Seule la collectivité est en mesure de socialiser les pertes
Aujourd’hui, les chiffres sont accablants : seul un chômeur
sur deux est indemnisé par l’assurance chômage à hauteur de 57,4% de son
salaire antérieur. Très insuffisant pour accompagner les mutations de l’économie et sans aucun doute une barrière psychologique à la mobilité pour les plus démunis. A l’heure où notre gouvernement détricote un à un les acquis sociaux en vertu du primat idéologique néo-libéral (réduction du rôle de l’état), il me semble a contrario que « seule la collectivité est en mesure de socialiser les pertes » (1).
“Le rôle de l’état n’est pas d’empêcher les changements, il est d’aider les transitions, de sorte qu’elles soient finalement moins douloureuses et, si possible, bénéfiques” (1). Ce constat pertinent de Denis Clerc appelle entre autre une forte sécurisation des salariés au chômage pour accompagner les mutations de l’économie.
De quoi parlons-nous précisément ? Le débat demande à être explicité pour ne pas faire face aux critiques démagogiques de gauche comme de droite. Oui, les licenciements doivent être soigneusement encadrés pour éviter tout abus, et nous bénéficions en France d’une bonne protection ; oui, les délocalisations visant à accroître la rentabilité immédiate au profit des seuls actionnaires doivent être combattues ; oui, la “destruction créatrice” chère à Schumpeter doit continuer à jouer pleinement son rôle, des activités disparaissent tandis que d’autres apparaissent. En aucun cas, il ne s’agit de subventionner des activités non rentables, pas plus qu’il ne s’agit d’une désincitation au travail.
Entendons-nous sur le terme “mutation” : il s’agit de lutter contre les effets parfois dévastateurs de la mondialisation ou des conséquences dramatiques liées aux progrès technologiques. Le Nord de la France par exemple, ne s’est toujours pas remis de la disparition de l’activité minière ; le taux de chômage de la région reste, encore aujourd’hui particulièrement élevé par rapport au reste de la France. De la même manière, le secteur textile français a été durement touché par la concurrence chinoise : nombre d’entreprises ont été contraintes de fermer leurs portes et les effectifs ont été sérieusement réduits. De nombreuses régions, bassins d’emploi et pans de l’activité économique sont alors durablement déstabilisés.
A plus long terme, nul ne peut encore prédire les conséquences de l’après-pétrole. Une chose est sûre : il y aura des gagnants et des perdants, le savoir-faire de certains n’ayant plus aucune valeur marchande.
“Seule la collectivité est en mesure de socialiser les pertes” (2). Et même s’il ne faut pas ôter toute responsabilité sociale à l’entreprise, il paraît évident qu’une entreprise en faillite n’est pas capable d’assurer la reconversion de ses salariés.
Aujourd’hui, les chiffres sont accablants : seul un chômeur sur deux est indemnisé par l’assurance chômage à hauteur de 57,4% de son salaire antérieur. Pis, les indemnisations bénéficient surtout aux salariés les plus favorisés : les cadres par exemple, susceptibles de retrouver aisément un emploi. A l’inverse, les jeunes ou les employés précaires sont totalement exclus de l’indemnisation chômage car ils n’ont pas cotisé un nombre de mois suffisant.
Cette situation ne peut qu’engendrer la perte d’une cohésion sociale pénalisant l’économie d’un pays : moindre consommation entraînant de fait une perte d’activité, ghettoïsation et paupérisation d’une partie de la population, violences urbaines ou développement d’économies parallèles.
A l’instar du Danemark où un chômeur touche pendant 4 ans 90% de son salaire antérieur, une revalorisation en France des indemnités chômage est souhaitable pour garantir momentanément des revenus décents et permettre à tout un chacun de rester citoyen à part entière. Ce type de mesure n’a de sens évidemment que si et seulement si, une véritable politique économique européenne visant à limiter le chômage de masse, voit le jour.
(1) - Denis Clerc - Déchiffrer l’économie - 15e édition - La découverte - 2004 - page 253.
(2) - ibid.
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