Travailler mieux pour gagner mieux
Le "travailler plus pour gagner plus" est un slogan élaboré sous le seul point de vue patronal. Scandé de manière honteusement démagogique pour séduire les ouvriers, il n’a jamais reflété que la volonté du patronat. Jamais, il n’a été pensé à l’aune de la situation du salarié. De plus, ce slogan trompeur se fixe sur le seul aspect quantitatif du travail quand il faudrait se pencher de façon urgente sur bien d’autres aspects.
La guerre que se livrent en ce moment les syndicats et le gouvernement tourne aussi au duel idéologique autour d’un élément purement chiffré : les 35 heures. Et s’il ne fallait pas plutôt travailler mieux pour gagner mieux ?
Travailler plus, pour quoi faire ?
Si le salaire augmente, mais que le reste augmente aussi, nous nous trouverons face à une spirale inflationniste comme au temps de la spirale prix-salaires que dénoncèrent les économistes dans les années 80. En ce temps-là, on revalorisait le Smic et les allocations à tour de bras pour compenser les pertes de pouvoir d’achat. Résultat, les prix étaient revus à la hausse et il fallait donc augmenter encore en conséquence les salaires et prestations, et ainsi de suite dans un cercle vicieux auquel on a fini par mettre fin par le blocage des prix et la politique d’austérité.
Aujourd’hui, effectuer des heures supplémentaires peut permettre de gagner plus, mais si cela devient le seul moyen de recouvrer le pouvoir d’achat passé amputé par la flambée de l’immobilier, des matières premières et les franchises médicales, c’est un non-sens. En plus du fait, évidemment, que cela ne profitera pas à tous. Loin de là. En fait cette conception du "travailler plus pour gagner plus" émane de la pensée patronale et ne se met jamais du point de vue du salarié, et encore moins du chômeur.
Le tournant libéral de la France : l’accord sur la directive européenne du temps de travail :
Le 10 juin 2008, les ministres de l’Emploi et des Affaires sociales de l’Union européenne se sont mis enfin d’accord sur un projet commun de directive sur le temps de travail. Seulement voilà, la France a opéré un virage libéral très marqué.
En effet, alors qu’en 2006, elle s’opposait à la "clause dérogatoire individuelle" (dite aussi "opt-out") que voulaient lui imposer les Etats les plus libéraux (Grande-Bretagne en tête), elle a décidé cette fois de se ranger de leur côté. Conséquence prévue : des semaines de travail de 60 ou 65 heures !
Et voilà le salarié français pris au piège doublement.
Travailler mieux pour gagner mieux !
Le mieux et pas seulement le plus, le député européen Bernard Lehideux s’y intéresse. Bernard Lehideux est coordinateur ADLE au sein de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen et membre du MoDem. Il relève avec satisfaction que "l’accord du 10 juin 2008 prévoit pour la première fois un ensemble de mesures encadrant le travail des intérimaires. Parmi ces mesures, on note une reconnaissance de l’égalité de traitement entre travailleurs intérimaires et personnel permanent, une amélioration de l’accès à la formation pour ces travailleurs ou encore la mise en place de sanctions pour les entreprises ou les agences d’intérim ne respectant pas ces règles."
Donc, il y a bien du mieux pour le travail intérimaire, mais Bernard Lehideux rappelle la conception des démocrates : "Cette directive doit être un signal fort sur le modèle social européen que nous souhaitons défendre, et je refuserai que les conditions de travail des salariés en soient la variable d’ajustement".
Le projet de directive sera soumis au vote des députés des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne en juillet ou septembre prochain. Il faudra faire pression pour que cette directive défende le modèle social européen et prenne en considération les salariés pas seulement comme "facteur main-d’œuvre" à la disposition du patronat. Le "non" irlandais jouera-t-il un rôle dans la décision qui sera prise ?
Travailler mieux consisterait à rechercher activement des réponses nationales et européennes aux problèmes nombreux du salariat : temps partiel imposé, stress au travail, marginalisation de certaines catégories, etc. A imaginer aussi un travail à la carte au bénéfice du salarié et non l’inverse : soumettre la durée du travail à la volonté de l’employeur.
Gagner mieux est possible si, au lieu de se focaliser sur les heures supplémentaires, les politiques menées agissaient réellement pour réduire significativement le coût de l’immobilier et anticipaient les difficultés liées au pouvoir d’achat. Or, on sait qu’il n’en est rien. Le gouvernement n’a rien vu venir, rien voulu voir venir...
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