Tu travailleras pour rembourser plus et tu vivras moins bien
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Les déclarations politiques sont riches d’enseignement. La question centrale du travail est au centre des propositions et des intentions de nombre de politiciens. Pratiquement tous veulent mettre les gens au travail. Mais ne sont-ils pas responsables du déficit d’emploi car si les gens ne travaillent pas assez, c’est parce qu’il n’y a pas assez d’argent pour les payer ? Le système est devenu déséquilibré, ce qui signifie crise, non pas une crise économique parce que la production mondiale ne faiblit pas, mais une crise sociale. Et que suggèrent les politiciens ? Eh bien mettre les gens au travail, en forçant le système, un peu comme on gave les canards pour se délecter du foie. Le foie gras de l’économie étant en l’occurrence le profit extrait de la mise au travail du maximum d’individu au nom du progrès et de l’élévation du niveau de vie qui fait sortir de la pauvreté des tas de gens et qui associe les profits des plus riches au bien-être matériel des plus pauvres. L’enfumage a bien fonctionné. S’il y a tant de pauvres, c’est aussi parce qu’il y a trop de naissances mais vous n’entendrez jamais un responsable politique parler de démographie. C’est logique. Plus il y a de gens sur terre, plus vous obtiendrez des esclaves prêts à aller à l’usine pour élever leur niveau de vie et pouvoir s’acheter quelques biens pas tous fondamentaux, comme la bouteille de coca, breuvage artificiels dont rêvent tous les petits Africains. Bref, le système marche sur la tête et l’humanité s’est fourvoyée en étant aidée par l’alliance des bons sentiments humanistes et l’avidité de profit des classes dominantes. Bon, on se calme, un tel courroux a certainement ses raisons qu’on va essayer d’expliciter.
Quelques indices. Le président Obama voudrait créer une zone d’échange avec les économies du Pacifique afin de redynamiser la croissance américaine et remettre les gens au travail. Ce dimanche 13 novembre sur les ondes de France Inter, Jean-Pierre Chevènement a prôné le régime locatif plutôt que l’accès à la propriété pour faire en sorte que les gens ne s’attachent pas à un lieu et puissent se déplacer pour changer de travail. Belle vision de ce chantre républicain. La force républicaine et l’intégration par le travail mobile. Au service d’on ne sait quel idéal, si ce n’est la gloire d’un pays moisi qui ne cherche son salut que dans le culte de la croissance. Comme l’Allemagne du reste. Pays fier de ses industries et qui certainement, se dit qu’il prend sa revanche de 1918 et 1945, comme l’ont fait les Japonais en travaillant dur. C’est incroyable ce que le caractère idéologique, voire même fétiche, du travail a pris l’ascendant sur les esprits. Pas plus tard que ce 15 novembre, le président Sarkozy a insisté sur la dignité de l’homme qui doit travailler et ne pas tendre la main pour survivre. Un président qui confond l’aide sociale et la mendicité, le privé d’emploi et le clochard. D’où parle-t-il pour décréter qui est digne et qui ne l’est pas ? Est-il le garant des valeurs universelles et absolues ? Le philosophe, que je suis peut-être, rétorquera que tous les bénéficiaires du RSA sont d’une égale dignité avec les sdf, les fonctionnaires, les travailleurs en CDI, les tétraplégiques, les élus et le président. Et pour finir une bonne boutade. Savez vous la différence entre le national-socialisme et le sarkozysme ? L’un a pour devise le travail rend libre, l’autre, le travail rend digne.
Et cette TVA dite sociale. Etrange paradoxe et certainement enfumage idéologique. TVA sociale, ça se traduit par cette formule : travailler autant pour consommer moins. Démonstration. Le principe de la TVA sociale, c’est de transférer des recettes issues des cotisations du travail, payées par l’entreprise, vers des recettes issues de la TVA et si possible de la CSG. Tout cela au nom d’un « pacte fiscal et social » proposé par deux organisations patronales. En ironisant, on dira que c’est la double peine pour le travailleur. Avec l’augmentation de la CSG son revenu net va baisser et avec l’augmentation de la TVA, il paiera plus cher ce qu’il achète. Officiellement, l’idée est de rendre plus compétitive les productions françaises en abaissant le coût du travail. Ce qui suppose que les entreprises vont répercuter les baisses de cotisation sur le prix de vente. Il faut être naïf pour croire à ces bonnes intentions. A la limite, cette mesure pourrait permettre à quelques PME de dégager des marges et de survivre mais globalement, et ce n’est pas un gauchiste qui le dit, l’impact de la TVA « sociale » sur la compétitivité sera pratiquement nul. Ainsi s’exprimait Alain Madelin dans les colonnes du Monde. On peut alors soupçonner quelque ruse de la droite pour faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat afin de conserver le triple A. Et on se demande si Sarkozy et Obama ne sont pas alignés sur un même schéma idéologique, celui de forcer l’employabilité pour booster la croissance et que l’Etat s’en sorte après tous les gaspillages, notamment en dépenses de guerre. Un schéma du reste ancré dans la politique allemande fier d’être en tête du concours de beauté à l’exportation. Travailler et vendre.
Marx disait : la marchandise a un caractère secret, elle est devenue fétiche. Equation classique : M – A – M. L’argent est un moyen pour échanger les marchandise. Equation fétiche. A – M – A. La marchandise est un moyen pour échanger de l’argent et faire du profit. Marx aurait pu dire en 2011 : le travail a un caractère secret, il est devenue fétiche. Il est possible de tracer des équations supplémentaires. T – C – T. La croissance est un moyen pour générer du travail, dans le schéma classique mais dans l’équation fétiche place le travail comme un moyen pour la croissance. Le travail a lui aussi pris un caractère fétiche : C – T – C.
La croissance maintenant, n’a-t-elle pas aussi acquis un caractère fétiche lorsqu’elle sert le remboursement de la dette ? D’où une autre équation, la dette, qui sert la croissance. C – D – C. Ou bien la croissance au service de la dette, comme dans notre époque si trouble. D – C – D. Pour être complet, la dette souveraine doit être considérée comme étant de même nature que l’investissement dans une société et donc le D signifie aussi le I. Maintenant, on peut imbriquer les deux équations ce qui donne l’équation infernale du système hyperindustriel :
(1) T – C – D – C – T
(2) D – C – T – C – D
La signification est claire. Dans une économie qui sert l’humain et le travail (1), la dette est un moyen pour la croissance qui permet de produire des emplois. Dans une économie dévoyée comme celle de l’Occident en 2011 (2), le travail n’est qu’un moyen pour la croissance et la dette. Traduction : que tu sois américain, allemand, italien ou français, tu seras asservi à la technologie et à la finance ; ou si tu es bon dans les études et doué dans les réseaux, tu seras un maître et tu pourras même donner des leçons de morale sur le travail sans avoir jamais mis les pieds à l’usine, comme Laurent ou Nicolas. Pour la campagne de 2012, le slogan sera : travailler pour rembourser plus et vivre moins bien. Reste alors une énigme anthropologique. Pourquoi en est-on arrivé là ? A accepter la loi d’asservissement dans un milieu ouvert au jeu démocratique et aux libres discussions ? Quel est ce deal secret entre les asservis et les maîtres ?
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