la pérennité de votre job, plus vous serez stressé, plus vous accepterez de faire des concessions (horaires, conditions de travail, rapports hiérarchiques violents, objectifs irréalisables), et plus vous serez mentalement et physiquement sur la brèche. A ce sujet, il est amusant de constater que certains secteurs en « manque de main d‘œuvre » sont des secteurs dans lesquelles les conditions de travail sont exécrables et les salaires dérisoires, comme la restauration ou les abattoirs. Les gens tiennent à se préserver.
- L’absentéisme : on sait que des salariés qui s’absentent souvent sont généralement mal à l’aise dans leur travail, surtout actuellement, lorsqu’on sait tous que l’absentéisme risque de mener droit vers la porte. Mais évidemment, au lieu de faire le lien entre absentéisme et mal être, les autorités et les entreprises considèrent qu’il s’agit de fainéantise. Certes, c’est probablement le cas dans une certaine proportion, mais de nombreux cas d’absentéisme sont liés à des burn out. Par exemple, en 2008, la moitié des arrêts maladie à France Telecom duraient plus de 90 jours, soit 3.000 à 5.000 personnes. Et cela, malgré la crainte d’être mis sur la touche.
- L’isolement : alors que les entreprises vantent le collectif, l’esprit de famille etc., elles isolent leurs salariés et individualisent leur travail, leur avancement, leur rémunération. Hors, c’est le premier facteur de fragilité au travail.
-Le management par le stress et l’évaluation –individualisée- permanente. Alors que bizarrement, les résultats sont corrélés à un environnement et des conditions de travail.
- L’absence de formation
- La désorganisation
- Le manque de possibilité d’ascension dans l’entreprise.
Aujourd’hui, les salariés sont des coûts pour les entreprises qui, si elles le pouvaient, nous paieraient un bol de riz par jour. Et ce serait encore trop cher pour elles. Toutes les techniques actuelles de management visent à faire faire aux gens ce qu’ils ne feraient pas dans des conditions normales : aller contre leurs principes, lâcher progressivement leur estime d’eux-mêmes, leur vie privée, leur faire admettre de courir toujours plus pour pas un rond.
Dans les écoles de management aujourd’hui, on apprend à manipuler les employés pour un tirer un maximum en un minimum de temps, et pour pas cher. Le but est d’obtenir le consentement du salarié quoi qu’on lui demande. Sinon : rétrogradation, exclusion etc. Un peu à la manière d’une secte, l’entreprise qui se veut moderne veut asservissement total des salariés.
Avec un inspecteur du travail pour 10.000 salariés, ce n’est pas demain qu’on pourra mettre un pied dans les PME et PMI concernées par le même problème. Et puis, l’Etat a fait passer en plein mois d’août 2009 une loi imposant aux fonctionnaires dont le poste est supprimé de bouger géographiquement et d’accepter une des trois offres de poste qu’on est censé leur proposer. Autrement : mise en disponibilité, donc pas de salaire, pas de cotisations etc. ou bien retraite d’office. S’il est mis en disponibilité et qu’on lui propose trois « offres » qu’il refuse, le salarié est considéré comme « démissionnaire ». On peut aussi confier des missions temporaires de un, deux ou trois mois s’il n’y a pas de poste fixe. 100.000 postes ont disparu depuis 2007 dans la fonction publique, autrement dit le carnage social est le même qu’à France Telecom dans toutes les entreprises en passe d’être privatisées.
De nos jours, on doit travailler plus vite, davantage, dans l’urgence et sans moyens. De plus en plus on nous infantilise avec des évaluations débiles selon des critères débiles déconnectés de la réalité parce que mis en place par des gugusses d’écoles de commerce. De plus en plus, nous sommes confrontés à des chefs débiles, recrutés pour cela justement, ou bien parce que ce sont des rapaces, parce qu’ils savent « se vendre ». La compétence n’est plus le critère, car les gens compétents sont aussi, trop souvent, difficiles à dompter. Nous sommes passés du paternalisme à la domination.
D’un autre côté, les méthodes de management à la manière France Telecom amènent les salariés qui ne sont pas en dépression à se désinvestir au maximum de leur travail, comme une méthode de protection pour ne plus se demander sans cesse comment atteindre des objectifs irréalisables.
Nous devons tous travailler dans ces conditions, et le travail se fait encore, pour l’instant, parce que les gens savent travailler. Certains ont laissé tomber, ne cherchent plus à faire bien mais à faire le minimum, et dans ce contexte ils ont raison. A terme, cette logique de rentabilité à court terme va ruiner l’intelligence, l’autonomie et le savoir faire qui ont fait des travailleurs français les plus productifs du monde. Nous n’avons pas besoin de ces méthodes, elles sont contre productives.
Surtout si on tient compte du fait que les travailleurs français sont les 3ème plus productifs au monde (derrière les norvégiens et les américains, ce qui peut laisse perplexe au vu de la qualification de ces derniers), et notre productivité augmente le plus (+2,2% par an contre +1,7 pour les US) depuis les années 80. Par heure de travail, nous sommes premiers à égalité avec les Etats-Unis. Où est donc le problème des employeurs avec les travailleurs français ? Je vous le donne en mille : le problème, c’est les 35 heures. Question : un anglais qui est payé moins cher, travaille 42 heures mais produit 28% de moins par heure est-il plus « rentable » qu’un Francais ? Et pourquoi doit-on mouler les travailleurs français dans un modèle anglo saxon alors qu’ils sont déjà très productifs sans ce modèle ? D’autant que plus nous serons productifs, moins le chômage diminuera.
Le coût des maladies et accidents professionnels
Pour terminer, il semble important d’aborder le coût pour la collectivité de ces maladies professionnelles, reconnues ou pas. Depuis l’affaire de l’amiante, on sait que ce n’est pas parce qu’une maladie n’est pas reconnue comme étant d’origine professionnelle, qu’elle ne l’est pas.
D’abord, il faut tenir compte du fait que ces maladies et accidents de travail sont sous-déclarés par les entreprises. Entre 1989 et 2004, on est passé de 4.000 maladies professionnelles reconnues chaque année à 38.000, pour arriver à 45.000 en 2008.
Officiellement, la branche accidents de travail et maladies professionnelles (AT/MP) (alimentée par les entreprises), a versé à la sécu 300 millions d’euros en 2002, 330 millions de 2003 à 2006, et 410 millions en 2007 et 2008. Rien que les maladies liées au stress auraient coûté en France entre 800 millions et 1,6 milliard d’euros. Les troubles psychiques sont les premières causes d’invalidité professionnelle.
Evolution du nombre d'accidents du travail, de trajet et de maladies professionnelles de 2001 à 2006 (champ régime général)
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
|
Accidents
du travail
|
1.349.647
|
1.313.811
|
1.185.291
|
1.152.865
|
1.137.058
|
1.135.532
|
Accidents
de trajet
|
129.456
|
121.337
|
113.918
|
112.366
|
117.977
|
116.247
|
Maladies Professionnelles
|
35.715
|
41.673
|
44.653
|
48.130
|
52.811
|
46.205
|
TOTAL
|
1.514.818
|
1.476.821
|
1.343.862
|
1.313.361
|
1.307.846
|
1.297.984
|
Source : CNAMTS (statistiques trimestrielles) – juin 2007
Evolution du nombre d'accidents du travail, de trajet et de maladies professionnelles avec arrêt de 2001 à 2006 (champ régime général)
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2009 (ajout)
|
Accidents de travail
|
737.449
|
759.980
|
721.227
|
692.004
|
699.217
|
700.772
|
651.45336]
|
Accidents de trajet
|
86.144
|
89.592
|
82.859
|
78.280
|
82.965
|
83.022
|
93.840
|
Maladies professionnelles
|
24.220
|
31.461
|
34.642
|
36.871
|
41.347
|
42.306
|
49.34137]
|
TOTAL des sinistres avec arrêt
|
847.863
|
881.033
|
838.728
|
807.155
|
823.529
|
826.100
|
794.634
|
Source : CNAMTS (statistiques nationales technologiques annuelles) - 2007
Près de 40% des maladies professionnelles ne sont pas déclarées comme telles, et sont donc à charge de la sécu et du salarié. Du fait des victimes (ignorance, flemme des démarches etc.), mais aussi de l’employeur ou des CPAM38]. En effet, les entreprises de plus de 200 salariés paient des cotisations en fonction de leur taux de sinistres (les autres, qui embauchent 73% des salariés français, paient une cotisation fixe), mais cela devrait passer aux entreprises de plus de 150 salariés. La sous-traitance permet en outre d’externaliser, avec les coûts, les problèmes d’accidents de travail et de maladies professionnelles.
La Cour des Comptes a pointé un paradoxe à ce niveau en 2006 : comment se faisait-il que les dépenses d’hospitalisation du régime général de la sécu aient augmenté de 6,2% pendant que celles du régime AT/MP (payé par les entreprises pour els accidents et maladies professionnels) ont baissé de 9,5%39] ?
En 2009, plus de 37 millions de journées de travail ont été officiellement perdues à cause des accidents de travail, 43.000 personnes ont été arrêtées plus d’une journée, et 538 personnes en sont mortes. En matière de cancer, on estime qu’entre 3.600 et 7.300 cas de cancers chez les hommes sont attribuables au travail chaque année, soit entre 3 et 6% des cancers. On estime aussi que la moitié des cancers professionnels chez les hommes ne sont pas reconnus comme étant d’origine professionnelle, ce qui représente 230 à 607 millions d’euros économisés par les entreprises sur le dos des contribuables. Et la conjoncture économique défavorable incite probablement les salariés à ne pas se mettre en arrêt dès qu’il le faudrait.
En 2004, les seules affections de longue durée (ALD) ont coûté 55 milliards d’euros à la sécu, et il est clair que les cancers (qui sont des ALD) payés par la branche AT/MP, donc les « cancers professionnels », coûtent moins cher que ceux payés par la sécu : 1.644€ en moyenne par an et par personne pour les premiers, 7 à 8.600€ pour les seconds. Au final, on estime que la branche AT/MP devrait percevoir entre 564 millions et 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année de la part des employeurs.
L’affaire de l’amiante 40] a prouvé qu’en France particulièrement, le lobbying du Medef fonctionne à merveille quand il s’agit de fermer les yeux pour conserver ses bénéfices. On a encore la même chose avec les produits toxiques utilisés par les agriculteurs. Aujourd’hui, à peine un décès sur 1.000 est considéré comme étant d’origine professionnelle en France, soit moins de 500. Même quand on connaît, si toutefois on a mené des études, les risques liés à certaines substances « en général », on fait rarement des études sur l’exposition professionnelle à ces substances et on ignore souvent les risques d’une telle exposition.
Ainsi, l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques) écrivait dans un rapport de 2007 qu’ « il est officiellement admis que les statistiques relatives aux maladies professionnelles sont fortement sous-évaluées. Depuis un siècle, ce sous-enregistrement est au cœur des difficultés que rencontre la politique de santé au travail en France ». L’un des chapitres dudit rapport s’intitule « La maladie professionnelle : une maladie négociée » : il s’agit en effet d’une définition « à la fois médicale et légale », et bien sur le patronat fait ce qu’il peut pour que la liste des maladies reconnues soit aussi minimaliste que possible.
Pour qu’une maladie soit « professionnelle », elle doit être inscrite sur les tableaux des maladies professionnelles. Et quand bien même, cette définition pourtant simpliste n’est pas toujours respectée : suivant les régions, les caisses d’assurance maladie marquent des différences allant jusqu’à 40% dans leurs taux de reconnaissance de certaines maladies, comme le cancer[41] de la plèvre ou le mésothéliome (liés à l’amiante). Une étude de 2003 a montré que près de 2,4 millions de travailleurs (13,5% des salariés) sont exposés à des substances cancérigènes42], dont 70% d’ouvriers43]. Et comme par hasard, on ne connait le « seuil cancérigène » pour aucun de ces produits. Du coup, à peine 1.000 cas de cancers sont reconnus comme étant d’origine professionnelle par la Sécu.
Une étude universitaire du GISCOP44] (étude SUMER sur l’exposition professionnelle aux cancérogènes) publiée en 2003, complétée en 2009, explique d’entrée de jeu ceci :
Selon l’enquête SUMER 2002-2003, près de 38% des salariés français du secteur privé, soit environ 7 millions de personnes (parmi lesquels 56% sont des ouvriers) ont été exposés à au moins une substance chimique, lors de la dernière semaine travaillée précédant l’enquête. Cette proportion s’est accrue de trois points depuis 1994 et de plus de onze points dans le secteur de la construction où la multiexposition s’accroît quant à elle de treize points. L’exposition aux seuls cancérogènes concerne plus de 2,3 millions de salariés du secteur privé, soit 14,5% de cette population.
Il y a donc fort à parier que l’exposition à ces substances ayant augmenté, les maladies suivent la même courbe.
Le système de reconnaissance des maladies en lui-même prête à caution : c’est une commission dans laquelle siègent des représentants des syndicats, du patronat et de l’Etat. Où sont les médecins ? Et qui est le plus fort dans le débat ? La « Commission des maladies professionnelles » est donc tripartite : « elle comprend treize membres représentant des départements ministériels et des organismes publics, cinq représentants des salariés, nommés sur proposition des confédérations syndicales bénéficiant d’une présomption de représentativité au niveau national, cinq du patronat, désignés de la même manière (à l’exception d’un représentant des entreprises publiques nommé sur proposition du ministre chargé de l’Économie), et enfin un certain nombre de personnes dites « qualifiées » choisies parmi les experts qui siègent au Conseil supérieur ».
Evidemment, lorsqu’il s’agit de reconnaitre une maladie professionnelle, le patronat réclame des « certitudes », et donc de nombreuses études complémentaires (si possible avec ses propres experts), histoire de gagner du temps, parfois des dizaines d’années45]. Toutefois, au niveau régional des comités composés de médecins et inspecteurs du travail peuvent reconnaitre des maladies qui ne sont pas mentionnées dans les tableaux, mais cela ne concerne que des cas individuels et pas les fameux tableaux.
On le voit avec les « négociations » sur la pénibilité, bloquées par les lobbies patronaux, alors que les inégalités entre les différents métiers sont une réalité désormais connue. Et même globalement : on sait –c’est l’INED qui le dit- qu’ « à 35 ans, il reste en moyenne une trentaine d’années à vivre sans incapacité », ou encore que « à 35 ans, les hommes cadres supérieurs ont une espérance de vie de 47 ans, soit 4 années de plus que la moyenne et 6 années de plus que les ouvriers ». D’autres études46], comme l’une réalisée par Annie Thébaud-Mony ont montré que « En France, le taux annuel moyen de mortalité par cancer chez les hommes de 45 à 54 ans est quatre fois plus élevé chez les ouvriers non qualifiés que chez les cadres et professions intellectuelles ». Les cadres vivent aussi plus longtemps en bonne santé, cela va de soi. La sociologue ajoute encore que « Depuis 1975, la France est en tête des pays européens en matière d’inégalité de mortalité masculine par cancer avant 65 ans10. Les travaux de l’Insee sur la mortalité différentielle permettaient dès les années 1980 de fonder des hypothèses sur l’influence du ‘’métier’’ dans les inégalités de mortalité masculine ».
Plus loin, et uniquement en ce qui concerne les cancers du poumon : « l’Institut national de veille sanitaire (InVS) indique que « les cancers du poumon d’origine professionnelle sont vraisemblablement compris entre 2 500 et 5000 annuellement. L’auteur de l’étude souligne que ces chiffres sous-estiment probablement la réalité ».
Aussi loin qu’on puisse remonter, des ouvrières dans les fabriques d’allumettes au XIXè siècle, intoxiquées au phosphore blanc, aux salariés dépressifs d’aujourd’hui, les entreprises ont toujours fait obstruction à la protection de leurs employés.
Qu’on ne nous parle plus de « culture d’entreprise ».
[1] BNP Paribas a connu deux suicides de salariés (pères de famille) en deux semaines, en avril 2010, et les syndicats pointent la pression dans l’entreprise. Mais il y en a eu d’autres au moins en 2008 (dans l’agence BNP Paribas) et 2009. HSBC ou Barclays ne sont pas épargnées non plus.
[2] Ces suicides se sont notamment produits chez les sous-traitants des centrales nucléaires. A leur sujet : « Dans l’industrie nucléaire, depuis la fin des années 1980, plus de 80 % de la dose collective d’irradiation reçue par les travailleurs du parc nucléaire français sont supportés par des salariés d’entreprises intervenant dans les centrales nucléaires en sous-traitance et / ou comme intérimaires »
[3] Le syndicat des médecins de La Poste signalait au PDG en mai 2010 « une dégradation de la vie au travail », avec « des suicides ou des tentatives de suicide, dont on peut penser qu’ils sont exclusivement liés à des situations de vie professionnelle, surviennent dans toutes les régions, dans tous les métiers et aux différents niveaux de l’entreprise », « le taux d’absentéisme pour maladie [qui] atteint des seuils sans précédent », « le mal-être au travail [qui] touche tous les niveaux opérationnels de l’entreprise », les « réorganisations successives », les « injonctions contradictoires », l’absence de « perspectives d’amélioration », des « situations d’épuisement physique et psychique », « les organisations du travail de plus en plus virtuelles, en décalage avec la réalité du quotidien sur le terrain », l’absence de moyens, les heures sup non payées, les congés de plus en plus difficiles à caler, « une très forte pression commerciale sur les guichetiers », et concluait que La Poste « crée des inaptes physiques et psychologiques ». En outre, les médecins dénonçaient certains cadres dirigeants qui font obstruction à leurs missions et l’absence de réaction de la direction à leurs avertissements. En 2007, deux médecins de La Poste ont tenté de se suicider.
[4] La situation des agents des Assedic ou de l’ANPE qui se retrouvent aussi à devoir obéir à des logiques de rentabilité à court terme au Pôle Chômage, à devoir changer de métier, de barèmes, d’évolution de carrière, à devoir les gens comme du bétail, ont également des difficultés à supporter ces changements qui sont en réalité des régressions. Là aussi, des tentatives de suicide sur le lieu de travail sont connues, et même des suicides. Les syndicats dénoncent 12 à 15 suicides entre fin 2008 et fin 2009, contre un seul reconnu officiellement.
[5] Neuf salariés de Carrefour se sont suicidés en 2009, 6 en 2008 et 4 en 2007.
[6] On notera qu’aux Etats-Unis les suicides sur le lieu de travail sont comptabilisés, et ils ont une fâcheuse tendance à suivre l’évolution de la crise économique : 196 en 2007, 263 en 2008, 237 en 2009.
[7] On notera que dès qu’une boîte annonce qu’elle va procéder à une délocalisation, des licenciements ou une fusion, le cours de son action grimpe dans la journée comme par enchantement. Mais sur le long terme, il ne reste plus d’entreprise viable avec une telle logique.
[8] On ne prend par exemple pas en compte le stress lié à des problèmes d’éthique au travail, ou les problèmes relationnels.
[9] Le critère était : 24 heures de travail la veille du décès, ou 16 heures par jour durant toute la semaine. 157 décès ont été classés comme karoshi entre avril 2005 et mars 2006 et 173 sont tombés gravement malades, soit une augmentation de 12,2% par rapport à l’année précédente.
[10] Dans le cas de Renault, les syndicats CGT et SUD se sont heurtés aux syndicats majoritaires (CFE-CGC, FO et CFDT) qui refusaient depuis des mois d’appeler un cabinet d’experts pour analyser l’ambiance et les risques « psycho sociaux » dans l’entreprise. Il a fallu attendre trois suicides en trois semaines pour que le comité d’hygiène le fasse, pour savoir s’il s’agissait d’accidents de travail.
[11] La famille, notamment, n’a pas été entendue.
[12] Et Renault a fait appel de cette décision en 2008. Le deuxième suicide, d’un employé qui s’est noyé à la limite du site de Guyancourt à une heure imprécise, donc peut-être en dehors des heures de travail, n’a pas été reconnu comme accident de travail.
[13] Les mots de ce salarié étaient pourtant très clairs : « Je ne peux plus rien assumer, ce boulot c'est trop pour moi, ils vont me licencier et je suis fini, je ne saurai pas faire son top série de merde à Gosn [sic] et à Hamel, pardon, bonne chance ».
[14] Stéphane Richard, qui a succédé au terrible Didier Lombard, a osé dire récemment au sujet des suicides à FT que « Nous sommes face à des drames de la vie, sans lien entre eux, et qui sont a priori sans lien avec l’entreprise »
[15] Parmi les clients de Stimulus Conseil, qui est donc spécialisé dans le stress, on a encore AXA, BNP Paribas, La Poste, IBM, la Société Générale, l’ANPE, EDF, GDF, quelques grands labos… Que des boîtes dans lesquelles le management est axé sur le stress permanent.
[16] Qui a parmi ses clients de nombreuses banques, mais aussi quasiment tous les opérateurs téléphoniques français, des labos, des assurances, mais aussi et c’est bien plus consternant l’AP-HP, la CNAM, la Mairie de Paris, Pôle Emploi, quelques ministères… On peut ainsi lire un rapport de Sopra au sujet de « la délocalisation massive » des prestations d’Arcelor Mittal vers l’Inde, délocalisation par ailleurs considérée comme étant « un projet à forte dimension humaine » (il s’agissait de « transférer 70% des activités de sous-traitance sur l’Inde en 3 ans »). Sopra était alors chargé de « piloter le changement »
[17] D’ailleurs, on commence à en voir le résultat car là aussi il faut privatiser et virer des fonctionnaires qu’on ne peut pas licencier. D’aucuns évoquent même le terme de « harceleurs » pour désigner ces managers chargés de « pourrir la vie » des gens afin de les faire partir. Ainsi, un dénommé Karcher, chef de la Poste à Paris -Sud, a envoyé un mail à ses collaborateurs pour leur dire que « la chasse est ouverte jusqu’à épuisement » et qu’il allait procéder à l’« extermination » de ceux qui ne refourguaient pas assez de produits aux pauvres clients venus chercher un timbre.
[18] Plus précisément l’ultra libéral Jacques Delors, alors chef de ladite commission, et Etienne Davignon, ami de Rockefeller, ponte du Bilderberg, de la Trilatérale et de l’European Round Table of Industrialists, un lobbie de multinationales auprès de la commission (entre autres) membre d’innombrables conseils d’administration, à qui on doit le « marché unique » européen, la destruction des services publics transformés en « services d’intérêt économique généraux », l’ « intégration européenne », la « concurrence libre et non faussée », la « dérégulation » et la plupart des dérives européanistes qui nous ont amenés où nous en sommes aujourd’hui. Tout cela est contenu notamment dans l’Acte Unique de 1986, mais aussi dans moult livres blancs ou verts ultra libéraux.
[19] Ex PDG de Carrefour, viré (avec de smillions de bonus) pour avoir trop endetté le groupe tout en remontant la valeur de l’action. En juin 2008, Michel Bon, qui a endetté le groupe à hauteur de 70 milliards d’euros, est condamné par la Cour de discipline financière et budgétaire (CDBF) à une amende de … 10.000€ pour sa gestion opaque du groupe, car il n’a pas ou très peu informé l’Etat de ses acquisitions et de ses investissements douteux. Pourtant, après avoir été viré de FT, Bon se retrouve à la tête de l’Institut de l’Entreprise jusqu’en 2005, un think tank ultra libéral, mais il est aussi parmi les leaders de la banque d’affaires Close Brothers et dans quelques boîtes de conseil en matière de finance ou de communications.
[20] D’après le rapport de Technologie, Michel Bon a déclaré en 1995 que les salariés de plus de 60 ans devaient partir. On crée donc les Congés de Fin de Carrière pour les dégager dès 55 ans dans de bonnes conditions.
[21] Jusqu’en 2004, un quart des agents France Telecom ont été mutés et ont du déménager.
[22] Breton venait alors de chez Thomson Multimedia recapitalisée avec 11 milliards de francs d’argent public, qu’il a privatisée (car, en faillite en 1982, Thomson a été nationalisée par la gauche) et où il a mené une politique de réduction des coûts (similaire à ce qu’il a fait chez FT) tout en rachetant à tout-va. L’entreprise s’est ensuite retrouvée dans le rouge et au bord du dépôt de bilan en 2009. Auparavant, il avait aussi « redressé » les comptes de Bull, un fabricant d’ordinateurs qui a lui aussi plongé dans les années suivant son passage. Après le gouvernement et un bref passage comme prof à Harvard aux Etats-Unis, il s’est retrouvé chez Atos Origin, une boîte de services informatiques. Chez FT, Breton a gardé le même salaire que chez Thomson, soit 1,25 millions d’euros, sept fois plus que son prédécesseur.
[23] Parmi eux, Louis Pierre Wenes, spécialiste du conseil en « réduction des coûts » (il a notamment travaillé au cabinet de consultants AT Kearney, qu’il a ensuite sollicité lorsqu’il était à France Telecom), c’est lui qui supervise ensuite le plan Next sous la présidence de Didider Lombard. AT Kearney a également été consulté par FT pendant que Wenes y dirigeait le bureau de Paris.
[24] Résultat net : en très gros c’est le chiffre d’affaires moins l’ensemble des charges et impôts, et il sert de base pour répartir le bénéfice entre les actionnaires. C’est le bénéfice final, ou bien la dette finale.
[25] Lombard a été administrateur chez Bull et Thomson, les boîtes où est passé Thierry Breton avant de venir chez France Telecom. Il l’a encore suivi chez FT en 2003, en tant que DG adjoint, de même que Frank Dangeard, un banquier qui a lui aussi Breton partout. En 2007, Lombard est nommé à la Légion d’Honneur par le ministre Thierry breton.
[26] Il semble que ce soit très à la mode : dans le groupe de presse où je travaille, tous les collaborateurs ont reçu une carte, comme un plan de bataille, avec des tanks, des missiles, des soldats, des cibles, des objectifs, un plan d’action pour l’avenir. Autant dire que ça ne nous a pas du tout motivés, contrairement aux commerciaux qui ont pondu ce truc.
[27] C’est aussi un adepte du pantouflage : après l’HEC et l’ENA, il démarre comme conseiller de Strauss Kahn en 1991 (Commerce extérieur), puis passe par la compagnie générale des eaux (future Vivendi de Messier), puis Véolia, puis passe au ministère de l’économie. Pendant ce temps, il est au conseil d‘administration de FT mais ne trouve rien à redire à la politique managériale du groupe. Chose amusante : l’année où il entrait au cabinet de Borloo, Richard a eu droit à un redressement fiscal de 600.000 € (dont 5% de pénalité pour « mauvaise foi »), et il reçoit aussi la Légion d‘Honneur de la part de sarkoléon. Peut-être parce que quand il dirigeait la branche immobilière de Vivendi, on le soupçonne d’avoir fait construire 45.000m² en partie illégalement à la Défense, ce qui lui a valu quelques heures de garde à vue en janvier 2006 : environ 10% de la surface de plusieurs tours n’a pas été déclarée. Richard s’est aussi fait 35 millions d’euros en achetant à découvert des actions Nexity (qu’il dirigeait), juste avant qu’elle n’ouvre son capital, pour les revendre ensuite beaucoup plus cher.
[28] Outre le fait que la direction de FT n’a jamais daigné tenir compte de leurs rapports, on leur a même demandé de modifier certains passages dans les rapports qu’ils rédigeaient. Le médecin du travail en chef de FT en 2005, une dénommée Nguyen khao, a même planqué une étude de l’INSERM rédigé en 200-, évoquant un nombre anormalement élevé de cancers chez les agents de ligne de Saint Nazaire exposés à l’amiante même à faibles doses. Cette étude est ressortie tout à fait par hasard en 2007.
[29] Un quart des travailleurs français travailleraient encore dans ces conditions : travail répétitif et extrêmement normalisé.
[30] Apparemment, la technique vient des Etats-Unis et des Pays-Bas, où on l’a inaugurée dans les années 70.
[31] Définition du système ABC par un cabinet de consultants : « La démarche ABC vise à fournir des analyses de coût, et par conséquence de rentabilité, selon des axes d'analyse divers (produit, client, fournisseur,…) reposant sur la consommation réelle de ressources de chaque activité (ou sous- Processus). Partant du principe que la production et la vente d'un produit consomment des activités, que chacune de ces activité, prise isolément, consomme des ressources que l'on peut quantifier, il est alors possible de calculer les ressources réellement consommées par tout produit vendu ».
[32] L’ABM est en fait le contrôle et l’évaluation du processus et des résultats par le management.
[33] Le coaching, c’est un peu l’embrigadement des salariés, de manière à les impliquer au maximum dans les résultats de l’entreprise, à tous les niveaux.
[34] D’après Jean-Paul Teissonnière, un avocat qui défend des victimes de France Telecom, « Une plainte pour harcèlement moral déposée contre Renault suite à trois suicides au Technocentre de Guyancourt a été classée sans suite en janvier 2009. C’était possible il y a un an. Aujourd’hui, vu la pression, un classement est impossible ».
[35] 5% des cancers seraient d’origine professionnelle (5 à 10.000 décès par an en France), mais la liste des produits cancérigènes s’allonge d’année en année.
[36] Le nombre d’accidents de travail est certes en baisse, mais on observe que leur gravité s’accroît, notamment ceux qui entraînent une incapacité permanente. Ainsi, la durée moyenne d’arrêt de travail est passée de 25 jours en 1970 à 60 jours en 2003.
[37] Parmi des maladies professionnelles, 80% étaient des troubles musculo squelettiques, dans lesquels entrent certaines fibromyalgies. On estime qu’à peine 50% sont reconnus comme étant d’origine professionnelle. Ensuite viennent les problèmes liés à l’amiante, et les problèmes de dos.
[38] Une étude de 2007 sur la reconnaissance des accidents de travail par les CPAM a montré qu’en moyenne, elles ont reconnu 80% des accidents de travail, 70% des accidents de trajet et 65% des maladies professionnelles.
[39] Au final, la cotisation AT/MP représentait environ 0,8% du total des dépenses d’hospitalisation.
[40] Les industriels fabriquant et utilisant de l’amiante avaient par exemple mis en place le CPA (Comité permanent Amiante), qui a fait obstruction sur les données scientifiques et sur la législation jusqu’en 1997 alors qu’en 1918 déjà, les assureurs US refusaient d’assurer les salariés exposés à l’amiante.
[41] Les cancers se déclarant souvent après 65 ans, il est souvent compliqué de prouver le lien avec une exposition professionnelle.
[42] D’autant plus que même les règles de prévention (pourtant très limitées) n’étaient pas respectées par 76% des entreprises qui ont été contrôlées en 2006. Quant au chiffre de 2.370.000 salariés exposés aux cancérogènes, il faut savoir que l’étude ne porte que sur les salariés du privé, et qu’elle n’a tenu compte que des « 28 cancérogènes inscrits sur la liste du CIRC et sur la liste Européenne.
[43] A ce propos, l’appel en question précise encore que « Entre 45 et 54 ans, un ouvrier a quatre fois plus de risque de mourir par cancer qu’un cadre supérieur et la France détient le triste record européen de mortalité par cancer avant 65 ans ».
[44] Groupement d'intérêt scientifique de surveillance des cancers d'origine professionnelle.
[45] Marc-Olivier Déplaude « Codifier les maladies professionnelles : les usages conflictuels de l'expertise médicale », Revue française de science politique 5/2003 (Vol. 53), p. 707-735.
[46] Annie Thébaud-Mony « Histoires professionnelles et cancer », Actes de la recherche en sciences sociales 3/2006 (no 163), p. 18-31.
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON