Retour de la croissance : la grande illusion
Non, une hirondelle ne fait pas le printemps. L'inespéré rebond de croissance enregistré en France au deuxième trimestre (0,5 %) est aussi inattendu que trompeur. Les boulons ont été serrés mais les fondamentaux restent mauvais. Et croire que la malheur des uns, la crise des investissements dans les pays émergents, va faire le bonheur des autres, celui du vieux continent, constitue une vision court-termiste peu réaliste.

Affirmer comme le fait Arnaud Leparmentier dans les colonnes du Monde que l'euro est aujourd'hui sauvé relève du vœu pieu ou de l'erreur d'analyse. Moins optimiste, l'économiste Patrick Artus souligne ainsi que l'endettement des pays d’Europe du Sud continue de croître et que l'effacement d’une partie de la dette grecque n’est pas réglé. On peut toutefois deviner la solution qui prévaudra. Les banques pourraient tirer une nouvelle fois leur épingle du jeu en transférant, avec la complicité des gouvernements et de la Commission, l'addition aux contribuables européens. Avec un ex de Goldman Sachs à la tête de la BCE, Mario Draghi, les banksters peuvent dormir tranquilles.
Et la France dans tout ça ? Le réformisme mi-chèvre mi-chou sauce Hollande, est beaucoup trop tiède pour être efficace. Beaucoup de prudence et pas d'audace. Les problèmes de fond à l'image des mesures arrêtées par le gouvernement Ayrault sur les retraites sont occultés dans un renflouement aux allures de replâtrage, loin d’une réforme structurelle qui s’attaque à la cause première des déficits sociaux : le chômage de masse.
Faire croire dans ce panorama qu'il suffit de faire le dos rond en attendant le retour de la croissance relève de la méthode Coué. Décidément décevant dans ses fonctions de ministre de l'Economie soucieux de ne pas déplaire à L'Elysée, Pierre Moscovici a même osé parler à propos de la vacillante reprise d'un "rebond solide" lors de l'université d'été du PS à La Rochelle.
Cette attitude attentiste est alarmante. Pierre Larrouturou n'a de cesse d'affirmer avec son complice Michel Rocard que le retour de la croissance « de papa » est illusoire et que l'embellie actuelle est simplement le signe que nous sommes dans l'œil du cyclone.
Du côté de la Suisse ou les banquiers sont jugés sérieux, le sentiment est pourtant le même. Dans les colonnes du quotidien Genevois Le Temps, Christophe Donay, de la banque Pictet à Genève, parle de "sortie de récession technique, aucun indicateur économique sous-jacent ne suggérant le retour d’une croissance durable, auto-entretenue et forte".
Pour ce cadre bancaire responsable de la recherche économique, la France tout comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce sont, depuis plus d’une décennie, piégée dans un grand écart entre la trajectoire ascendante de la dette publique et celle, descendante, de la croissance. L’économiste dresse en creux le portait de dirigeants de l'UE pris au piège de l'austérité et des coupes dans les dépenses publiques certes destinées à rassurer les marchés mais qui "tuent plus vite la croissance qu’elles ne réduisent le poids de l’endettement du pays".
En outre, en raison de son taux de prélèvements obligatoires déjà très élevé, la France est privée de l’option qui aurait pu consister à augmenter les impôts. Pas de marge de manœuvre et un chômage qui ne cesse de grimper. Or, l’emploi n'est pas prêt de repartir puisque l'on s'accorde à considérer qu'en deca de 1,5 à 2% de croissance l'économie détruit des emplois. Le cercle vicieux semble donc bouclé.
Si le paysage est sombre, la situation n'est pas désespérée. Elle appelle "simplement" à renverser la table, à changer de paradigme.
Dans son rapport de mai 2013 sur le grand malaise des classes moyennes, la Fondation Jean Jaurès a bien tenté de faire passer un message très clair. "Si la gauche au gouvernement n'entend pas s'attaquer aux racines du processus de dualisation de la société française (pauvres vs riches) et si les actes qu'elle pose veillent davantage à ne pas froisser les vainqueurs (de la mondialisation) plutôt qu'à améliorer le sort des vaincus, alors, elle creuse le sillon des futurs échecs électoraux".
La Fondation estime que les Français ont bien compris que le pouvoir financier mondialisé domine les États et est en capacité de les faire vaciller. Or, sans État, régulateur, bouclier pour les plus faibles, l'ascenseur social n'a plus de cadre dans lequel fonctionner. Les auteurs du rapport en tirent la conculsion que, "dans ce contexte, si une relative paix sociale subsiste, c'est parace que les perdants de la mondialisation se font la guerre entre eux : les boucs-émissaires sont recherchés plus bas que soi".
Cette analyse rejoint celle du Collectif Roosevelt 2012 mais aussi d'intellectuels de gauche qui appellent à lutter contre les paradis fiscaux et l'impunité des marchés financiers, premier pas vers un nouveau modèle de développement déconnecté d’une chimérique croissance qui repose sur un consumérisme planétaire débridé.
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