Rendons à Airbus... les succès qui reviennent à Airbus !
Pourquoi Airbus est en fait leader sur les avions de moins de 320 passagers.
Et comment, l'A330 NEO relance cet excellent avion, pour mieux contrer l'avion concurrent de Boeing, le 787, qui aurait dû être beaucoup plus léger. Impact sur l'emploi, le commerce extérieur, les régions... et les caisses de l'Etat et des organismes sociaux !
Airbus vient donc de réussir le lancement de l'A330 NEO, sous deux versions, et brillamment : 121 commandes et intentions en 3 jours, au salon biannuel de Farnborough, l'équivalent britannique du salon du Bourget.
Ces avions seront disponibles en production à partir de la fin 2017, ce qui est plusieurs années avant que les 787 concurrents ne puissent être disponibles. [1], ce qui est un atout essentiel pour l'avionneur européen. D'autant qu'ils seront aussi moins chers à l'achat, et plus économiques à l'usage, et qu'il sont déjà extrêmement fiables..
AIRBUS leader pas seulement grâce à ses A320, mais aussi pour les bicouloirs, jusqu'à 320 passagers !
Mais ne convient-il pas déjà de redresser une opinion couramment admise, à savoir que Boeing aurait une sérieuse avance commerciale sur Airbus en matière d'avions à fuselages larges (wide body) ?
Demandez en effet à qui suit d'assez près la compétition acharnée que se livrent les deux géants de l'aéronautique mondiale. il vous dira que, certes, AIRBUS l'emporte depuis des années sur le segment des court-courriers mono-couloirs, l'A320 se vendant nettement mieux que le 737.
Surtout depuis la nouvelle motorisation (A320 NEO), qui depuis 4 ans truste 60% du marché, y compris malgré la concurrence émergente du canadien BOMBARDIER CSeries, et du futur chinois COMAC C900, qui n'ont pas encore obtenu des parts significatives du marché. Année après année, l'A320 rattrape donc le BOEING 737, qui détient encore le record mondial des ventes, puisque son premier vol date de ???, alors que l'A320 s'est envolé pour la première fois en ???, mais pour combien d'années ? Le nouvel A320 NEO vient de dépasser 3000 ventes, au salon de Farnborough. Et ceci avant même d'avoir volé, ce qui en fait le plus grand succès commercial en aéronautique de tous les temps !
Mais notre spécialiste vous dira aussi que dans le segment des avions à large fuselage, long ou très long courrier à deux couloirs, Boeing détient encore la palme. Notamment avec le 787 lancé en 2004 pour détrôner l'excellent A330. Le carnet de commande du 787 atteint en effet plus de 1000 exemplaires, alors que l'A350 xwb lancé 3 ans plus tard n'a été commandé qu'à 'seulement' plus de 700 exemplaires...
Sauf que... cela cache une autre réalité ! Sans bruit, sans fanfare, l'A330 qui a volé pour la première fois en 1992, se produit mieux que jamais, à 10 exemplaires par mois.
Et c'est AIRBUS qui est finalement leader, et de loin, en commandes d'avions de moins de 320 passagers, et depuis 2008, voire probablement 2007 !
Le graphique ci-dessus [2] [3] montre en effet que le nombre d'A330 + A350-800 + A350-900 (commandes nettes) dépasse largement depuis 2008 le nombre de 767 + toutes versions du 787 vendus, et moins nettement depuis 2007. Et c'est également vrai au niveau du total depuis 2004, date de lancement du 787 : 1390 au lieu de 1109, soit + 25 % !
A lui seul l'A330 est tout prêt de relever le défi du 787 !
Et à lui seul, l'A330 se vend presque aussi bien depuis 2 ou 3 ans que les 787-8 et -9 avec qui il est en compétition (le 787-10 est plutôt le rival de l'A350-900 'régional', configuré pour des distances plus courtes que les A350 de base).
Le lancement réussi d'AIRBUS des A330 NEO cette semaine, avec 121 commandes et intentions va très opportunément permettre de prolonger la tendance constatée sur le graphique ci-dessous, à savoir le rattrapage de ces 787 par l'A330.
L'A330 va continuer de grignoter l'avance commerciale qu'avait prise le 787 il y a 10 ans
Qui sait ? Peut-être même que le nombre des commandes de l'A330 dépassera dans un an le nombre de 787-8 + 787-9 ?
Notre spécialiste s'empressera d'ajouter, avec raison, que désormais les 787 sont produits et livrés, et à un rythme soutenu depuis 2 ans, grâce à deux lignes d'assemblage, dans deux Etats des Etats-Unis. Et que cela va rendre les 787 un peu plus accessible. C'est vrai, mais il faudra quand même attendre plusieurs années, alors qu'un des nombreux avantages des A330 NEO est qu'ils seront disponibles (fin 2017) avant même que ces créneaux de production se libèrent, vers 2019 ou 2020...
Les compagnies aériennes pourront donc obtenir auprès d'Airbus un avion très performant, et d'une extrême fiabilité qui a fait sa réputation, et plus économique à l'achat et à l'usage.
Alors que le 787 souffre encore de défauts de jeunesse, pouvant être très pénalisants. Souvenons-nous du problème de batteries qui a cloué au sol pendant 5 longs mois une cinquantaine de ces 787 flambant neufs. Au grand dam des deux compagnies aériennes qui s'étaient précipitées pour disposer en premier du 787 'révolutionnaire', et de leurs passagers.
Pourquoi est-ce si important d'être numéro 1 mondial sur plusieurs segments de marché ?
Mais en quoi est-ce si important d'être leader sur son ou ses marchés ? Après tout, qu'Airbus soit n°1 ou 2 peut sembler ne relever que d'une fierté européenne, justifiée, mais non absolument indispensable. Et il serait bien vain pour Airbus, d'essayer de retrouver la position de numéro un mondial, au prix de rabais démesurés, qui mettraient l'avenir de la société en péril.
Bien sûr, mais c'est en fait très important au niveau économique de vendre en plus grandes quantités d'excellents produits et à des marges satisfaisantes, puisque cela assure la pérennité de l'entreprise, de ses emplois et des investissements nécessaires, par des bénéfices conséquents et réguliers.
... "environ 30 000 emplois directs en France sur ce programme"
Pour Fabrice Brégier, le président exécutif d'Airbus, cette nouvelle version renforce la compétitivité de l'avionneur face à Boeing.
Le patron d'Airbus a aussi affirmé qu'avec cet avion "s'ouvre un marché d'environ un millier d'avions, ce n'est pas nous qui le disons mais nos principaux clients". Au niveau des effectifs, "sur un programme de cette nature on a environ 30.000 emplois directs en France".
"Notre offre sera basée, pour les gros avions, sur trois familles : l'A330 neo, l'A350 et l'A380. Je pense donc qu'on est très bien armés face à la concurrence et on vise 50% de ce marché". [4]
Et selon Tom Enders, PDG de Airbus Groupe, la maison mère d'Airbus (ex EADS), “L'A330 contribue très fortement à la marge de notre groupe . . . avec notre décision de remtoriser l'avion, nous allons permettre à l'A330 de voler très haut pour de nouvelles années à venir.”
L'investissement coûtera une baisse des dividendes de l'ordre de 7% en 2015, mais "nous avons un solide 'business case' (un solide dossier économique), et l'A330 NEO, une fois en service, continuera à contribuer de façon significative aux revenus de notre groupe". [5]
Cela assure aussi à la France une exportation très positive (le secteur aéronautique est devenu il y a peu le premier secteur excédentaire pour le Commerce extérieur français, qui en a bien besoin), et des rentrées fiscales et sociales, bien à la peine actuellement.
"En 2012, l'industrie aéronautique a généré 170 000 emplois (plus de 310 000 emplois avec les sous-traitants) pour un chiffre d'affaires de 42,5 milliards d’euros. C'est une industrie fortement exportatrice (75% de son chiffre d'affaires est réalisé à l'export), qui a un poids déterminant dans la balance commerciale de la France :
l'industrie aéronautique, spatiale, d'électronique, de défense et de sécurité française constitue ainsi le premier secteur exportateur ainsi que le premier en termes d'excédent commercial, avec plus de 20 milliards apportés à la balance commerciale française. En outre, ce secteur consacre 906 millions d'euros à la recherche et au développement avec de nombreuses retombées pour les autres secteurs industriels." [6]
C'est évidemment aussi très favorable aux régions françaises dans lesquelles ces activités se développent, en particulier dans 6 régions :
- Ile de France : 35%
- Midi Pyrénées : 25%
- Aquitaine 10%
- PACA 8%
- Pays de Loire 5%
- Centre 3% [7]
ainsi bien sûr qu'aux autres régions européennes, en Allemagne, au Royaume Uni et en Espagne notamment.
Ainsi qu'à l'Europe tout entière. "L'aviation joue un rôle fondamental dans l'économie européenne, tant pour les citoyens que pour les industries de l'UE. En assurant 5,1 millions d'emplois et en contribuant pour 365 milliards d'Euros, soit 2,4 % du PIB européen1, ce secteur apporte une contribution essentielle à la croissance économique, à l'emploi, au tourisme, aux contacts entre les peuples ainsi qu'à la cohésion régionale et sociale del'Union. Comme indiqué dans le Livre blancde 2011 sur les transports rédigé par la Commission, l'aviation est et restera essentielle pour relier l'Europe avec le reste du monde. Au cours des deux dernières décennies, en supprimant les barrières historiques, l’UE a su transformer et intégrer des marchés aériens nationaux fragmentés pour qu'ils deviennent le marché régional unique le plus grand et le plus ouvert du monde."
"Mais l'Europe a été plus durement touchée par la récession mondiale que d’autres régions du monde, et la position concurrentielle de ses compagnies aériennes internationales en particulier est menacée par un certain nombre de défis... La politique extérieure de l'UE dans le domaine de l'aviation doit entamer une transformation majeure rapide pour répondre à ces défis : l'Europe se doit de conserver une industrie aéronautique forte et compétitive au centre du réseau mondial qui relie l'UE au reste du monde." [8]
Est-il d'ailleurs utile de rappeler que seule une démarche réunissant plusieurs pays européens pouvait permettre de relever le défi aéronautique, alors qu'après guerre les industries aéronautiques des pays européens étaient complètement morecelées, ce qui avait empêché une réelle concurrence face aux trois géants amércains d'alors : Boeing, McDonell Douglas, Lockheed ?
Faut-il aussi remarquer que sur ces trois géants américains, un seul existe encore dans le domaine civil, et qu'Airbus est malgré tout devenu numéro 1 mondial, seulement 30 années après le premier vol de l'Airbus A300 ?
Cette réussite d'Airbus est due à un ensemble de facteurs, dont une partie figure dans "Comment Airbus a réussi à s’imposer face au géant Boeing ?" Nous reviendrons dans un prochain article sur d'autres raisons de ce succès aussi exceptionnel que malheureusement assez rare. Car Airbus a montré la voie, et d'autres industries pourraient s'inspirer de ces facteurs de succès, qui ne sont pas tous lié à la dimension européenne de la démarche.
... y compris pour développer une nouvelle offre, face au 777 de Boeing
Ces succès de taille de l'entreprise, et ces bénéfices, permettent donc de continuer à investir sur les produits de demain, d'autant que le niveau élevé de l'euro (versus le dollar, monnaie dans laquelle sont vendus les avions), et que la réduction des budgets militaires dans les pays européens ne facilitent pas la tâche du groupe européen. N'oublions pas non plus la concurrence grandissante de la société américaine SpaceX face à Ariane 5, qui oblige à innover et réduire les coûts du lanceur spatial européen, et à réduire le nombre de postes dans le groupe (filiales spatiale et de défense).
Notre spécialiste ne manquera non plus de signaler, à juste titre, qu'un segment de marché reste encore sous la domination de l'avionneur américain : celui des gros bi-réacteurs, de plus de 350 places, sur lequel certaines versions de son 777 règnent encore en maître depuis une dizaine d'années.
L'A350-1000 (350 à 370 sièges), qui entrera en service dans 3 ans, vise très précisément ce segment, et taillera des croupières à l'actuel 777-300 ER, plus lourd et beaucoup plus gourmand en carburant. Boeing a donc répliqué l'année dernière avec le futur 777-9X, de plus grande capacité (jusqu'à 400 places, mais avec une taille de siège inférieure, et tout aussi lourde que le 777-300 ER (350 tonnes au maximum, contre 308 t pour l'A350-1000).
De nombreux vénérables 747-400, très gourmands en carburant seront à remplacer bientôt, et l'A380 est généralement trop gros pour ce segment. Les A350-1000 et 777-9X vont s'affronter aussi sur ce terrain, et la compétition ne fait que commencer.
Il y faudra toute l'expérience d'Airbus pour contrer aussi efficacement ce nouvel avion 777-9x, qui pourrait marquer des points chez les compagnies aériennes, malgré la réduction de la largeur des sièges pour emporter 400 passagers.
Il faudra aussi intervenir auprès de l'OMC, comme le fait remarquer Fabrice Brégier, PDG d'Airbus : Boeing, non content d'avoir été "condamné par l'Organisation Mondiale du Commerce pour un mécanisme de crédit d'impôts lié au 787 pour un montant de 3 ou 4 milliards de dollars pour développer le 787, négocie aujourd'hui, en toute illégalité, le double de ce montant" (8,7 milliards de dollars de crédits d'impôts !) auprès des institutions locales et fédérales américaines. "Ce sont les mêmes qui ont porté plainte devant l'OMC, il y a quelques années, pour concurrence déloyale. ... J'appelle cela du cynisme !" [9]
[1] En effet, étant donné un carnet de commandes bien rempli pour le 787, les compagnies doivent se tourner vers des avions plus rapidement disponibles. cet effet joue ici en faveur de l'Airbus A330, mais il joue aussi en faveur du Boeing 737 MAX, dont le concurrent A320 NEO s'est déjà vendu à plus de 3000 exemplaires !
[2] Source des données Wikipédia, Airbus et Boeing essentiellement. Y compris le document fort instructif, réalisé par le Directeur Commercial d'Airbus, John Leahy, en décembre 2013, à destination des investisseurs
[3] Mais faute d'avoir pu disposer de données très précises au niveau des commandes nettes, entre 2004 et 2010), nous avons estimé leur montant à partir des commandes brutes publiées par Airbus. Mais les nombres obtenus sont compatibles avec les informations et graphiques publiés (par exemple Agoravox, 15 juillet 2014, "Un nouveau lifting pour le best seller Airbus A330 !", et surtout le nombre total des A330 commandés est précis à partir de l'année 2011.
[4] BFMtv 16 juillet 2014, "Fabrice Brégier : Airbus "s'ouvre un marché d'un millier d'avions" avec l'A330 neo"
[5] The Financial Times, 14 juillet 2014 "Airbus unveils new version of A330 airliner"
[6] Site france.fr, le site officiel de la France "L'industrie aéronautique et spatiale aujourd'hui : un secteur clé"
[7] LES GRANDES CARACTERISTIQUES DE L'INDUSTRIE AERONAUTIQUE, SPATIALE ET D'ELECTRONIQUE DE DEFENSE'
[8] Communication de la Commission au parlement Européen, au Conseil, au Comité Economique et social européen et au Comité des Régions, 27 septembre 2012, "La politique extérieure de l’UE dans le domaine de l'aviation – Anticiper les défis à venir"
[9] Les Echos, 8 juillet 2014 "A330 NEO : Il est encore un peu trop tôt pour décider"
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