Sauver l’emploi avec des (gros) mots
Il y a des termes, des expressions, qui font instantanément des associations avec d’autres mots. Si je vous dis « socialisation des moyens de production », vous pensez « Marx » et vous avez raison. De même, si je vous dis « flexibilité » ou encore « compétitivité », vous penserez « libéralisme ». Plus difficile : si je dis « PS », vous pensez à quoi ?
Les pays développés, et la France parmi eux, connaissent l’une des plus graves crises économiques qu’on ait jamais vue. Cette crise se traduit, dans de nombreux pays, par une crise politique qui voit régresser les partis traditionnels de gouvernement au profit de l’abstentionnisme et des extrémismes. Bien que les partis de gouvernement conservent majoritairement le pouvoir, leuralternance, qui s’accélère, est le signe que l’offre politique dite « traditionnelle » est en panne en ce sens qu’elle ne parvient plus à promouvoir d’idées nouvelles au service des Hommes et de leur bien-être.
Il est intéressant de noter la primauté de la crise économique, mondiale, sur les crises politiques qui, en l’absence d’une quelconque gouvernance internationale efficace, restent locales, le politique se définissant en effet dans un espace territorial. A une crise donnée, les réponses apportées sont donc multiples et peu, voire pas coordonnées.
L’Histoire jugera quant à savoir si la multiplicité des mesures prises pour faire face à cette crise aura été ou non bénéfique. On pourrait en effet penser qu’un train de mesures coordonnées entre plusieurs acteurs, cohérentes et radicales, en rupture avec le modèle actuel, porterait plus de fruits que des actions unilatérales, à portées locales, parfois contradictoires entre elles. Mais, au vu de la prévalence des idéologies sur le bon sens, on pourrait aussi s’estimer heureux de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Du moins tant qu’un contre-pouvoir démocratique n’est pas constitué vis-à-vis de l’instance décideuse comme c’est le cas en Europe avec la Commission.
Car, en temps de crise, d’idéologies il est question. Le prêt-à-penser, comme la haute-couture, a ses grandes maisons, ses princes et ses places-fortes. Le fait que des visions aussi antagonistes entre elles s’affrontent devrait mettre la puce à l’oreille de tout dirigeant un tant soit peu pragmatique ainsi que de tout citoyen en âge de choisir entre différentes offres politiques. Mais à défaut de les comprendre, les hommes brandissent les concepts comme ils se serviraient d’une arme, cherchant à abattre leurs adversaires et oubliant, au bout du compte, que la finalité de tout cela n’a pour vocation que le bien-être de tout un chacun.
Certains termes reviennent souvent dans les propos proférés par ces mercenaires des idées. La compétitivité et la flexibilité, par exemple, le disputent à la déréglementation. Pour appuyer ces propos, les théories les plus alambiquées disposent d’un arsenal d’équations mathématiques que rares sont les dirigeants à même de les comprendre. Ceux-ci doivent donc s’entourer de cohortes d’experts dont on peut seulement affirmer que personne ne les a élus. On peut citer, parmi nombre de spin doctors sur le marché, Alain Minc en France, qui traîne ses guêtres d’un gouvernement à l’autre pour conseiller nos princes (cf. interview dans l’Express). Ou encore Lawrence Summers, aux Etats-Unis, dont l’ébauche de biographie dans Wikipédia est un délice (notamment le paragraphe qui explicite les raisons qui l’ont amené à démissionner de l’un de ses nombreux postes de conseiller).
Par delà les concepts, il faut insister sur le fait que la déréglementation, la compétitivité ou la flexibilité ne sont que des moyens qui doivent servir une fin. Quand les chantres du libéralisme les invoquent, les fins qu’ils sont sensés servir sont souvent des faux-nez qui singent, en les détournant, les propos des responsables politiques, ces propos reflétant eux-mêmes l’état d’une opinion nationale.
Nous allons préciser ces termes en restant au plus près des réalités qu’ils décrivent.
Qu’est-ce que la déréglementation ?
Le déréglementation est le contraire de… régulation.
L’un des concepts économiques de base est la définition du marché. Le marché est le lieu où se rencontrent l’offre et la demande. De cette rencontre naissent les prix. On estime que le marché le plus efficient est celui où s’exerce la libre-concurrence car elle permet la détermination du prix d’équilibre. Le prix d’équilibre est celui qui satisfait tout le monde, vendeur comme acheteur.
Dans la réalité, on constate que la libre concurrence n’est pas toujours la règle car certains biens ou services ne se prêtent pas au jeu normal du marché.
Par exemple le secteur des télécoms est un marché oligopolistique par nature. En effet, ne s’improvise pas opérateur Telecom qui veut du fait des investissements gigantesques que cela implique. Ceci en limite l’accès à des acteurs disposant de plusieurs milliards d’euros de capacités financières pour commencer à déployer un réseau. Un marché oligopolistique met donc en présence un très grand nombre d’acheteurs mais un nombre très restreint de vendeurs (3 par pays en général). Ce déséquilibre pourrait amener les vendeurs à se mettre d’accord pour pratiquer des prix élevés. Dans ce cas, une action étatique de régulation est nécessaire. Cette régulation est souvent prise en charge par une « autorité » représentant l’état et les intérêts des consommateurs. Elle réglementera les prix, les pratiques, la nature des offres, etc.
A l’inverse, on parlera de déréglementation quand l’état limitera les contraintes réglementaires encadrant le fonctionnement d’un marché. Pour rester sur le secteur des télécoms, il a fallu une action initiale de déréglementation pour mettre fin au monopole étatique sur le secteur des télécommunications en France et « casser » le monopole de France-Telecom. Cette déréglementation a permis à des acteurs tels que Bouygues ou Vivendi de proposer des offres concurrentes et des services innovants.
La déréglementation est donc une action de mise en oeuvre des mécanismes de marché sur un certain secteur par l’adaptation du cadre légal dans lequel ce marché opérera.
Actuellement, les exigences de déréglementation exprimées par certains lobbys concernent le marché du travail lui-même. La protection des salariés, les charges sur le travail sont les deux cibles principales de ces lobbys qui prétendent que le coût du travail que cela induit est le principal frein à l’activité, donc à l’embauche. Cette déréglementation permettrait des gains de compétitivité dont il est attendu qu’ils relancent l’activité économique.
La compétitivité, maître-mot du commerce mondial
La compétitivité est l’une des problématiques majeures de notre époque. C’est une question relativement simple mais d’une portée géopolitique planétaire à l’heure où des instances transnationales telles que l’OMC plaident pour une mondialisation des échanges qui permettrait à la libre-concurrence de jouer à plein.
Le concept de « compétitivité » pose simplement la question des conditions économiques dans lesquelles sont produits des biens ou des services.
Toute entreprise qui fabrique quelque chose, comme des T-shirts par exemple, est soumise à des contingences réglementaires qui ont une incidence sur le coût de fabrication. Ces règlements peuvent concerner le salaire minimum légal, des problématiques de sécurité ou encore la durée légale du temps de travail.
Qui dit règlement dit « loi », donc territoire.
Pour un bien ou un service donné, les conditions de production dépendent donc du territoire sur lequel cette production est opérée et ont un impact direct sur le coût de production.
A l’heure de la mondialisation, poser la question de la compétitivité des entreprises revient à poser la question de la justification des règlements qui encadrent la production en un lieu donné. Donc du progrès social qui est le résultat de la négociation entre des acteurs d’un même espace.
Si cette question a aujourd’hui une dimension planétaire, c’est parce que le commerce mondial met en présence des acteurs qui produisent des biens identiques dans des espaces différents, c’est à dire dans des conditions de production différentes.
Or, quand l’étalon de référence pour opérer un choix est l’argent, alors les conditions de productions disparaissent du champ des préoccupations. Seule reste la valeur de marché. Exit la morale et l’éthique.
Si un T-shirt produit en France coûte, chez le marchand, 30 €, alors qu’un T-shirt produit en Chine vendu par le même marchand ne coûte que 3 €, on ne retiendra que le fait que le T-shirt français est 10 fois plus cher que le T-shirt chinois. Savoir que ce T-shirt est produit par des enfants travaillant 15 heures par jour, 7 jours par semaine ne fait pas changer d’avis beaucoup de consommateurs.
La conséquence de ce comportement en tant que consommateur a un effet boomerang sur nos propres emplois. En effet, jugeant la compétitivité de sa production insuffisante, le producteur de T-shirts français n’a d’autre riposte possible que délocaliser sa propre production vers un territoire où les conditions de production lui permettent de se battre à armes égales, ou exiger de l’état des mesures qui améliorent la compétitivité sur son propre territoire. Baisse des charges, barrières douanières, flexibilité du travail sont autant de mesures possibles pour l’état mis en demeure d’agir, à condition bien sûr que celui-ci n’ait pas renoncé à une partie de son arsenal réglementaire dans le cadre d’accords multilatéraux de libre-échange.
On voit ici la prégnance des idéologies quand on considère les options choisies par nos gouvernants.
Il reste toutefois nécessaire de préciser que, bien utilisées, des instances comme l’OMC pourraient être une chance si elles permettaient un partage des richesses et des fruits de la croissance au niveau mondial sans sacrifier des populations entières sur l’autel des idéologies.
Dans cette attente, des producteurs nationaux, mis en difficulté par cette concurrence souvent déloyale basée sur le dumping social, c’est à dire sur les différences de prix induites par des niveaux de protection sociale très inférieurs voire inexistants, exigent de l’état que celui-ci mettent en oeuvre un cadre réglementaire orienté vers la flexibilité (cf. ci-dessus déréglementation versus régulation).
La flexibilité pour les (coûts) nuls
Le monde idéal de l’entrepreneur tient en un mot : variabilisation (le fait de rendre variable).
Que veut rendre variable l’entrepreneur : le coût de production d’une unité produite.
Que signifie : rendre variables le coût de production ?
Cela signifie que l’entrepreneur est prêt à payer le coût de production d’une unité d’un bien (ou service) qu’il produit uniquement quand il a effectivement besoin de la produire. En revanche, quand il ne produit pas (parce que ses carnets de commande sont vides par exemple), alors ce coût, idéalement, doit tendre vers zéro.
Cas n°1 : le coût de revient avec simplement des coûts variables
Une entreprise fabrique des T-shirts. Pour fabriquer un T-shirt, elle a besoin :
- de coton, qui lui coûte 1 € par T-shirt
- de main d’oeuvre, qui lui coûte 1 € par T-shirt
Donc, pour fabriquer 10 T-shirts, elle aura besoin de 10 € de coton et de 10 € de main d’oeuvre.
Pour produire les 10 T-shirts, l’entreprise aura déboursé 20 €, soit 2 € par T-shirt.
C’est ce qu’on appelle le coût de revient du T-shirt (ici : 2 € par T-shirt).
Dans cet exemple, le coût de revient est simple à calculer car tous les coûts qui le composent sont variables. La quantité de coton utilisée est proportionnelle au nombre de T-shirts fabriqués. De même, la main d’oeuvre est ici entièrement variable, ce qui est le cas quand on paie un ouvrier « à la pièce ».
On parle de coût variable par opposition au coût fixe. Contrairement aux coûts variables qui sont proportionnels à la quantité produite, les coûts fixes ne dépendent pas des quantités produites. Il faut les payer quoi qu’il arrive.
Par exemple, si notre producteur de T-shirts travaille dans un atelier qu’il loue 500 € par mois, il devra payer ce montant au propriétaire du local dans tous les cas, même s’il ne produit pas de T-shirts. Le coût du loyer ne dépend pas du nombre de T-shirt fabriqués. Le loyer représente, dans ce cas, un coût fixe.
Il est plus difficile (mais pas impossible), de calculer le coût de revient de nos T-shirts quand celui-ci intègre des coûts fixes. Le calcul consiste à répartir les coûts fixes sur chaque T-shirt produit.
Cas n°2 : le coût de revient avec coûts fixes et coûts variables
En janvier, l’entreprise fabrique 100 T-shirts, en février seulement 10. Il en résulte que :
- en janvier, le coût de revient des T-shirts produits est : [500 € de loyer + 100 x (1 € coton + 1 € main d'oeuvre)] / 100 = 7 € par T-shirt
- en février, les mêmes T-shirts reviendront à : [500 € de loyer + 10 x (1 € coton + 1 € main d'oeuvre)] / 10 = 52 € par T-shirt
- si le prix de vente des T-shirts est de 30 € par pièce, l’entreprise gagnera de l’argent en janvier mais fera des pertes sur ceux produits en février
On voit immédiatement que l’existence de coûts fixes rend très imprévisible le coût de revient d’une production si celle-ci fluctue en fonction de la demande.
Si la demande n’est pas prévisible, alors le coût de revient n’est pas prévisible, et alors le bénéfice attendu ne l’est pas non plus. Parce que le consommateur, lui, ne pourrait pas comprendre que le T-shirt qu’il a vu hier en vitrine coûte 7 fois plus cher du jour au lendemain. C’est là que les ennuis commencent.
La variabilisation dont on parle, c’est ce que d’aucuns appellent la « flexibilité« . Elle est au cœur de tous les débats.
Pourquoi la flexibilité fait-elle débat ?
On entend de plus en plus parler de flexibilité en France, notamment par les partis de droite qui brandissent les exemples allemands ou danois comme des modèles du genre.
Cette flexibilité permettrait à l’entreprise des gains de compétitivité en adossant plus encore la quantité disponible de main d’oeuvre au niveau d’activité de l’entreprise.
Cette flexibilité pourrait être obtenue par une déréglementation du travail, soit en annualisant le temps de travail comme en Allemagne, soit en facilitant les licenciements comme au Danemark, sachant que le modèle scandinave couple les périodes de chômage à des actions de formation visant à améliorer l’employabilité de la ressource humaine.
La flexibilité vue de l’entreprise
La flexibilité est avant tout une revendication des entreprises. Qui ne surprend pas. L’entreprise est un objet social à but lucratif. Or cette lucrativité attendue n’est pas très compatible avec le caractère imprévisible de la demande, qui fluctue, et empêche, de ce fait, de « sécuriser » les profits qui sont la finalité de toute entreprise normale.
Comme la demande n’est pas prévisible, les entrepreneurs souhaitent pouvoir contrecarrer cet aspect aléatoire en rendant variables les coûts de production.
Parmi les coûts de production qui ne sont pas variables, ou très peu, dans un pays comme la France ou toute autre sociale-démocratie, on trouve bien évidemment la main d’oeuvre, c’est à dire les salaires, que les entrepreneurs vivent comme un loyer à payer. C’est dire qu’ils le vivent mal… Mais le pire, c’est que c’est un loyer avec un « effet cliquet« , c’est à dire un loyer qui ne peut qu’augmenter et jamais diminuer du fait des contraintes réglementaires visant à protéger les salariés. D’où la frilosité des entreprises à embaucher en période de forte activité, car elles savent qu’une fois l’activité revenue à un niveau normal elle ne pourront pas se séparer du personnel dont la présence n’est plus justifiée (l’effet cliquet qui empêche le retour en arrière).
La flexibilité, pour une entreprise, c’est donc la capacité à embaucher et à débaucher en fonction de son niveau d’activité de sorte à maximiser son profit. Ce profit rémunérera les actionnaires et permettra de faire les investissements dont l’entreprise a besoin. Le très fort développement de l’intérim depuis les années 80, puis de la prestation de service (comme les SSII), est un moyen de contournement que les entreprises ont trouvé pour flexibiliser l’emploi. Elles travaillent avec une base salariale permanente à laquelle est adjointe une main d’oeuvre intérimaire débauchable si besoin.
La flexibilité vue par les salariés
Perdre son moyen de subsistance, c’est ne plus pouvoir se projeter dans l’avenir, ne plus avoir son destin en main.
Etre flexible, pour un salarié, c’est ne plus maîtriser complètement la répartition du temps entre travail et vie privée, voire perdre son emploi du jour au lendemain. D’aucuns affirmeront que c’est aussi la possibilité d’en trouver un nouveau tout aussi rapidement si la réglementation du travail permet cette souplesse.
En réalité, l’une des nombreuses questions qui se posent ici est donc de savoir qui va devoir supporter les fluctuations de la demande. Si c’est au salarié de faire cet effort, cela est le signe d’une importante régression sociale. Car pour le salarié, c’est redevenir « taillable et corvéable à merci » et faire fi de 2 siècles (bon an mal an) de progrès social au cours desquels les hommes ont construit un état social, dit état-providence, au sein duquel la survie du plus grand nombre n’était plus dépendante du bon vouloir de l’entrepreneur. Dans les mines et les usines du 19ème siècle, les hommes ont lutté pour passer d’un paiement à la pièce à un salaire minimum garanti. Les hommes ont obtenus des droits sociaux, comme l’assurance maladie ou l’assurance chômage, pour faire face aux accidents de la vie. Les hommes ont obtenus la retraite et les congés payés afin de pouvoir disposer librement d’eux-mêmes et ne pas être réduits au seul rôle de machine à produire au service d’un entrepreneur qui s’accapare leur force de travail afin de réaliser des bénéfices sans commune mesure avec les salaires qu’il distribue.
Pour solde de tout compte
La déréglementation, les gains de productivité ou la flexibilité du travail sont des antiennes libérales visant à « libérer les énergies » comme disent certains poètes. Tous ces concepts sont vendus avec, comme promesse, la sauvegarde de l’emploi et de l’activité sur notre territoire. Mais les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent comme nous l’avons trop souvent appris à nos dépens.
Il est donc utile de préciser dans quelles conditions ces promesses pourraient avoir quelques effets réels.
Les gains de productivité réclamés à corps et à cris par les libéraux, gains qui seraient obtenus par une déréglementation du marché du travail et une plus grande flexibilité de celui-ci, n’auront d’effets bénéfiques que pour les productions achetées et consommées par des pays dont les normes sociales sont similaires aux nôtres.
Si, par exemple, nous souhaitions relancer l’industrie textile en France avec comme objectif ultime de vendre des T-shirts aux chinois, il nous faudrait être moins disant par rapports aux entreprises chinoises elles-mêmes. Vu notre niveau de développement social, qui est une chance, ce rêve nous est inaccessible. Dans ce secteur, l’effet cliquet joue à plein : la production de nos T-shirt est chinoise et le restera, sauf à décider de tirer un trait sur nos retraites, nos assurances chômage et maladie, nos écoles, nos laboratoires de recherche, etc.
Pour les pays de la zone euro, la moitié environ des échanges commerciaux sont intra-zone (cf. note du Sénat relative au plan de relance de l’UE), donc avec des pays ayant peu ou prou les mêmes structures de coûts. Il demeure néanmoins des écarts importants entre les pays fondateurs et les derniers entrants (ex-satellites de l’URSS). On se souvient notamment de la directive Bolkestein (ou directive Services) « portant sur l’ouverture réciproque des marchés de services sans harmonisation préalable [qui] a suscité de vives critiques au sein de l’Union, particulièrement en France, au printemps 2005″ (article Wikipédia relatif à F. Bolkestein)
Comme le signalait P. Larrouturou dans son ouvrage « C’est plus grave que ce qu’on vous dit… Mais on peut s’en sortir !« , avec la réformeHartz 4, sous le gouvernement G. Schröder, l’Allemagne avait joué égoïstement la carte de la compétitivité et remporté la mise sur la table de poker européenne. En flexibilisant l’emploi, l’Allemagne avait en effet gagné ponctuellement en compétitivité ce qui lui avait permis de vendre ses productions moins cher sur le marché européen et de devenir pour un temps le plus grand exportateur de la zone euro, cassant tout espoir de croissance chez ses partenaires européens qui avaient vu leurs clients se détourner d’eux au seul profit de l’Allemagne. La contrepartie, car il y en a une, c’est que les allemands ont a présent un taux d’emplois à temps partiel trop important qui plombe la demande intérieure. Quand les gens n’ont pas ou peu d’argent, ils ne consomment plus et il en résulte une contraction de la demande.
Or cette contraction de la demande est déjà une réalité au niveau mondial, comme l’a constaté Lawrence Summers, ex-patron de la Réserve Fédérale américaine, qui surprend à présent ses amis libéraux en affirmant qu’ils sont peut-être allé trop loin dans la rationalisation du coût du travail.
Et si le capitalisme s’était lui-même pris au piège d’une « stagnation séculaire » ?, a interrogé l’ami des banquiers.
« Il y a quatre ans, nous sommes parvenus à interrompre la panique financière, l’argent du plan de sauvetage a été remboursé, le marché du crédit a été assaini. (…) Pourtant le taux d’activité n’a pas varié et la croissance reste faible. » (Le Monde Diplomatique, mars 2014).
L. Summers prend aujourd’hui conscience que les 400 familles les plus riches des Etats-Unis, qui sont aussi riches que les 150 millions d’américains les plus pauvres, n’ont pas la capacité par leur consommation propre à relancer l’activité. En cela il est suivi par B. Obama :
Dans son allocution du 4 décembre 2013, et plus encore dans son discours sur l’état de l’Union du 29 janvier 2014, le président Obama a non seulement dénoncé les écarts de revenus et de richesse — qui ne cessent de s’accroître —, mais il a aussi martelé que « l’inégalité constitue le problème-clé de notre époque », et qu’elle nuit à la croissance et à l’emploi. (ibid.)
Il y a donc bien nécessité à distribuer une partie de la richesse produite aux ménages car c'est la masse qui fait tourner la machine économique, pas les riches.
Et L. Summers d’inciter les états à lancer des grands travaux pour redistribuer du cash aux ménages…
Il faut également noter que, pour L. Summers, les bulles financières sont devenues aujourd’hui le seul véritable soutien de la croissance dans cette période de contraction de la demande mondiale. Ce qui ressemble à s’y méprendre à la période qui a précédé la crise de 1929.
Au niveau national, on peut déplorer que la gauche emboîte le pas des libéraux en prônant la compétitivité comme seule alternative, ce qui aura comme conséquence encore plus de précarisation, alors que les libéraux américains eux-mêmes commencent à penser qu’il faut relancer la demande en distribuant du pouvoir d’achat.
→ Extrait débat Valls / Larrouturou
→ Débat Valls / Larrouturou (complet)
Les syndicats ne valent pas mieux, puisque, arc-boutés sur la défense de l’emploi, ils pensent s’acquitter convenablement de leur mission en acceptant le chantage à l’emploi des entreprises. On peut citer l’accord de compétitivité voulu par Carlos Ghosn chez Renault dont les dispositions ont été acceptées par la CFDT :
En contrepartie d’une augmentation du temps de travail d’environ 6,5% par an (2h00/semaine), du gel des salaires au moins en 2013 et de la mutualisation des fonctions de production, la direction met dans la balance son engagement d’une production garantie de 710.000 véhicules en France répartis comme suit :
630.000 véhicules Renault
80.000 provenant de partenaires ( Daimler et Nissan).
Wake up.
Lovegiver.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON