Système monétaire et Banque centrale européenne
J’essaye de décrire ici « qui met la monnaie en circulation ». Ce texte est écrit en langage simple et compréhensible même par ceux qui ne connaissent rien à l’économie.
Ce texte explique pourquoi le système monétaire européen actuel ne peut mener qu’à une crise grave, comme au Japon en 2000. Il explique donc pourquoi il faut totalement modifier la logique de l’émission de la monnaie (il ne s’agit pas simplement d’une critique de la politique monétaire, dans le genre « les taux d’intérêt sont bien trop élevés »), et propose une méthode d’émission de la monnaie totalement novatrice et pourtant parfaitement réaliste.
Il est possible que je me sois complètement trompé, après tout je ne suis pas économiste, et quand bien même, les économistes de toute façon ne comprennent en général rien à la manière dont la monnaie est fabriquée. Aussi, n’hésitez pas à réagir, également si vous pensez que tout ceci est complètement faux.
Évoquons ici le système monétaire : c’est simple, contrairement à l’économie. Car un billet de 20 € restera demain un billet de 20 €, même si personne ne peut prédire dans quelles mains il atterrira.
Différents types de monnaies
L’économie peut vivre sans monnaie, c’est le régime du troc, mais ce système est peu flexible.
Un objet utilisé comme monnaie d’échange (par exemple des coquillages) simplifie les échanges.
Pour garantir la sincérité des échanges, les Européens ont rapidement choisi d’utiliser des métaux rares et impérissables, en particulier l’or.
Le papier-monnaie a ensuite apporté de la commodité : avec le chèque (nominatif) ou le billet de banque (anonyme), on permet à quelqu’un d’aller chercher l’or qu’on a mis dans une banque. Jusque-là, la logique sous-jacente n’est pas modifiée (sauf escroqueries toujours possibles).
Encore mieux : l’or peut ne même plus circuler entre les banques, ni même les billets, grâce aux chambres de compensation reliées par informatique. L’une d’elles est Clear Stream : quand une banque doit donner 1 kg d’or à une autre banque, elle envoie juste un message à Clear Stream, qui tient des comptes pour chaque banque, et retire 1 kg à l’une pour rajouter autant à l’autre. Là encore, rien de fondamental ne change jusque là, du moins si la chambre de compensation est honnête et bien gérée. Dans la suite, je ne parlerai donc plus de ces systèmes électroniques, variantes modernes et plus pratiques des échanges matérialisés.
La valeur des billets de banque
Une monnaie peut être fragile (comme les coquillages : il suffit d’aller en ramasser sur une plage) ou bien solide (comme l’or, dont tous les gisements sont épuisés ou presque). Et les billets de banque ?
Au 19e siècle, les billets ont d’abord correspondu à un certain poids d’or possédé par la banque (privée) qui émet le billet : la monnaie est alors aussi solide que l’or.
Puis ce sont des banques centrales, comme la Banque de France, qui ont fabriqué les billets sous le contrôle de plus en plus serré des États, mais toujours en garantissant l’échange des billets contre un certain poids d’or. Mais les États ont tendance à imprimer plus de billets qu’ils n’ont d’or. Du coup la monnaie peut s’écrouler momentanément comme en 1914-18, ou plus sévèrement comme en 1929.
En 1946, gros problème car à part les USA plus aucun pays ne possède d’or. Les USA ont continué à garantir l’échange des dollars contre de l’or, et les autres banques centrales n’ont gardé en stock que des dollars distribués par les USA et non de l’or : ce sont les accords de Bretton-Woods. Mais à nouveau, les pays qui imprimaient trop de billets devaient dévaluer leur monnaie, et en 1971 même les USA n’ont plus pu rembourser en or tous ceux qui leur montraient des dollars.
À partir de là, les billets ne sont plus garantis sur aucune richesse en particulier. Donc problème : si un État imprévoyant ou démagogue imprime trop de billets, la monnaie s’écroule et l’inflation galopante arrive. Les politiciens étant souvent imprévoyants et démagogues, le risque est réel.
Une solution a été trouvée dans les années 1970 : l’État ne fabrique plus de billets, il confie ce rôle à une banque centrale. La banque centrale imprime des billets, et elle les prête au taux fixé par l’État (les fameux « taux d’intérêt ») : si on emprunte 100 € à la banque de France, un an plus tard il faudra rendre 105 € (en réalité, ce sont les banquiers qui empruntent à la banque centrale).
En Europe, depuis 1992 (traité de Maastricht), c’est encore plus fort : l’État n’a même plus le seul droit qui lui restait, celui de fixer les taux d’intérêt. Ce sont les banquiers eux-mêmes qui fixent les taux, selon un critère défini dans le traité : « maintenir une inflation inférieure à 2% », et éventuellement d’autres objectifs secondaires (comme soutenir l’économie) si l’objectif primordial concernant l’inflation est respecté.
Les problèmes des différents systèmes de monnaie
Avec une monnaie trop fragile (exemple : les coquillages), le système monétaire est susceptible de s’effondrer (si quelqu’un ramasse des coquillages sur la plage). Celui qui a gagné de l’argent en travaillant sera alors lésé s’il n’a pas dépensé son argent immédiatement.
Ce problème n’existe plus avec l’or, mais la pénurie de monnaie pose des problèmes et tend à augmenter les inégalités :
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impossible de créer une nouvelle activité si personne n’accepte de prêter de l’or à un entrepreneur.
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en période de croissance économique, l’avare voit son tas d’or prendre de la valeur sans rien faire.
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rentiers favorisés : or étant inaltérable, le rentier ne le prête qu’à un taux élevé. À 5% par an, la croissance exponentielle de son capital lui permet de cesser de travailler..
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les emprunteurs sont livrés pieds et poings liés aux usuriers : sans or ils ne peuvent rien faire. L’entrepreneur qui crée une entreprise doit augmenter ses prix et baisser ses salaires pour payer les intérêts de ses dettes : les bénéfices des entreprises augmentent mais ce sont les prêteurs (banquiers ou actionnaires) qui en tirent profit.
La monnaie basée sur l’or génère donc des riches qui vivent de leurs rentes et des pauvres qui s’endettent et ne peuvent pas créer leur propre activité. Au bout d’un moment, le système s’écroule à cause des faillites d’entreprises ou de troubles sociaux (révolution de la population affamée à cause du chômage, des baisses de salaires, et des hausses de prix causées par l’augmentation des marges des entreprises). Ceci est arrivé à la fin du 19e siècle, à l’époque du franc-or : Zola a décrit les pauvres et les rentiers, la révolution est arrivée en 1917 en Russie, et les faillites en 1929 aux USA (puis ailleurs).
À l’inverse, si les billets ne sont pas échangeables contre de l’or, et que les États en impriment largement, parfois à l’excès, la pénurie de monnaie n’existe plus, les rentiers voient leur magot fondre comme la neige au soleil (dans les familles nobles ruinées les gens sont obligés, ô grande honte, de travailler), et les pauvres s’enrichissent en trouvant du travail ou en créant leur entreprise. Mais si le gouvernement abuse de la planche à billets, le système s’emballe, et l’inflation galopante est possible.
À première vue, l’émission de la monnaie par emprunt à la banque centrale, en place depuis les années 1970, répond judicieusement à plusieurs critiques :
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le stock de monnaie n’est pas limité à l’avance
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les billets sont distribués de façon équitable à ceux qui désirent en emprunter.
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le critère de pilotage est simple (les taux d’intérêts) et facile à comprendre : les faibles taux font augmenter le stock de monnaie et donc stimulent l’économie mais encouragent l’inflation, les taux élevés à l’inverse refroidissent l’économie.
Cependant, comme on va le voir plus bas, ce système est loin d’être parfait, et en fait il est même profondément vicié dès le départ.
Le problème fondamental de la banque centrale
Supprimons tous les intermédiaires et faisons simple :
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la banque centrale imprime 100 € et les prête au taux de 5% par an
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un an plus tard, elle réclame 105 €
Où l’emprunteur peut-il trouver 105 € alors que la banque centrale est la seule à fabriquer des billets et qu’elle n’en a fabriqué que 100 € ?
En fait, l’emprunteur, par son travail, a gagné de l’argent et va rembourser 105 €, car quelqu’un d’autre a emprunté de l’argent à la banque centrale pour créer une autre activité et a acheté quelque chose (pour plus de 5 €) au premier emprunteur.
Mais le système se mord la queue : pour simplifier les calculs on peut imaginer qu’il y a un unique emprunteur (l’unique entreprise du pays) et qu’il garde indéfiniment sa dette.
Chaque année, l’emprunteur doit verser 5 € d’intérêts à la banque centrale. . Mais ces 5 € ne sont pas gardés par la banque centrale : une partie sert à payer les frais (le fonctionnement de la planche à billets...), et le reste est donné à l’État, qui va lui-même utiliser cet argent en achetant des choses à l’emprunteur. Il y a donc toujours 100 € de billets en circulation, donc le système peut perdurer indéfiniment.
Mais la réalité n’est pas si belle : des billets sont perdus ou détruits, d’autres sont accumulés par des avares qui les enferment dans un coffre et donc les retirent de la circulation. Qui donc va remplacer ces billets ? Et que se passera-t-il si, un jour, tous les billets ont fini par être perdus ?
Ce système organise donc une véritable pénurie de billets, comme à l’époque de l’or. Celui qui a de l’argent est gâté, c’est une denrée rare qu’il peut donc prêter avec un taux élevé, et il n’a pas de risque de voir cet argent perdre de sa valeur. C’est donc le paradis des rentiers et la hausse continue des inégalités, comme avec l’or à la fin du 19e siècle, d’ailleurs les mêmes conséquences sont visibles en ce début du 21e siècle.
Il y a en fait un cas où l’argent en circulation peut augmenter : si l’emprunteur fait faillite, et donc ne rembourse pas ses 100 € à la banque centrale. Un autre emprunteur prendra sa relève, et il y aura 200 € de billets en circulation. Mais comme seules les banques peuvent emprunter auprès de la banque centrale, et que les États font en sorte d’empêcher toute faillite de banques (cf les 20 milliards d’euros d’argent public versé pour renflouer le Crédit Lyonnais, aujourd’hui LCL), ceci n’arrive pas sauf si tout le système financier s’écroule.
À noter que le système est même, d’un côté, encore pire que la monnaie basée sur l’or : avec l’or, au pire la monnaie est rare, avec aujourd’hui même si la monnaie est trop rare, les dettes auprès de la banque centrale restent toujours présentes même si les billets ne sont plus en circulation.
Inflation et banques centrales
Si l’inflation est élevée, le système ne change guère. Prenons une inflation de 15% et un taux d’intérêt de 20% (car un taux d’intérêt inférieur au taux d’inflation est un encouragement malsain à emprunter). On emprunte 100 € : chaque année notre emprunteur doit rembourser 20 € à la banque centrale, mais avec la baisse de valeur de la monnaie, il peut raisonnablement emprunter 15 € supplémentaires à la banque centrale pour porter sa dette à 115 €. Au final, comme précédemment, pour investir 100 €, il doit payer 5 € par an à la banque centrale. Des économistes ont ainsi démontré qu’en théorie l’inflation ne change rien, car le capitaliste avisé va pouvoir placer son argent au taux de 19% (contre 4% en l’absence d’inflation), et donc l’augmentation des inégalités sera la même.
Cette « neutralité de l’inflation » est importante : à l’époque où les États faisaient tourner la planche à billet, une règle empirique indiquait qu’une forte inflation (beaucoup de création de monnaie) développait l’économie et faisait baisser le chômage, alors qu’une faible inflation faisait baisser le taux de croissance et augmenter le taux du chômage. Mais comme ce n’est donc plus vrai depuis que la monnaie est juste empruntée à la banque centrale, on a vu apparaître à la fin des années 1970 la « stagflation », ou stagnation économie avec un taux de chômage élevé malgré un taux d’inflation lui aussi élevé. Les économistes « monétaristes » (favorable à une monnaie très solide), qui dirigent l’économie depuis 30 ans, ont utilisé cet épisode pour faire croire que les difficultés de l’économie étaient dues à une inflation trop élevée. Depuis la pénurie de la monnaie a été instaurée, l’inflation a été ramenée à un taux très faible, et les monétaristes ont été satisfaits. Mais l’économie reste toujours aussi morose et le taux de chômage n’a jamais rebaissé.
La « neutralité de l’inflation » est actuellement largement acceptée et cet argument justifie que l’Europe recherche une inflation très faible (inférieure à 2%). Pour autant, il faut bien comprendre qu’une inflation élevée n’est plus une condition suffisante à elle seule pour relancer l’économie.
Les critiques souvent entendues
En Europe, on critique la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) avec son objectif uniquement centré sur l’inflation inférieure à 2%. Mais ce qui est très curieux, c’est que presque personne ne critique le mode de fonctionnement lui-même (peut-être parce que personne ne comprend comment l’argent est fabriqué).
En effet, le taux d’inflation était traditionnellement un paramètre important :
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un taux d’inflation élevé (10 ou 20% par an par exemple) fait que celui qui possède de l’argent voit sa valeur s’évaporer. Il doit alors le placer soit dans un bien improductif (des lingots d’or), soit le placer dans des entreprises même avec un rendement faible : pour être rentier c’est très difficile, mais en travaillant on peut s’enrichir.
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à l’inverse, un taux d’inflation quasiment nul (comme avec le franc-or) favorise les rentiers et augmente les inégalités, comme on l’a déjà vu.
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cela dit, un taux d’inflation énorme (50% par mois par exemple), ou inflation galopante, est mauvaise pour les travailleurs : leur salaire ne vaut plus rien quand ils le reçoivent, et ils doivent le dépenser immédiatement pour ne pas en perdre toute sa valeur, et les industriels les payent en monnaie de singe (situation de l’Allemagne de la république de Weimar).
Mais ce raisonnement simpliste oublie de préciser, en situation d’inflation, d’où sort la monnaie qui est créée : si c’est l’État qui la fabrique, alors en effet cela dilue les actifs des rentiers. Mais si l’argent est juste emprunté à la banque centrale, on a démontré plus haut que ce n’est pas le cas. La différence est qu’au lieu d’une injection de monnaie dans l’économie, il s’agit alors plutôt d’une fuite en avant dans l’endettement.
À première vue, l’objectif d’une inflation inférieure à 2% favorise les rentiers, et donc provoque une augmentation des inégalités. Plus précisément, pour réduire l’inflation, la BCE doit limiter l’afflux de monnaie, et pour cela elle augmente les taux d’intérêts : le crédit étant coûteux, les créateurs d’entreprises ne peuvent pas emprunter d’argent et donc ne créent pas leur activité. Certes l’inflation a été contenue, mais l’économie ralentit et le chômage augmente car trop peu d’entreprises sont créées. Mais cette analyse est contredite par les faits.
Ces critiques sont certes compréhensibles : l’objectif de 2% d’inflation est clairement conçu pour favoriser les riches, et le bon fonctionnement de l’économie n’est mentionné que comme objectif secondaire, ceci est vraiment choquant sur le plan politique.
Cependant, jusqu’en 2006, les taux d’intérêts de la BCE ont été très faibles, historiquement faibles, ce qui a d’ailleurs provoqué une immense flambée des prix de l’immobilier dans toute l’Europe car les ménages ont pu emprunter beaucoup d’argent et sur de longues durées. Ceux qui critiquent l’objectif de 2% pensent sans doute qu’il faudrait plus d’inflation, donc des taux plus faibles, alors qu’en réalité ces taux étaient déjà extrêmement faibles. Les ménages s’endettent déjà sur 30 ans, personne ne devrait décemment souhaiter qu’ils s’endettent sur 3 générations.
Cette remarque permet de souligner encore une fois qu’avec les taux d’intérêts de la BCE comme unique paramètre ajustable, la situation est inextricable.
La conséquence inévitable : la crise à la japonaise (1998-1999)
Le Japon a un système monétaire basé sur le même principe que la BCE. L’endettement des ménages y est énorme : le prix de l’immobilier est tellement élevé que l’on se loge dans des appartements minuscules, et qu’il faut parfois s’endetter sur 2 générations pour acheter un logement.
Vers 1998, la banque centrale japonaise a commencé à se préoccuper de l’augmentation des prix. En conséquence, et comme l’aurait fait n’importe quelle banque centrale, elle a augmenté les taux d’intérêts, qui étaient très faibles.
Les ménages se sont alors moins facilement endettés, et ont acheté moins d’appartements. Le prix des logements a fortement baissé (« éclatement de la bulle immobilière »). Les banques, qui avaient placé l’argent de leurs clients dans l’immobilier, ont donc perdu beaucoup d’actifs. Les gens surendettés ont eu du mal à payer les intérêts de leurs dettes, ou simplement n’ont plus pu rembourser leurs dettes. Ce phénomène a donc touché les banques, qui se sont retrouvées au bord de la faillite ou carrément en faillite. Toute la finance s’écroulait comme un château de cartes.
Le gouvernement japonais a alors décidé les mesures suivantes :
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forte baisse des taux d’intérêts (fixés autour de 0%, donc des taux négatifs par rapport à l’inflation, soit un fort encouragement à s’endetter encore plus)
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énormes versements de l’État pour rembourser les dettes des banques (je trouve ceci monstrueusement injuste)
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forte baisse des impôts
Suite à cela, la logique du système monétaire n’a pas été modifiée. Le déficit public est devenu abyssal à cause des baisses d’impôts, et la dette publique encore plus (et l’argent versé pour rembourser les banques n’a rien arrangé au trou budgétaire !). En 2006, la dette publique japonaise était égale à 160% du PIB (à comparer aux 60% maxi des critères de Maastricht !). Le Japon a, pour l’instant, sauvé son système financier, mais pas forcément pour très longtemps, mais il a sacrifié l’avenir car la dette publique sera impossible à rembourser, et les dettes privées sont tout aussi problématiques. Pendant ce temps, l’économie va assez mal et les gens n’arrivent pas à se loger.
Le même phénomène serait parfaitement plausible en Europe : l’endettement est plus faible qu’au Japon, mais ici également les taux d’intérêts sont très faibles et malgré cela la BCE commence à s’inquiéter d’un début d’inflation, ce qui la conduit à augmenter les taux d’intérêts. Ce qui est inconnu, c’est la réaction qui sera choisie : l’Europe décidera-t-elle de réformer son système monétaire dans un sens plus favorable aux citoyens (concrètement, en réhabilitant la planche à billets, sous une forme et avec des contrôles qui restent à définir) ? Ou bien suivra-t-elle l’exemple japonais en choisissant de laisser croître les dettes ? Les dettes publiques sont déjà énormes, mais bien loin du Japon (en France, on est passé de 55% à 65% du PIB en 4 ans), les dettes privées sont également élevées mais pas comparables avec ce qui existe au Japon.
Les financiers militeront, par intérêt, pour la 2e solution. Outre de faibles taux, ils proposeront pour augmenter l’endettement des ménages : « L’hypothèque rechargeable » (Sarkozy, ministre des finances à l’époque), pour continuer s’endetter en gageant la maison qu’on n’a pas encore fini de payer, ou la « maison à 100.000 € » (Borloo, ministre des finances), pour s’endetter pendant 20 ans pour payer une maison, puis encore aussi longtemps mais cette fois-ci pour acheter le terrain. En attendant l’autorisation de l’endettement sur plusieurs générations, et le développement des crédits sur 50 ans apparus en Espagne (pour salariés de moins de 30 ans).
Les financiers ont également un argument de poids : avec une dette publique supérieure à 60% du PIB (ou 160% pour la Japon), l’État dépend directement des taux d’intérêts appliqués par les prêteurs privés, et donc de l’opinion que ces prêteurs ont de l’État. Si l’État se comporte mal (selon les financiers), il va le payer très cher à cause de l’augmentation des intérêts de la dette, il peut toujours se mettre en faillite (cela est déjà arrivé dans l’histoire) mais cette décision est lourde et risquée.
Pourquoi personne ne dénonce le système vicié des banques centrales ?
- parce que personne n’y comprend rien (même un grand dirigeant d’entreprise n’a pas besoin de savoir qui a fabriqué son argent pour conduire correctement son affaire).
- parce qu’on confond allègrement la création de richesse et la fabrication d’argent.
- parce qu’on croit à tort que la pénurie de monnaie est causée par les importations.
Mais tout le monde n’est pas aussi naïf, des économistes se sont penchés sur la question et ont décrété que la question, essentielle selon moi, de la pénurie de billets, est totalement illusoire. Je vais tenter essayer d’expliquer pourquoi ils pensent cela.
La majorité des gens ne possède physiquement que très peu de billets, quelque chose entre 20 et 200 € probablement. Le reste, le cas échéant, est à la banque, sur un compte courant, un compte d’épargne, un Codevi ou que sais-je, ou encore investi en actions.
Les investissements en actions sont à traiter à part, car on ne peut pas vraiment parler d’argent : l’action n’a de valeur que dans la mesure où quelqu’un d’autre accepte de la racheter. D’ailleurs les variations de valeurs sont énormes (CAC40 : -60% entre 2000 et 2002, presque +100% entre 2002 et 2006)
Pour le reste, on peut considérer cela comme de l’argent : que j’ai 100 € dans mon porte-feuille ou sur mon compte courant, cela m’est bien égal. Et que j’aie 100.000 € dans mon matelas ou bien sur mon compte d’épargne logement, cela n’influe guère sur ma décision d’acheter ou non un appartement.
Le problème, c’est que l’argent qui est sur le compte en banque ne correspond pas du tout à des billets. Car la banque du coin de la rue fabrique elle-même de l’argent. Étonnant, mais facile à comprendre !
Une banque emprunte 100 € de billets à la banque centrale. Un individu A emprunte 100 € à cette banque. Il achète des biens à une personne B, qui gagne 100 € et les place à la banque. La banque, qui a donc récupéré ses billets, peut alors prêter 100 € à une personne C, qui elle-même les utilise et fait gagner 100 € à une personne D qui les place dans la banque. Résultat : en ayant emprunté juste 100 € de billets à la BCE, la banque du quartier a créé de la « monnaie scripturale » qui n’existe que sur les cahiers de la banque, par opposition à la « monnaie fiduciaire » (les billets). La masse monétaire vaut maintenant 300 € : 100 € sur les comptes de B et de D, et 100 € de billets dans le coffre de la banque. Mais scripturale ou pas, B et D ont travaillé et gagné de l’argent, et sont convaincus à juste titre de posséder chacun 100 €.
Précisons cependant que les règles prudentielles imposées aux banques par les banques centrales leur interdisent de faire cette opération trop de fois : elles doivent posséder de l’argent pour une certaine proportion des crédits qu’elles accordent.
La BCE surveille la masse monétaire totale (fiduciaire et scripturale) et cherche à en assurer une progression lente et régulière (elle néglige donc la valorisation boursière des investissements en actions, mais ne nous attardons pas sur cette parenthèse). La monnaie fiduciaire n’y compte que pour fort peu, donc pourquoi s’en préoccuper ?
Le problème, selon moi, c’est que la monnaie scripturale peut disparaître comme elle est apparue : d’un trait de plume. Pour être basique : le jour où les taux d’intérêts seront élevés (pour cause d’inflation naissante, par exemple), moins de gens emprunteront de l’argent, donc la monnaie scripturale se contractera, et les personnes et entreprises endettées seront acculées à la faillite.
Pourquoi changer de système monétaire ?
1) pour en finir avec la pénurie organisée de monnaie, situation instable par essence.
2) parce que la pénurie de monnaie génère, comme à la fin du 19e siècle avec l’or, des inégalités croissantes, ce qui peut aboutir à des révolutions violentes, ou à des crises financières.
3) parce que le système actuel, en place depuis les années 1970, a précisément abouti à ces conséquences néfastes dans pratiquement toute l’Europe, sans que le prétexte de la crise du pétrole ne soit une explication valable (le prix du pétrole étant, compte tenu de l’inflation, plus faible en 2006 qu’en 1973 juste avant la première crise du pétrole)
Quel système monétaire choisir ?
Pour lutter contre les inégalités et éviter l’apparition d’une classe de rentiers inactifs, il faut que de la monnaie soit créée et purement et simplement injectée dans l’économie, au lieu d’être seulement prêtée comme c’est le cas actuellement.
Il faut également accepter qu’il y ait une certaine inflation, par exemple de 10% par an, pour faire s’évaporer les actifs des rentiers encore mieux qu’avec l’impôt sur la fortune.
Par contre, il ne faut pas que l’État puisse imprimer autant de billets qu’il le souhaite, pour éviter le risque d’inflation excessive lorsqu’un politicien trop dépensier arrive au pouvoir.
On pourrait par exemple fixer un taux fixe d’émission de monnaie : par exemple, l’État devrait imprimer, chaque année, une quantité de billets égale à 3% du PIB ou à 10% de la masse monétaire, et ces billets seraient utilisés pour les dépenses de l’État. Ou alors ces nouveaux billets pourraient être distribués aux habitants du pays avec la même quantité pour chacun, ce qui serait mathématiquement voisin d’une baisse d’impôts couplé avec un RMI. Ce n’est pas du tout invraisemblable, et ce ne serait pas un encouragement à ne pas travailler : la somme distribuée étant bien trop faible pour envisager de vivre sans travailler, il s’agirait plutôt d’un acte symbolique à visée pédagogique pour expliquer le fonctionnement du système monétaire.
La mise en place : les risques
Un afflux de monnaie provoquant une flambée des prix de l’immobilier : on pourrait limiter le recours au crédit bancaire (par exemple en réduisant progressivement la durée maximale des emprunts pour acheter un logement, ou en imposant des règles prudentielles plus sévères aux banques). Mais il n’est même pas sûr que ce problème surgisse : si l’argent des plus riches s’évapore (à cause de l’inflation), les banques auront de toute façon de moins en moins d’argent à prêter.
Si les banques n’ont plus d’argent, comment les entreprises pourront-elles se créer ? Eh bien, c’est simple, il suffit de réunir le capital nécessaire en regroupant suffisamment de travailleurs (entreprise appartenant à ses salariés : société coopérative ouvrière de production) ou bien de clients (entreprise appartenant à ses clients : société mutualiste).
Autre risque : augmentation des importations et écroulement de l’économie locale. Ce risque n’existe pas dans la réalité, car la monnaie fabriquée est une monnaie nationale, sans valeur hors de la zone où elle est fabriquée : au pire la monnaie va perdre de la valeur sur les marchés de changes, et les biens importés vont devenir plus coûteux et donc seront importés en plus petite quantité.
Un risque plus sérieux concerne la fuite des capitaux : si en France l’inflation est de 10% par an et la monnaie s’y évapore, les riches voudront placer leur argent à l’étranger. Ce phénomène est arrivé en France en 1936 après l’arrivée du Front populaire (qui avait nationalisé la Banque de France et provoqué la panique des plus riches). En soi ce n’est pas très grave, sauf si ce phénomène arrive de façon trop brutale : il faut donc appliquer la mesure avec prudence, ou appliquer momentanément des contraintes légales sur les flux de capitaux.
Dernier risque : la dévaluation des salaires à cause de l’inflation. Ce risque disparaît facilement dans le cas où l’économie repart et que le chômage diminue fortement, car les travailleurs reprennent de la force dans les négociations avec les patrons. L’ajustement automatique des salaires sur l’inflation est considéré comme dangereux à cause du risque d’emballement, mais si l’objectif d’une inflation de 10% est recherché, on peut envisager une loi qui réajuste automatiquement les salaires et les contrats commerciaux de 10% par an sans négociation.
La mise en place : les blocages
Le système actuel favorise les rentiers et les financiers. Comme ce sont eux qui possèdent les grands médias, ces médias risquent bien de s’opposer par principe à toute réforme du système monétaire, et ce sera à la population, après proposition de partis politiques ou d’associations, d’exiger la réforme. De la même façon, lors du référendum sur le traité « constitutionnel » sur l’Europe, malgré l’unanimité des médias pour le oui, la population a voté non comme le recommandait la petite association Attac et quelques autres.
Dans le domaine monétaire, l’argument massue sera forcément « de toute façon vous n’y connaissez rien, c’est trop complexe, c’est très technique, il faut laisser faire les spécialistes... ». Eh bien alors, expliquez-nous ! Non pas les détails inutiles, non pas les termes de jargon anglosaxon, mais juste la logique principale du système monétaire.
Ensuite, on a les questions diplomatiques. L’euro est une monnaie gérée selon des traités approuvés à l’unanimité des 27 pays de l’Union européenne et utilisée dans 13 pays. Comment faire ratifier par 27 pays (même ceux qui ne l’utilisent pas) une réforme importante ? C’est mission impossible, à moins d’instaurer la démocratie à l’échelle européenne, et une démocratie qui ne soit pas contrainte par une « constitution » qui fixe définitivement la politique monétaire comme dans le fameux « traité constitutionnel ».
L’autre possibilité est de réformer le système dans un seul pays, ou un groupe de pays. Mais dans ce cas il faudrait sortir de l’euro, solution toujours envisageable mais pas facile.
Achevé le 21 janvier 2007 à
Montpellier (cette version abrégée : 14 février
2007).
mjulier(arobase)free.fr, site web http://mjulier.free.fr
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