Suivre l’Allemagne sur l’interdiction des ventes à découvert nues
Dans la nuit du 18 au 19 mai 2010, le gouvernement allemand a pris une mesure révolutionnaire : l’interdiction de la vente à découvert en position nue. Il s’agit de la première réponse publique depuis le déclenchement de la crise économique qui s’attaque véritablement aux origines de celle-ci.
L’interdiction de la vente à découvert (c’est à dire parier à la baisse) en position nue (c’est à dire de la part d’un intervenant qui n’est pas exposé à une perte occasionnée par cette baisse) est très technique et peu compréhensible pour les non-initiés de la finance. Les « experts » sont d’ailleurs eux-même incapables de vulgariser leur langage.
Mais il faut rappeler que cette interdiction concerne notamment les Credit Default Swaps (couverture en cas de défaillance) sur les obligations des Etats européens, utilisés récemment pour faire plonger la Grèce, puis l’Espagne et le Portugal. En septembre 2008, ces instruments avaient provoqué la faillite de la banque Lehman Brothers et déjà à cette époque on avait tenté de les réglementer sans grand succès. Ils ne servent en rien à soutenir l’économie réelle et permettent de parier des milliards sur le défaut de paiement d’une entreprise ou d’un Etat avec des conséquences auto-réalisatrices. Les agences de notation, quand elles baissent leurs notes, ne font que suivre et amplifient de telles attaques spéculatives.
Une autre preuve que depuis quelques décennies la finance est devenue un casino géant au point que ces deux univers se confondent désormais : les firmes et agences de Wall Street recrutent les meilleurs joueurs de poker.
Il s’agit donc de la première réponse publique depuis le déclenchement de la crise qui s’attaque aux origines de celle-ci. Une véritable lueur d’espoir. Cette initiative a provoqué une déferlante de critiques de la part des fameux « experts » financiers. Ces derniers se lamentent en pointant le risque d’un manque de liquidités dans un monde où flottent justement des milliers de milliards par dessus nos têtes. Voyant le risque d’être privés de l’un de leur jouet favori, ils continuent de plus belle d’attaquer l’euro. La hache de guerre est définitivement déterrée !
Un double langage des moins subtils
L’Allemagne a sans doute décidé de faire cavalier seul sous la pression de l’opposition sociale-démocrate mais aussi car elle est entourée de grands timides qui tiennent un double langage des moins subtils, notamment la France. Ces grands champions qui se surnomment « les tueurs de spéculateurs » affirment ne pas avoir été consultés et ne comptent pas suivre pour le moment ! De son coté, l’Angleterre a depuis longtemps décidé de protéger les services financiers de la City qui pèsent 15% du PIB du pays, malgré l’opinion contraire du régulateur financier, Lord Adair Turner.
Malheureusement l’initiative allemande restera symbolique si elle n’est pas suivie par tout le monde. Les banques et fonds d’investissements allemands peuvent continuer de parier comme ils le souhaitent sur les autres places boursières. C’est l’une des joies de l’intergouvernementalisme en Europe quand il y a avis de tempête. Un début de solution peut vite se transformer en début de division. On peut critiquer cette décision unilatérale qui brise une fois de plus le couple franco-allemand et met en difficulté la constitution d’un gouvernement économique européen. Mais il est peut-être utile de bousculer les habitudes quand règne le manque de volonté politique.
Il revient à la Commission Européenne de proposer dans les plus brefs délais une coordination européenne en matière de réglementation financière. Le projet de restreindre l’utilisation des Credit Default Swaps traîne depuis trop longtemps dans les tiroirs de la Direction Générale de M. Barnier pour des raisons politiques. Sa proposition devrait être rendue publique d’ici l’automne, ce qui est encore beaucoup trop lent.
La réglementation financière est un enjeu global qui nécessite une réponse globale. L’Europe peut montrer l’exemple et apporter la preuve à ses citoyens qu’elle est effectivement « protectrice ».
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