Réduction du déficit en 2013 : c’est dur, dur, dur !
Malgré tous les efforts que peut faire le gouvernement pour réduire le déficit à 3,7% du PIB dès 2013 , l'entreprise s’avère laborieuse et périlleuse !
La situation mensuelle du budget de l’Etat au 30 avril 2013 vient de paraître. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cet indicateur, on peut en toucher quelques mots : c’est un indicateur mensuel qui fait le bilan des dépenses et des recettes de l’Etat. Pour faire simple, c’est le compte-rendu de la comptabilité de caisse de l’Etat où l’on inscrit au fur et à mesure ses dépenses et ses recettes. Le solde des dépenses et des recettes, appelé dans le jargon technocratique solde d’exécution budgétaire est l’un des indicateurs mensuels les plus suivis pour anticiper le déficit de l’Etat à la fin de l’année. Le solde d’exécution budgétaire diffère légèrement du déficit au sens de Maastricht dans la mesure où des retraitements (que les prévisionnistes anticipent plutôt bien) sont effectués : passage à une comptabilité en droits constatés principalement et apurement des opérations financières (sans effet sur le déficit).
Faire un premier bilan de la situation budgétaire fin avril n’est pas précipité : à cette date, l’Etat a effectué une bonne partie de ses émissions de titres pour le compte de l’année 2013 (si l’on s’en réfère au site de l’AFT, 34 Md€ supplémentaires ont été levés par rapport à la fin 2012 soit à peu près la moitié du déficit budgétaire prévu cette année)
Que dit la note ?
Le déficit d’exécution budgétaire s’établit à -66,8 Md€ contre -59,9 Md€ à la fin avril 2012. On a donc une dégradation de ce solde ce qui n’a à première vue rien de reluisant. Regardons de plus près :
Côté dépenses : elles atteignent 140,4 Md€ contre 133,9 Md€ fin avril 2012. Cette hausse s’explique principalement par une augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour 1,6 Md€ et le versement au Mécanisme européen de stabilité de la troisième des cinq tranches de l’apport en capital que la France s’est engagée à verser, soit 3,3 Md€. Ces deux opérations sont neutres pour le déficit au sens de Maastricht : la France a versé du cash et en contrepartie a inscrit un actif dans ses comptes (ce sont des participations).
Au final, si on fait abstraction de ces deux opérations et des prélèvements sur recettes pour l’U.E (en gros, la contribution de la France au budget européen), les dépenses se sont élevées à 135,6 Md€ soit une augmentation inférieure à l’inflation…ce qui est plutôt en phase avec les prévisions du gouvernement…et sa politique d’ensemble (augmenter les recettes, stabiliser les dépenses).
Côté recettes, ça se gâte…
Les recettes s’établissent à 90,8 Md€ contre 91,0 Md€ à la fin avril 2012.
C’est assez exceptionnel comme situation : des recettes qui diminuent alors que les prélèvements obligatoires augmentent tendanciellement et que l’inflation bien que basse soit positive. Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, on a là un indicateur indirect de la contraction du PIB et de la poursuite de la récession au deuxième trimestre 2013.
Bien sûr, on peut expliquer l’érosion des recettes par la perception en 2012 de 2,6 Md€ de recettes non fiscales liées à l’octroi de licences 4G aux opérateurs de téléphonie mobile. Néanmoins, les antennes n’ayant pas de feuilles, ce ne sont pas des arbres et ils ne pourront cacher la forêt calcinée des recettes fiscales.
Les recettes de TVA piquent du nez : 44,7 Md€ contre 45,8 Md€ à la fin avril 2012. C’est une diminution 2,3 % des recettes alors que l’inflation s’élève environ à 0,7 % sur un an. Un indice de plus quant à la situation très dégradée de l’économie française et en particulier de la consommation des ménages, moteur naturel de la croissance en France. La loi de finance initiale 2013 prévoit une hausse des recettes de TVA de 7,8 Md€ ! Au rythme actuel, le manque à gagner serait supérieur à 10 Md€ !
La TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – voit ses recettes en chute libre de 6,2 % : au rythme actuel, les moindres recettes atteindraient 0,8 Md€ à la fin de l’année.
Les recettes liées à l’impôt sur les sociétés augmentent de 1,5% à périmètre courant pour atteindre 11,5 Md€. A périmètre constant (en ne prenant pas en compte, le rattachement des 2,7 Md€ recettes de recouvrement de l’IS par voie de contentieux autrefois classés dans la catégorie des « Autres impôts »), les recettes dégringolent de 5,8 % : c’est un autre signe d’une activité économique atone et de chiffres d’affaires sans aucun dynamisme. Rappelons que le projet de loi de finances 2013 prévoyait sur l’année 53,5 Md€ de recettes générées par l’impôt sur les sociétés grâce notamment à 8,0 Md€ de recettes fiscales nouvelles et une croissance des recettes hors mesures fiscales nouvelles et hors changement de périmètre de 2,5%. Les recettes escomptées ne semblent pas être au rendez-vous…
Le gouvernement ira peut-être chercher son lot de consolation dans les recettes générées par l’impôt sur le revenu (premier acompte de février et prélèvements mensuels) : à la fin avril, les recettes étaient 11% supérieures à celles engrangées à la même époque en 2012 et atteignaient 22,5 Md€. Hélas, cette hausse est inférieure au rythme annuel prévu par la loi de finances de 2013 qui attend à la fin de l’année 71,9 Md€ de recettes. Au rythme actuel, la moindre recette dépasserait les 4 milliards d’euros, soit 0,2 % du PIB…
Au rythme actuel, ce ne serait pas moins de vingt milliards d’euros de recettes fiscales qui manqueraient à l’Etat soit presque 1,0 % du PIB ! Ces 20 milliards sont exactement la réduction du déficit de l’Etat que le gouvernement vise…ce serait habiller Paul pour déshabiller Pierre…
Dernier point côté Etat : les comptes spéciaux…
Historiquement, les comptes spéciaux est une dérogation au principe de non affectation d’une recette budgétaire à une dépense budgétaire. Parmi les comptes spéciaux importants, il y a celui des participations financières de l’Etat où l’on inscrit toutes les privatisations, celui des avances aux collectivités locales où l’on note tous les transferts de l’Etat vers les collectivités au titre des recettes qui leur reviennent de droit par exemple. Il y a également les prêts aux Etats étrangers (Grèce pour prendre un exemple récent). Les dérapages sont assez rares de ce côté. Au mois d’avril, le niveau n’est pas significatif…les -17,2 Md€ de solde publiés vont sans aucun doute se résorber au cours de l’année…d’autant plus que l’Etat va vendre des participations qu’il détenait pour un montant de plusieurs milliards d’euros (les recettes sont alors directement affectées au désendettement de l’Etat).
Conclusion : pour tenir au maximum les prévisions de déficits de l’Etat, le gouvernement procèdera très certainement à des cessions de participations assez importantes (EADS, GDF-Suez, EDF, ADP pour un montant de l’ordre de 5 à 10 milliards d’euros). Pour rassurer les marchés financiers et Bruxelles, ils présenteront très certainement des réformes dites structurelles : ils s’attaqueront très probablement au poste de dépenses qui croît le plus rapidement, celui des pensions de retraites des fonctionnaires (environ 4 à 5 % par an, en raison du départ massif à la retraite des fonctionnaires baby-boomers). Enfin, le pinaillage continuera à travers des lois de finances rectificatives qui racleront avec une imagination féroce les fonds de tiroirs…
Qu’en est-il de la sécurité sociale ?
La Commission des comptes de la Sécurité sociale a dévoilé hier ses nouvelles prévisions : le déficit de la Sécurité sociale devrait se creuser à 14,3 milliards d'euros cette année pour le régime général, soit 1 Md€ de plus qu'en 2012. Et 2,6 Md€ de plus que ce qui était prévu dans la loi de financement, votée par le parlement l’automne dernier.
En cause les moindres recettes sur les cotisations, conséquence d’une masse salariale moins dynamique que prévu…elle n’augmenterait en 2013 que de 1,3 % soit un point de moins que dans les premières prévisions. Cela représenterait un manque à gagner de 2 Md€.
Autre point d’inquiétude, l’Unedic : elle prévoit un déficit en hausse sur 2013 et qui atteindrait 4,8 Md€ : c’est une conséquence de la hausse du nombre potentiel de demandeurs d’emplois indemnisables sur 2013. Cette hausse continuerait en 2014 et porterait le déficit à 5,8 Md€.
Le gouvernement, toujours dans le but de calmer les marchés et Bruxelles, va s’atteler à d’autres « réformes structurelles » qui toucheront durement ceux qui sont déjà éreintés par la crise et qui approfondiront le mouvement de privatisation de la dépense sociale : réforme des régimes de retraites avec allongement des durées de cotisation et des cotisations elles-mêmes, réforme de l’assurance chômage avec des indemnisations moins longues, pinaillage en tout genre comme le déremboursement de médicaments etc. La réforme du quotient familial n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend…
Dernier mot sur les collectivités locales : entre les difficultés de financement auprès des banques (notamment, suite à la faillite de Dexia, pour laquelle une nouvelle levée de la garantie n’est pas impossible), des recettes fiscales qui seront aussi en baisse (taxe professionnelle, droits de mutation du fait de la chute des transactions immobilières, taxe d’habitation, taxe foncière…) et la volonté de l’Etat de contrôler ses transferts, le déficit devrait à nouveau se dégrader.
Retenez le slogan : L’austérité, c’est maintenant !
Lien SMBE Avril 2013 : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/smb/situation_mensuelle_budget_Etat_30042012.pdf
Lien Rapport CCSS sur les prévisions de déficit du régime général : http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/ccss_synthese_juin_2013_6_06.pdf
Lien Prévisions Unedic pour 2013 et 2014 : http://www.unedic.org/etude-et-prevision/situation-financiere-prevision-pour-2013-et-2014
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