Les tenants de la nouvelle réforme des retraites affirment que le recul de l’âge de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans ne pénalisera pas l’emploi des jeunes. Certains avancent même que cela leur profitera. Pour preuve, tous les pays qui l’ont pratiqué, n’ont pas pénalisé pour autant l’entrée des jeunes sur le marché du travail…

Qu’en est-il vraiment ? Est-ce l’emploi qui crée l’emploi ?
Il est faux de dire que les pays qui l’ont fait n’ont pas pénalisé l’emploi des jeunes. L’argument est un mensonge. Il est tout simplement l’un des éléments de langage − terme de plus en plus à la mode − que l’Elysée impose à tous ses collaborateurs, ministres compris. Elément de langage que reprend d’ailleurs bêtement le Medef.
Pourquoi une telle bêtise ? Tous les pays dont ils parlent, ont :
- à la fois et de manière quasi structurelle, toujours eu une employabilité des seniors supérieure à la nôtre et en même temps un chômage des jeunes inférieur au nôtre de 5 ou 6 points ;
- repoussé l’âge de départ à la retraite dans une période où leur croissance était largement supérieure à 2 %. Et, comme chacun le sait, c’est à partir de 2 % de croissance qu’une économie est créatrice d’emplois… Donc, employer plus longtemps les seniors, n’a pas été pour eux destructeur de postes de travail.
Cela n’aurait pas été possible en récession ou avec une croissance inférieure à 2 %, comme notre pays va le faire, dès que les décrets de la réforme seront publiés !
Il n’y a donc aucun exemple qui accrédite l’affirmation des collaborateurs de l’Elysée et du Medef. Cela serait trop beau ! Imaginez : plus on emploie les seniors et plus on crée du travail… pour les jeunes. Magique !
Malheureusement, cela ne résiste pas à l’analyse économique.
Dommage pour ceux qui nous gouvernent d’apprendre ici que l’emploi est créé par la croissance − ou par la fonction publique. Mais surtout pas en repoussant l’âge de départ à la retraite !
La croissance ? Ce concept de base est matérialisé par la richesse produite, valorisée dans l’agrégat nommé PIB (produit intérieur brut) par la comptabilité nationale.
Le PIB, aux variations de stocks près, n’est ni plus ni moins − et pour faire simple − que la somme des dépenses de consommation faites par tous les habitants du pays, plus les investissements faits par les entreprises, plus les exportations, moins les importations.
Ainsi, plus le PIB est important et plus le pays doit produire pour satisfaire ses consommateurs nationaux et étrangers. Donc employer plus de personnes pour fabriquer des biens et des services. Des jeunes, des seniors et des moins seniors, bien sûr. Chacun pour le travail lui correspondant. Même s’il convient de remarquer que moins un travail est qualifié et plus il est interchangeable entre les générations. Ainsi, pour effectuer un travail peu qualifié, un jeune, comme un moins jeune peut le faire, voire un senior.
C’est la croissance du PIB qui crée l’emploi et, in fine, le revenu des personnes employées… comme celui des possesseurs du capital −
les capitalistes au sens mélioratif du terme. Revenus qui vont être dépensés, c’est-à-dire consommés −
ou épargnés pour 16 % environ−, et donc faire tourner la production pour que la machine économique fabrique les produits et services demandés. En l’absence d’une offre de produits et de services nationaux, les consommateurs se tourneront vers les produits et services fabriqués par des pays étrangers… et créeront des emplois, là-bas.
Ces rappels économiques de base, nous montrent notamment deux choses :
- ce n’est pas en repoussant de 2 ans l’âge de la retraite, que la France va créer plus d’emplois. Ni pour les seniors, ni même pour les jeunes. En l’absence d’une croissance économique supérieure à 2 %, notre pays ne créera aucun emploi ! Dire le contraire c’est prendre, de manière un peu persistante, les électeurs pour des demeurés.
- ce n’est pas en forçant les entreprises à employer des seniors qu’elles vont accroître leur chiffre d’affaires, donc alimenter le PIB, c’est-à-dire la croissance. Une entreprise est faite pour vendre de manière profitable. Sans chiffre d’affaires supplémentaire, elle n’a pas besoin de personnels en plus. Et, si d’aventure elle voit ses ventes augmenter, elle fera d’abord des gains de productivité, puis fera faire des heures supplémentaires à ses salariés (
catastrophe sarkozienne), puis… si cela ne suffit pas pour répondre à la demande, elle se décidera à embaucher : un jeune, un moins jeune ou un senior, à la qualification adéquate. C’est comme cela qu’entreprise crée de l’emploi, du revenu… et de la richesse économique, appelée PIB. Ce n’est pas autrement !
Afin, terminons par un autre rappel. Pour créer des emplois, les entreprises ont besoin, notamment d’avoir :
- des nouveaux clients en plus des anciens. Anciens qui doivent disposer, si possible, d’un pouvoir d’achat supérieur au précédent. Mais, comment leur pouvoir d’achat peut-il croître quand, notamment pour les classes moyennes, la pression fiscale − souvent déguisée en taxes nouvelles ou augmentées − se fait plus forte ? Et par ailleurs, comment consommer plus, quand l’avenir est rendu incertain par l’Etat ?
Mais aussi, elles ont notamment besoin d’avoir :
- une visibilité stable à court et moyen terme. Mais, comment avoir cette visibilité si au sommet de l’Etat c’est plutôt l’instabilité au sens propre comme au figuré − pour ne pas être injurieux ?
- elles-mêmes confiance dans l’avenir. Mais, comment avoir cette confiance, quand les règles changent au gré des humeurs de l’Etat pour des raisons diverses et variées, voire même électorales et "courtermistes" ?
- accès au crédit bancaire à des taux raisonnables. Mais, comment les banques peuvent prendre plus de risque et faire baisser leurs taux, quand elles non plus, ne savent pas clairement à quelle sauce l’Etat va les pénaliser aux seules fins de pouvoir montrer aux marchés financiers internationaux qu’il a − lui l’Etat, personnellement tout seul − les choses bien en main et que les agences de notation doivent savoir qui est le patron de la France ?
Beaucoup devraient veiller à mesurer leur propos. Surtout quand ils parlent au nom de l’Etat ! Beaucoup... c’est souvent malheureusement des politiques. On sait trop bien qu’ils n’ont pas été élus pour leurs compétences, même au plus haut sommet. Aussi devraient-ils plus s’appuyer sur les savoirs de leurs nombreux consultants − très bien payés par le contribuable − pour éviter de dire tout et n’importe quoi. Même si nous savons bien que pour un politique, dire tout et n’importe quoi est utile pour plaire à son électorat. C’est quand même le prendre, cet électorat, pour un troupeau de veaux... comme le disait le fondateur de la 5ème République.
En conclusion, répétons-le, si la croissance n’est pas supérieure à 2 %, le recul de la retraite va empêcher la création d’emplois. Notre pays n’avait vraiment pas besoin de cela !
crédit photo : 20minutes.