Quel rôle pour la France dans l’électrification de l’Afrique ?
Faisant écho au combat mené par Jean-Louis Borloo à travers sa fondation "Energies pour l'Afrique", le président camerounais du parlement panafricain, Roger Nkodo Dang, s'est exprimé début novembre devant l'Assemblée nationale à Paris. Le but ? Lancer un appel au droit à la lumière et à l'énergie pour tous les Africains, et solliciter l'aide de la France afin d'accélérer l'aide au développement et la mise en place d'un véritable programme d'électrification du continent africain.
L'accès à l'électricité, un préalable au développement économique et social
Le constat dressé par les experts de l'Africa Progress Panel (think thank dirigé par Kofi Annan) est sans appel. Les chiffres retenus pour illustrer la situation actuelle révèlent combien le défi « électricité en Afrique » est considérable. A ce jour, 621 millions d'Africains n'ont en effet pas accès à l'électricité, soit la moitié des habitants du continent. Et beaucoup dépendent encore du bois et du charbon. Pire encore, l'Afrique subsaharienne est désormais la zone qui présente le taux d'électrification le plus bas des régions en développement avec seulement 31% de moyenne. Un chiffre qui devrait continuer à diminuer au regard de la croissance démographique : l'augmentation de la population dans ces régions pourrait en effet ajouter quelque 550 à 650 millions de personnes de plus sans électricité d'ici à 2030.
Parallèlement, l'Afrique ne produit à ce jour pas plus d'électricité qu'un pays comme l'Espagne, et seul 8% de son potentiel hydroélectrique est exploité (contre 85% pour l'Europe, par exemple). Le déficit énergétique africain est donc gigantesque et constitue logiquement un obstacle de premier ordre au développement économique et industriel de l'Afrique.
Encourager le développement des renouvelables
Ce déficit énergétique est d'autant plus dommageable que l'Afrique dispose de ressources renouvelables considérables et pourrait à long terme devenir le leader mondial des énergies vertes. Les filières éolienne et solaire présentent des perspectives de développement sans commune mesure au regard des conditions d'ensoleillement et d'exposition des côtes et l'énergie hydraulique reste encore largement sous-exploitée. Le potentiel hydraulique du contient africain s'élève, selon les estimations, à près de 1,844 térawatt par heure chaque année (soit trois fois la consommation annuelle de toute la région) et commence seulement à être exploité. Les projets de barrage se multiplient peu à peu comme au Cameroun par exemple où le gouvernement entend désormais tirer pleinement profit des eaux du fleuve Sanaga.
Le projet de barrage hydraulique de Nachtigal, par exemple, conduit par un consortium emmené par le français EDF, vient tout juste d'être confirmé dans le cadre d'un accord d'exploitation signé entre EDF-SFI-Rio Tinto et le gouvernement camerounais. Cet ouvrage d'une puissance de 420 MW représentera pour les trois partenaires un investissement d'un milliard d'euros et permettra d'étoffer l'offre énergétique nationale.
La construction, encore incertaine, du barrage Grand Inga en République démocratique du Congo, pourrait quant à elle permettre de doubler la production hydroélectrique africaine. Cela étant, les besoins en infrastructures et équipements pour produire de l'énergie n'ont jamais été aussi importants et manquent cruellement de financements. Les projets sont encore trop peu nombreux et se heurtent pour beaucoup à un manque de réseau de transmission et de distribution sur le continent.
Comme l'a détaillé Roger Nkodo Dang, soutenant l'initiative de Jean-Louis Borloo, "le plan d'électrification en question, fait par les Africains, nécessite que les pays développés apportent des fonds propres de 5 milliards de dollars par an pendant 10 ans, un chiffre dérisoire au regard de l'enjeu".
Des initiatives françaises d'aide au développement
À l'instar de l'ancien ministre français, qui fait de l'accès à l'électricité une priorité absolue, plusieurs entreprises françaises du secteur de l'énergie ont déjà investi ces dernières années pour une meilleure électrification du continent africain via des programmes de financement destinés à renforcer les dispositifs énergétiques locaux.
Le groupe EDF, parallèlement à ses activités de production d'électricité hydraulique, s'est engagé en 2014 auprès de la Société financière internationale (SFI), membre du Groupe Banque Mondiale, afin de mettre au point des solutions durables d'électrification hors réseau dans les régions isolées des pays en développement. L'objectif affiché de cet accord est de parvenir à électrifier des zones rurales d'Afrique subsaharienne et apporter ainsi de l'électricité à plus de 500.000 personnes. Par cette association, EDF et la SFI espèrent réussir à développer et multiplier des dispositifs d'électrification autonomes sur des territoires encore largement sous-équipés et promouvoir le concept de Sociétés de services décentralisés (SSD) développé en partenariat avec l'Ademe. Un modèle innovant basé sur l'implication d'un partenaire local dans un structure commerciale de droit local et à but lucratif.
Autre acteur français engagé pour l'électrification en Afrique, le groupe Schneider Electric a quant à lui lancé le programme Smart Cities pour rendre les villes africaines plus économes en énergie et ainsi accroître la quantité d'électricité disponible. Poursuivant sur cette lignée, il a créé en mars 2015 le fonds "Energy Access Ventures" destiné au développement de l'accès à l'énergie en Afrique subsaharienne. Ce fonds doit être doté de 54,5 millions d'euros qui seront investis auprès d'une vingtaine de PME africaines sur cinq ans, et financé en collaboration avec plusieurs institutions européennes, comme la Banque européenne d'investissement (BEI), l'Agence française de développement (AFD) ou le Fonds d'investissement et de soutien aux entreprises en Afrique (Fisea).
Si certaines voix s’élèvent çà et là pour dénoncer des pratiques postcoloniales en Afrique, ces actions n’en demeurent pas moins nécessaires au vu du fossé énergétique à combler et, également, des possibilités offertes par le continent africain. Plutôt que de vilipender ces entreprises (qu’elles soient publiques ou privées), il convient au contraire de les encourager.
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