Systémie et crise systémique pour les nuls
Les journalistes relatent abondamment la crise systémique sans jamais expliquer ce qu’est la systémie. Je vais donc présenter les grandes lignes de l’approche systémique pour mieux comprendre que la crise systémique est une crise de la complexité et des relations.
Qu’est-ce qu’un système ? Ce sont François Balta et Jean-Louis Muller (dans La systémique avec les mots de tous les jours, éditions du Cegos) qui en parlent le plus simplement : « Un système est un ensemble vivant d’éléments en relation, arbitrairement limité, hiérarchisé, organisé et finalisé. »
Ainsi le corps humain est-il un système composé de bras, jambes (etc.), qui sont eux-mêmes des systèmes composés de tissus et cellules nerveuses (etc.), eux-mêmes…. De la même manière, le corps humain est un système qui s’intègre dans des systèmes plus grands : couple, famille, entreprise, ville….
Quels sont les champs d’application de la systémie ? Ils sont nombreux : la thérapie familiale, la communication, la gestion des organisations (associations, entreprises, administrations, collectivités), le management, l’enseignement principalement.
Quel est l’objectif de la systémie ? L’approche systémique a pour objet de gérer la complexité et l’incertitude, de piloter les changements. Elle ne remplace pas l’approche analytique mais vient la compléter dans la connaissance de la complexité. L’intérêt de la systémie est d’étudier un objet non pas isolément, mais par les relations qu’elle entretient avec d’autres objets. L’objet étudié est considéré comme un système en relation avec d’autres systèmes. Pour connaître le corps humain, on peut certes analyser ce qu’est un bras, une jambe (etc.), mais on peut également étudier les relations qu’entretiennent les bras avec les jambes (etc.).
Préceptes cartésiens et préceptes systémiques
Dans Discours de
- 1er précepte : n’est considéré comme vrai que ce qu’on ne peut mettre en doute
- 2è précepte : on analyse, soit sépare, décompose et isole les parties d’un objet d’étude
- 3è précepte : la pensée doit progresser du plus simple au plus complexe
- 4è précepte : la pensée doit être exhaustive, on ne doit rien omettre
Jean-Louis Le Moigne, l’un des principaux théoriciens de la systémie a de son côté tiré 4 préceptes qui répondent en écho aux préceptes cartésiens. De ces 4 préceptes, on retient que :
- Le Réel (l’objet) n’existe pas en soi ; il est intimement dépendant du regard du sujet (le modélisateur, le scientifique, la personne qui perçoit et étudie) qui lui imprime une direction en fonction de ses intentions implicites ou explicites.
- Le sujet n’est ni neutre ni objectif ;
- Avant d’étudier la nature d’un objet via l’analyse, il faut étudier les relations qu’entretient cet objet avec son environnement comme avec les autres objets. Par exemple, pour connaître une rose, il ne faut pas l’emmener dans un laboratoire, et la disséquer. Il faut observer les relations qu’elle entretient, dans son environnement naturel, avec les autres plantes, avec les gaz, etc.
- On ne peut interpréter un objet qu’en fonction de son comportement, tout en reconnaissant que la nature de cette interprétation dépend du projet du sujet (celui qui interprète). Ce projet étant orienté, le sujet suit une direction.
- Face à une situation complexe, il est impossible d’être exhaustif, l’exhaustivité n’est même pas à rechercher parce que les systèmes sont dynamiques, pas statiques. C’est-à-dire que si on prend une photo – image statique – d’un objet, celui-ci ne nous renseignera que sur le passé de l’objet, qui a déjà changé de place, forme, relations, etc.
Les caractéristiques principales de l’approche systémique
Les caractéristiques principales de la systémie, qui permettent à cette démarche de gérer la complexité des systèmes, sont :
- Considérer le tout plutôt que les parties
- Etudier l’objet dans son environnement, via les relations qu’il entretient avec les autres objets
- Considérer que les systèmes sont englobants (ils s’intègrent dans des systèmes toujours plus complexes)
- Considérer que les systèmes ont des objectifs propres
- Considérer que les systèmes sont auto-organisateurs
- Considérer que les systèmes ont besoin de variété
- Les éléments des systèmes sont interdépendants : ils agissent les uns sur les autres ;
- L’homéostasie règle la vie des systèmes : si un système se transforme légèrement, il aura tendance à revenir à son état antérieur ;
- L’équifinalité : des causes similaires peuvent entraîner des conséquences différentes et des causes différentes peuvent entraîner des résultats similaires.
- La rétroaction : X agit sur Y qui agit en retour sur X
Comparatif approche systémique / approche analytique
Dans Le macroscope, Joël de Rosnay aborde les différences essentielles entre l’approche analytique et l’approche systémique :
Quand on analyse, on isole les éléments pour considérer leur nature (ce qu’ils sont) en s’appuyant sur des détails ; les buts sont flous. Quand on fait de la systémie, on relie les éléments pour considérer les effets des interactions dans une perception globalisante ; on connaît les buts mais les détails sont flous.
Quand on analyse, on cherche des preuves expérimentales dans le cadre d’une théorie pour valider les faits. Quand on fait de la systémie, on compare le fonctionnement du modèle avec la réalité pour valider les faits.
Quand on analyse, on modifie une variable à la fois et les phénomènes sont considérés comme réversibles. Quand on fait de la systémie, on modifie simultanément plusieurs variables (par groupes) et on considère les phénomènes comme irréversibles.
L’approche analytique est efficace lorsque les interactions sont linéaires et faibles quand l’approche systémique est efficace lorsque les interactions sont non linéaires et fortes.
L’approche analytique conduit à une action programmée dans son détail quand l’approche systémique conduit à une action par objectifs.
L’approche analytique conduit à un enseignement par discipline quand l’approche systémique conduit à un enseignement pluridisciplinaire.
Pour Françoise Kourilsky (Du désir au plaisir de changer), le passé détermine le présent et le futur dans la démarche analytique, alors que dans la démarche systémique, c’est le futur (la direction que l’on souhaite prendre, nos objectifs) qui influence le présent. La démarche analytique est donc orientée passé-présent quand la démarche systémique est orientée présent-futur. Pour solutionner un problème, la démarche analytique se focalise sur les causes quand l’approche systémique se focalise sur les objectifs à atteindre.
Pour terminer
La mondialisation associée à la rapidité des échanges, rendue possible par la technologie (Internet, transport de personnes et de marchandises) à bas coût, a perturbé les relations entre systèmes.
La mondialisation vue comme ouverture des marchés, n’est donc pas en soi le responsable de la crise systémique, il s’agit d’ailleurs d’une démarche inéluctable inscrite dans le fonctionnement des systèmes. La responsabilité est due à une conjonction entre la vitesse de mutation des relations entre systèmes et la disponibilité des capitaux.
La crise systémique est donc une crise de la complexité ; une crise des relations.
Trois réponses sont possibles : une ouverture et une liberté plus grande des systèmes, un repli des systèmes sur eux-mêmes, la mise en place d’un méta système dictatorial.
Devinez quel est le choix effectué ?
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