Retraites : un projet futile et déraisonnable

Le choix (idéologique) de ponctionner le travail et de ne presque pas toucher des possibles ressources issues du capital et de la finance, fait l’impasse sur des fonds inversement proportionnels par leur ordre de grandeur à ceux du travail. Les raisons que donne le gouvernement sont iniques : si on les ponctionne, ils iront ailleurs. En d’autres termes, on prend là où il y a moins de résistance, là ou c’est plus facile. Rien de nouveau en cela, mais en contradiction absolue avec la raison et la justice. Non pas la justice sociale (la naïveté a des limites) mais la justice tout court. C’est comme on disait : on condamne ceux que l’on peut condamner, et les autres on les absout.
Une fois encore, et sur un texte législatif, on assume l’inégalité devant la loi. Par cette démarche, et contrairement à ce qui est énoncé, on fait le pari de la paupérisation interne. C’est à dire de l’exportation des biens et des services et l’importation des modèles iniques qui régissent la société des pays émergeant pris en modèle, ou du moins montrés du doigt comme étant attractifs pour les délocalisations. Dans ce sens, la pensée reste statique, elle ne conçoit pas que d’ici dix ou vingt ans, la pression sociale et les besoins de débouchés pour les marchandises et les services changeront les structures sociales de ces pays. Pourtant, même en Chine, les salaires commencent à augmenter, et on réfléchit sur l’agrandissement de l’assiette des consommateurs, rallongeant de la sorte le poids des classes moyennes.
La baisse (ou le gel) des impôts qui a comme objectif de stimuler la croissance a eu comme première conséquence non pas le renforcement de l’outil industriel, ni même le développement des PME, mais le gonflement du secteur financier (avec les conséquences que l’on connaît) et le développement de ce que l’on voulait éviter, c’est à dire l’exportation des capitaux vers les marchés émergeant. En limitant le pouvoir d’achat interne, on accélère ce phénomène, permettant au capital de produire à prix bas ailleurs pour vendre à prix pas ici. Mais en faisant parallèlement l’impasse sur l’innovation, la solidité du marché interne et en installant de manière pérenne la stagnation de la croissance, pourtant élément clé de l’équilibre des caisses de retraite.
Quelle est la raison pour laquelle (du moins officiellement) le gouvernement a jugé indispensable la réforme des retraites, et ce malgré les déclarations préélectorales ? L’aggravation de la crise financière et économique, ou, pour être plus précis, l’endettement faramineux de l’Etat, conséquence de ses efforts pour endiguer cette crise (à sa manière) ; Son incapacité de financer quoi que ce soit après le financement du secteur financier. Enfin sa fragilité vis à vis de ce même marché (qu’il a gracieusement renfloué) et la hantise de ne plus pouvoir emprunter à des taux raisonnables. En d’autres termes, ce n’est pas la faillite des caisses qui a provoqué cette réforme, mais sa propre faillite. L’attitude de l’Etat rassemble à celle d’un homme ruiné qui, pour ne pas emprunter chez les usuriers, vend les bijoux de la famille en les bradant.
En l’occurrence, son système de retraites. En quoi cela est, comme nous dit le premier ministre, « juste et raisonnable » ?
Christine Lagarde indiquait à New York qu’il faut penser « à la recherche d’un équilibre fragile entre des mesures garantissant la croissance et le contrôle du marché » (et de ses dérives). Cependant, elle avait aussi déclaré qu’en France on pense trop : … « c’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’y a guère une idéologie dont nous n’avons fait la théorie. Nous possédons dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé maintenant… ». Faute de vision holistique, sa mission de faire en sorte « que la travail paie », a comme conséquence que le chômage reste à des niveaux très élevés, que la croissance reste toujours au dessus de 1%, et que le travail sous-payé doit solder la part du lion de la reforme des retraites. Il est temps d’indiquer la lacune intrinsèque du slogan présidentiel « travailler plus pour gagner plus » : c’est un concept statique qui donne au travail une valeur constante, non exponentielle, puisque l’usufruit transite au secteur capitalistique et financier. Ce dernier, faute de « l’équilibre » précité, faute de garde fous, le dilapide dans des crises successives. Tant que les choses, impensées, restent là, le système de retraites restera déficitaire, futile et déraisonnable.
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