Solutions des économistes français contre la hausse des prix du pétrole
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Placé auprès du Premier Ministre de la France, le Conseil d’Analyse Economique a pour rôle d’éclairer les choix du gouvernement en matière économique.
Ce conseil a rendu un rapport sur les conséquences de la hausse et de la volatilité des prix du pétrole sur l’économie française. J’ai souhaité analyser quelques unes des préconisations, parfois surprenantes.
« Un soutien macroéconomique à la demande serait inefficace et risquerait d’engendrer une hausse des prix sans grand bénéfice pour l’activité. De minces bénéfices transitoires ne justifieraient pas son coût pour les finances publiques. »
Remarque pertinente mais je pense qu’il faut aller plus loin. Non seulement la demande ne doit pas être soutenue, mais il faut la faire diminuer considérablement !
« Dans un contexte de concurrence internationale accrue, une forte demande internationale pour les produits français apparaît comme la meilleure réponse possible à la hausse du prix du pétrole. »
Cette logique me semble aberrante. Si je comprends bien, l’objectif serait de compenser les pertes liées à l’utilisation du pétrole en augmentant les ventes de marchandises à l’extérieur de nos frontières.
Autrement dit, nous devons augmenter le nombre de transports de marchandises vers l’extérieur du pays pour compenser les coûts liés à l’utilisation du pétrole (pour les transports principalement) !
Cherchez l’erreur !
Par ailleurs, si nous exportons davantage, il faudra probablement augmenter les importations. Prenons un exemple dans l’alimentation : en 2008, la France a exporté 1,09 million de tonnes de lait pour en importer 1,28 million de tonnes !
L’augmentation de ces échanges internationaux, économiquement fondés mais physiquement absurdes, est-elle vraiment la « meilleure solution » face à l’augmentation de la facture énergétique ?
« Les mesures de soutien dont ils (les secteurs et ménages vulnérables) pourront bénéficier ne doivent pas freiner l’adaptation à un pétrole cher. Elles doivent donc avoir un caractère personnalisé et temporaire et s’accompagner d’aides à une adaptation technologique. »
L’argument de la substitution technologique ne peut avoir de sens que si elle est accompagnée d’un changement profond des organisations. Je rappelle qu’il ne sera pas possible de préserver durablement notre niveau de consommation d’énergie actuel. Il est donc primordial de vérifier l’efficacité et la pertinence d’un usage avant de chercher à adapter une solution technologique.
"Inciter à une spécialisation productive efficace en fonction des besoins des pays exportateurs d’hydrocarbures : biens d’équipement, matériels de transport et aussi biens de consommation de luxe.
Inciter à une même spécialisation pour les services à haute valeur ajoutée : services pétroliers, électriques, nucléaires, traitement des déchets, efficacité énergétique."
Il faudrait donc produire des biens et services répondant aux besoins des pays exportateurs de pétrole afin de se rendre importants. C’est effectivement ce qu’ont fait les Etats-Unis en proposant un échange "protection contre pétrole" à l’Arabie Saoudite.
La France devrait donc développer ses compétences et se spécialiser pour répondre aux besoins d’autres pays.
Mais qu’en est-il des besoins des français ?
Que se passera-t-il lorsque ces pays n’auront plus de pétrole à nous vendre et que nous ne saurons même plus produire notre alimentation ?
Ces préconisations ne doivent pas tourner à la mendicité énergétique à peine déguisée. Les accords géostratégiques sont importants mais doivent servir une réelle transition vers la souveraineté et les compétences locales.
« Donner aux administrations centrales et aux collectivités locales un rôle moteur exemplaire dans l’accélération du Grenelle, tant sur le plan des investissements que sur le plan des comportements et de la gestion énergie/climat. »
Il est très bon de donner un rôle majeur aux collectivités locales. Mais je rappelle que les principaux axes du grenelle sont les suivants :
- l’amélioration de l’efficacité énergétique :
Dans le bâtiment : isolation et nouveaux modes de chauffage ;
Dans les transports : diminution des consommations de carburants, véhicules électriques, développement du transport ferroviaire ;
- le développement des énergies renouvelables, notamment de l’éolien ;
- l’aide à la recherche : séquestration du carbone…
S’il faut bien reconnaître que ces mesures ont au moins le mérite d’exister, elles semblent plutôt timides par rapport aux enjeux réels.
Les collectivités locales ont effectivement un rôle essentiel à jouer et pas simplement pour appliquer le grenelle.
Elles doivent mesurer les vulnérabilités des territoires, relocaliser productions et compétences, créer davantage d’interdépendances locales pour générer cohésion et solidarité. Le vrai rôle des élus locaux est aussi et surtout de permettre à chaque citoyen d’avoir accès au minimum vital en toutes circonstances.
Mais c’est aussi et surtout à la population d’initier ce changement !
« L’imposition ne doit pas biaiser indûment les choix énergétiques en une période où des substitutions entre sources d’énergie peuvent être justifiées, par exemple, au profit du gaz dont le prix relatif pourrait baisser »
Il faut se demander si l’incitation des français à investir dans les chaudières à gaz naturel est une bonne idée, même si elles offrent un bon rendement énergétique.
En effet, la pénurie de pétrole sur les marchés liée au pic de production entraînera probablement l’ensemble des pays qui possèdent des ressources fossiles telles que le charbon et le gaz naturel, à les utiliser pour produire des carburants liquides. Ce scénario provoquerait donc une diminution de l’offre sur les marchés et nous rapprocherait du pic gazier à cause d’une utilisation accrue de celui-ci.
Ne serait-il pas plus raisonnable de mettre en place une politique de valorisation efficace des ressources dont nous disposons ? (biomasse, solaire ...)
« Rendre pérenne la « prime à la casse » en en faisant non un instrument contra cyclique de soutien des ventes de voitures, comme cela a été le cas en Allemagne et en France, mais un instrument structurel de rajeunissement de l’âge du parc automobile. Les ménages seraient ainsi incités à remplacer leurs voitures anciennes par des voitures neuves peu « gourmandes ». Une mesure analogue pourrait être envisagée pour les camions. »
Voici une solution qui fait semblant de résoudre le problème mais qui, finalement, l’aggrave : les matériaux de nos voitures sont produits en Chine (par exemple) donc cela n’augmente pas nos gaz à effets de serre. Ici, on se contente de l’assemblage et de la vente, ce qui génère "officiellement" de la croissance économique sans polluer.
D’ailleurs, les auteurs le précisent bien :
« Ceci ne devrait pas conduire à un accroissement de la circulation automobile et donc des émissions de CO2 mais, bien au contraire, à une diminution des émissions.
C’est ainsi que nous faisons diminuer l’intensité énergétique du pays et cela donne l’impression aux populations que nous faisons mieux que les autres alors que c’est la production délocalisée qui masque le problème.
L’énergie grise indispensable à la production d’un parc de véhicule est énorme. Mais si la seule chose qui est mesurée c’est ce qui sort du pot d’échappement, les émissions vont effectivement baisser !
Conclusion
La recherche permanente du taux de croissance censé nous faire sortir de la crise ne doit pas inciter nos dirigeants à s’enfoncer dans l’impasse.
J’espère qu’ils auront suffisamment de clairvoyance pour ne pas imaginer qu’augmenter les transports par l’exportation et la vente de voitures réduira notre dépendance au pétrole ; qu’ils comprendront qu’au contraire seule la réduction des distances pourra réduire suffisamment et durablement notre consommation d’énergie et la facture associée.
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