Sarkozy pourrait dire : investir plus longtemps pour gagner plus
Les médias ne cessent d’inviter des économistes, syndicalistes, journalistes spécialisés et patrons d’entreprise pour entendre les problèmes qui appelleront des solutions imposées par les gouvernants. il faut réduire la durée de la crise économique et prévenir la prochaine.
Yves Calvi, dans “Mots Croisés” hier soir, a mené un débat qui m’a permis de comprendre la transformation de l’industrie que j’avais vécue.
L’idée d’une réponse simple à la moralisation du capitalisme ressemblerait à deux actions :
- la création de malus pour les patrons qui ne prennent pas de risque et qui plantent socialement et financièrement leur entreprise ;
- des rémunérations élevées pour les actionnaires s’ils vendent à long terme. L’impôt sur les dividendes diminuerait avec la durée de l’investissement comme pour l’immobilier.
Quel gouvernement peut mesurer efficacement les innovations égoïstes à venir de certains financiers initiés et très brillants ? Je veux plutôt croire à l’exemple d’entrepreneurs qui vont investir et gagner dans le business social. Des nouveaux patrons qui inventent des produits ou des services qui sont à la portée des plus démunis. Essilor et Danone montrent respectivement l’exemple avec des verres de lunette ou de produits laitiers fabriqués localement pour les plus pauvres, en Inde ou au Bangladesh. Mais pourquoi ces innovations ne peuvent concerner l’occident un jour prochain ?
Daniel Cohen, professeur d’économie à l’école normale supérieure, répondait à Yves Calvi en démontrant que les groupes français avaient cessé de réduire leurs risques par des politiques de diversification, courantes dans les années 80. A l’inverse, les patrons ont suivi une stratégie singulière sur leur métier principal en externalisant 80% de la production ouvrière à des sous-traitants ou à des usines délocalisées à l’étranger. Dans le même temps, il aura fallu vingt ans pour que leurs revenus passent de 20 à 300 fois le smic. Daniel Cohen cite l’exemple de Renault qui ne produit plus dans ses usines que 20% d’une voiture ! Ce ratio 80/20 était inversé dans les années 50 à 80.
Ce constat explique une partie de la rupture du lien social entre les cadres et les ouvriers. Le management optimise les productions de l’entreprise sur des écrans, comme dans une salle de marchés, et les ouvriers n’ont plus aucune perspective d’évolution de carrière.
Cette observation de diversification réussie me rappelle mon arrivée chez Schlumberger en 1988. En rejoignant cette multinationale, leader des services pétroliers, j’avais envie de promouvoir une première révolution technologique : la carte à puce, inventée par le français Moreno, et industrialisée par Schlumberger pour France Télécom. Jean Riboud, à qui les Echos ne rendent pas hommage à tort, a réalisé une croissance externe durant vingt années avec des acquisitions qui ont élevé cette marque de puits de pétrole, en leader mondial des compteurs d’eau et d’électricité. L’écossais Euan Baird lui succédait, après sa mort, pour démonter ce succès industriel en laissant les profits reculer par manque de vision et aussi de calcul purement financier à partir de 1987. Baird écartera les trop nombreux français qui siégeaient encore au conseil d’administration afin de transformer le groupe en vraie multinationale apatride, n’offrant que des services pétroliers. Il contribuera à l’enrichissement des managers qui par la magie des LBO feront renaitre les profits dans leur nouvelle PME.
Aujourd’hui les rémunérations des dirigeants et des traders, notamment les stock options et les retraites, sont passées au peigne fin. Les risques pris pourraient être financés s’ils créent de la valeur mais à côté des bonus, les malus vont aussi apparaitre dans le paysage des patrons. Je pourrais parier que les employés et les clients des grandes entreprises vont à nouveau devenir des priorités de même niveau que les actionnaires qui devront s’engager sur plusieurs années pour gagner plus. Mais ces idées ne s’imposeront que si le président Obama les promeut.
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