TVA Sociale… la TVA des Shadocks
« Tout ce qui va arriver peut et doit être prévu. Réciproquement, tout ce qui a été prévu doit obligatoirement arriver. » (1)
Comme beaucoup l’ont exprimé ici ou ailleurs, il parait à l’évidence que le projet français de TVA sociale, ressemble peu à un outil de redynamisation économique, qu’il possède encore moins d’atouts intrinsèques pour éviter les délocalisations d’entreprise, et qu’il risque donc très parfaitement de plomber le budget des petits et moyens ménages, en un moment assez inopportun.
Mais s’il est un aspect encore peu envisagé, c’est celui de la logique financière qui va l’accompagner. Bien sûr, l’état Français se garde bien de communiquer quoi que ce soit en la matière, d’une part pour ne pas entraîner des éléments de panique, au sein du tissu économique, mais également pour ne pas froisser ses propres troupes.
Rien ne serait plus dangereux pour lui que de dévoiler à l’avance des mécanismes parfaitement subtils, mais qui en dirait trop long sur ses véritables intentions. N’oublions pas que nous sommes déjà engagés dans le processus républicain d’une compétition très serrée, dans laquelle aucun des candidats ne devra risquer une minute d’incertitude quand à ses convictions. Beaucoup savent donc déjà que la résolution de cette mesure, fera l’objet d’une course de vitesse nucléo-olympique entre son annonce, et son inscription officielle dans les tablettes des fonctionnaires de Bercy.
Il est pourtant certain que les éléments composant sa logique financière seront d’une double nature : Quantitative bien sûr d’abord, la question du « combien ? », étant déjà présente dans 99% des têtes. Qualitative ensuite, car, « comment ça marche ? ».
Avant d’aborder le décryptage de la nature idéologique de cette forme particulière de TVA, dite « sociale », il est important de faire un petit rappel de la nature de cette taxe, comme forme d’imposition, et dans ses rapports avec la marchandise, qui lui sert de support.
Rappelons donc immédiatement, à la suite des analystes libéraux adorant toujours se piquer de réflexions sociologiques, que si la TVA possède l’avantage d’être un impôt moins détesté que les autres, c’est pour une raison lié à sa nature.
La TVA, est tout d’abord un pourcentage calculé sur un petit paquet que vous désirez mettre en circulation. Celui-ci est une marchandise, et à ce titre, regroupe à peu près tout ce qui peut se vendre selon les lois commerciales, de la patate à la locomotive, de l’heure de plombier à la minute d’extase téléchargée sur votre baladeur dernier cri.
Elle intervient au final, c'est-à-dire qu’elle peut même en rajouter sur d’autres taxes locales, comme pour les alcools, ou pour votre abonnement électrique (bien que ce soit théoriquement interdit).
Calculée soit à partir du chiffre de vente HT, comme le fera un fabriquant d’aciers lourds, possédant très peu de clients particuliers, soit par extraction du chiffre de vente psychologique (prix de vente du téléviseur/1.196x0.196).
Elle est donc une sorte d’emballage final de la valeur de la marchandise…
… Comme les petits scouts qui vous emballent les cadeaux à Noël.
« La notion de passoire est indépendante de la notion de trou, et réciproquement. » (1)
En aucun cas, la TVA n’est une charge pour les entreprises.
Les entreprises la payent, comme tout le monde, mais la déduisent de leurs ventes, puis en reversent l’excédent perçu à dates fixes aux services des impôts. Les entreprises font donc office, et c’est déjà la grande ingéniosité de l’affaire, de percepteurs bénévoles pour l’état.
A charge donc pour eux, la collecte, la comptabilité précise, et les reversements, tâches qu’elles surveilleront d’autant plus près que les déficiences à se sujet, sont le plus sévèrement réprimées par les services fiscaux.(2)
La chaîne peut-être très longue. Entre la TVA facturée sur une barre d’acier, transformée et revendue x fois entre divers sous-traitants, et la SNCF, un seul, au final, le malheureux anonyme passager du train, appelé pour en remettre une couche, le « particulier », ne récupérera nullement la TVA sur la dépense. Cet immense gaspillage de papiers et de reversements successifs inter-entreprises, ayant pourtant le grand avantage, de permettre à l’Etat, de disposer gratuitement d’un outil offrant une vision très précise, et au centime près, de la circulation des marchandises.
Suivant le sacro-saint principe capitaliste qu’un bien ne doit pas être vendu selon le calcul d’une marge nécessaire théorique à l’entreprise, mais en fonction des finances de celui qui l’achète, de ses besoins réels, et de l’état de la concurrence, la seule chose comptant véritablement pour l’entreprise avec cette TVA, c’est de savoir, en l’intégrant dans son prix, si le particulier aura les moyens et l’intérêt d’acheter les biens ou services qu’il lui offre. Mécanisme réfexif qu'en termes beaucoup moins cru, nos brillants économistes appellent, le marché.
Dans la société capitaliste, la TVA, par sa nature même, fait donc partie intrinsèque de la marchandise, s’y intègre, et disparaît dans sa valeur. Au même titre que la part du capital ayant servi à acquérir les moyens de production pour la produire, l’exploitation du travail afférente, et la plus-value réalisée.
Pour paraphraser, et simplifier un peu la pensée du jeune Karl (3), disons que dans ce monde, la transformation de la marchandise en argent, seule valeur d’échange reconnue, fait qu’elle n’est plus perçue selon une valeur d’usage.
Valeur d’usage existant autrefois mais devenue en réalité totalement accessoire.
De ce fait, la marchandise finit donc par masquer totalement les efforts pour la produire, et devenant un objet de culte, se réalise béatement dans le cadre d’une chosification (4) des rapports humains eux-mêmes, ne devenant plus que de simples intermédiaires, totalement soumis et inconscients de la façon dont ses choses s’échangent.
Car, et c’est bien là le grand miracle sans cesse réalisé par cet impôt qu’est la TVA, elle demeure essentiellement aux yeux du public, non pas une contrainte menaçante s’abattant après coup sur vos économies, mais comme une part de l’achat volontaire que vous désirez effectuer.
Quelque chose, qui ressemble donc un peu à ce qu’il advient dans votre tête en passant un peu trop vite devant un radar… Vous sentez votre participation légèrement induite.
D’où son classement en impôt « indirect », comme « indolore » (5).
« A force de taper dans rien, il finit toujours par en sortir quelque chose. Et réciproquement. » (1)
Une aberration archaïque, et induisant toujours de nombreux contresens, même chez nos énarques économistes les plus télévisuels, est de continuer stupidement à croire que la TVA est une taxe ayant quelque chose à voir avec la valeur ajoutée.
Il s’agit bien sûr d’une grossière erreur.
Cette définition est essentiellement la résultante des élucubrations de quelques fiscalistes Français des années 30, désirant faire mieux décidément, que ces sacrés allemands qui en 1916 avaient déjà inventé la taxe sur le chiffre d’affaire. Passionnés sans doute d’équité sociale, ils planchèrent donc ardemment sur le moyen d’imposer efficacement les entreprises en scrutant à la loupe, non pas leurs bénéfices, mais la valeur ajoutée réelle qu’elles pouvaient dégager.
Véritable usine à gaz, et totalement inapplicable, par manque peut-être à l’époque de contrôleurs zélés, et de moyens informatiques, elle fut sifflée au Parlement, puis remise au placard.
La formule resta pourtant dans les esprits, comme l’idée d’un impôt juste, tout au moins dans son intention.
Et quand le brillant Maurice Lauré, futur patron de la Société Générale, et ami d’Edgar Faure, eu enfin cette idée géniale d’imposer les consommateurs plutôt que les entreprises, l’on garda gaillardement cette formulation trompeuse.
En réalité, la TVA profite essentiellement à l’état, en fonction d’un paramètre ne dépendant en aucun cas des entreprises, mais de la gracieuse capacité des consommateurs à acheter des biens et des services.
Ainsi une entreprise strictement masochiste qui achèterait 10.000€ de cotillons roumains et qui les écoulerait prix coûtant dans l’année, reversera quand même 1960€ de TVA à l’état, tout en ayant réalisé une valeur ajoutée parfaitement nulle.
« Plus les Shadocks pompaient, plus ils se fatiguaient… » (1)
Quelques mots maintenant à propos du caractère moral de cet impôt.
Passons sur les remarques de ces économistes rayonnants de bêtise, qui le trouvent juste parce que les entreprises ne le payent pas. Ou qu’ils peuvent le récupérer sur leurs investissements. S’ils le pouvaient, ces gens tueraient père, mère et voisins, pour que les comptes des patrons ne comportent plus que 2 colonnes, revenus financiers à gauche, petites dépenses pour trimballer et afficher leur fortune à droite.
Certains le trouvent injuste, parce qu’il ponctionne la totalité des foyers, même les plus pauvres. D’autres, à l’identique, le trouvent juste parce qu’il ponctionne la totalité des foyers, même les plus riches. Nous sommes donc en présence, à première vue, d’une querelle typiquement Shadocko-Cornélienne.
En réalité, du point de vue de l’équité Républicaine, la morale de cet impôt s’établit selon l’idée suivante :
« Puisque l’impôt est nécessaire, et qu’il est si douloureux et donc difficile, de le ponctionner annuellement sur les revenus des citoyens, acceptons l’idée que chacun contribue à l’effort national, non plus selon sa fortune, ou sur les subsides qu’il aura tirés de son activité, mais directement au hasard de ses dépenses »
Du point de vue de la stricte équité, le tau étant le même pour tous, plus quelqu’un dépense, plus la somme grossit. Ceci impliquant une courbe de pompage parfaitement linéaire et donc Shadockienne.
L’on trouvera ainsi parfaitement normal qu’une personne paye, dans l’achat de son dernier coupé Mercedes, une part de TVA, équivalente au prix de 2 Twingos neuves. D’une part, parce que chacun sait qu’un coupé Mercedes est une chose fort utile, et qu’il serait idiot de s’en priver, d’autre part parce que la majorité des propriétaires de Twingo jugera bien indispensable que le propriétaire d’un coupé Mercedes contribue largement à enrichir la nation.
Pour le gardien de l’équité républicaine, 3 questions restent néanmoins en suspens :
- Est t’il juste de ponctionner les dépenses ? Alors que l’esprit républicain de 1789 ou de 1870 s’attachait surtout à vouloir imposer la richesse, celle de la fortune (le capital), ou celle venant des ressources (les revenus).
- Pourquoi la progressivité de cet impôt est strictement linéaire ? Ne pourrait-on imaginer que certaines personnes soient un peu punies de leur gourmandise, et d’autres, au contraire, félicitées de leur sobriété. ?
- Au hasard des produits qu’elle ponctionne, pourquoi la fixation de cette taxe reste strictement binaire, distinguant une TVA modérée d’une TVA dite « normale » ?
Il est certain qu’une réponse à ces 3 questions fondamentales, pour rester plausible et documentée, mériterait pour chacune la rédaction d’un ouvrage de 600 pages, contenant témoignages, graphiques, avis d’experts concurrents et DVD offert.
Risquant l’infamie idéologique à tenter une telle brièveté, voici néanmoins quelques réponses parallélisées Shadockiennes dont nous vous demanderons d’excuser le cynisme :
- Ponctionner les dépenses des Shadocks coûte beaucoup moins cher que de s’attaquer à leur richesse. Surtout quand ils en ont.
- Les Shadocks se désolent bien moins d’être triés en catégories particulières dans le cadre d’une étude sociologique publiée par le monde diplomatique, qu’arrivés à la caisse d’un supermarché.
- Si l’on a inventé une TVA réduite, c’est pour que les pauvres puissent la payer. De la même manière, si l’on a inventé une TVA pour les plus riches, c’est également pour que les plus riches puisse la payer. Il faudrait donc interdire au plus riches d’acheter des produits taxés pour les pauvres, et interdire aux pauvres d’acheter les produits taxés pour les plus riches. Ce qui poserait en termes économiques, d’immenses soucis pratiques, mais du point de vue de l’éthique, l’avènement d’un grand calme reposant.
Plus sérieusement, rappelons avec la totalité des analystes plausibles, que la TVA est un impôt fondamentalement inégalitaire, qu’il soit modéré ou pas.
En effet, depuis 10 ans, toutes les statistiques et simulations économiques Insee croisant les classes de niveau de vie des Français avec leur tau d’effort en contributions indirectes, montrent à l’évidence :
- Une inégalité totale des ménages vis-à-vis de ces impôts,
- Que celle-ci s’est également fortement accrue sur la décennie, et de façon totalement parallèle avec le creusement des écarts des revenus.
- Que l’augmentation du tau réduit de TVA de 5.5% à 7% (ne représentant pourtant que 13% de la TVA totale) frappe essentiellement les revenus modestes.
- Que l’augmentation de la TVA dite normale serait absorbée sans problème par les plus riches, mais rendrait inaccessible la grande majorité des biens de valeur aux plus pauvres.
« Il est beaucoup plus intéressant de regarder où l'on ne va pas pour la bonne raison que là où l'on va, il sera toujours temps d'y regarder quand on y sera. » (1)
Ayant disséqué la nature de l’impôt direct de base, et ses données morales concomitantes, nous pouvons enfin nous attaquer à cette fameuse TVA sociale.
Dans un premier temps, nous chercherons à en imaginer sa forme la plus plausible, puis à en deviner le montant, sachant que nous devrons cerner et quantifier à priori deux éléments distincts :
L’un touchant à la notion de taxe, l’autre touchant à la notion de social.
Cette nouvelle taxe héritant de sa grande sœur, et les services fiscaux Français ayant bien d’autres soucis que de s’arrêter à une aberration de langage, nous avons pourtant le devoir de nous arrêter sur la composition magique de ce terme de « taxe sur la valeur ajoutée sociale ».
a) Minute sémantique :
Réflexion d’un Shadock de 7 ans assez doué pour son âge :
- Dis Maman, c’est la taxe ou la valeur ajoutée qui est sociale ?
- Les deux,… je sais pas…, va te coucher, tu demanderas à ta maîtresse…
Pour encourager encore plus rudement ce brillant Shadock à aller se coucher, et pour en finir avec la sémantique, disons lui également :
- Que personne, n’a réussi depuis sa création à expliquer clairement ce que c’était,
- Qu’il n’y a aucun modèle déterminé, et chaque gouvernement tente de s’en servir à sa sauce,
- Que ses plus farouches partisans se déchirent pour en déterminer les principes,
- Qu’hier, rêve fou des néo-libéraux, il est inscrit aujourd’hui dans le moindre bréviaire des sociaux démocrates,
- Que c’est de la TVA qui se rajoute, avec du social dedans, mais pas toujours avec des vrais morceaux,
- Que tous les magasins devront très rapidement vérifier leur stock d’étiquettes,
- Que demain on n’en parlera plus, mais que ça peut recommencer après-demain.
b) Minute sémiotique :
Allons donc maintenant scruter le précepte Wikidien :
« A - La TVA sociale est l'affectation d'une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au financement de la protection sociale. »
Tout va à peu près bien pour l’instant, si l’on enlève cette idée de valeur ajoutée dont nous avons réglé le compte précédemment.
Ceci s’accorde parfaitement avec la logique Shadock, qui la traduirait ainsi :
« La TVA sociale est un moyen de demander à tous les Shadocks d’être pompés, même s’ils ne sont pas en âge de pomper, même s’ils pompent déjà, même s’ils sont trop vieux pour continuer à pomper, et même ils ont passé toute leur vie à pomper les autres.
Ce, au final, pour aider tous ceux qui pompent, à continuer de pomper. »
Poussons plus loin le Wiki :
« B - Sa mise en place se traduit mécaniquement par une baisse des prix hors taxe des produits nationaux, une partie ou la totalité des charges sociales étant basculée dans la TVA, et une augmentation corrélative de la TVA étalée sur l'ensemble des produits, nationaux et étrangers, vendus dans le pays. »
Si l’on excepte le terme « corrélatif » qui est un gros mot chez les Shadocks, zéro problème avec la logique Shadock, qui l’interprètera comme suit :
« Comme tous les Shadocks qui pompent seront aidés à pomper par ceux qui pompaient peu, ils pourront pomper un peu plus vite, pour produire des choses qui coûteront le même prix ou presque aux autres Shadocks, mais qui coûteront beaucoup moins cher à ceux qui leur demandent de pomper.
Ce qui effrayera énormément les habitants des autres planètes, qui, habitués à pomper à toute vitesse pour les autres, seront forcés à ne plus pomper que pour eux-mêmes, et à acheter des choses aux Shadocks, qui pompent enfin plus vite qu’autrefois. »
Ce pari logique implique néanmoins plusieurs conditions :
-
Que les Shadocks acceptent de pomper plus vite,
-
Que les Shadocks aient encore les moyens d’acheter quelque chose,
-
Que les Shadocks aient envie d’acheter des choses fabriquées par les Shadocks,
-
Que les Shadocks soient capables de fabriquer les choses qui venaient des planètes voisines et qui plaisaient bien en fait à tous les Shadocks,
-
Que le pompage de tous les Shadocks aille bien vers les Shadocks qui pompent,
-
Que ceux qui demandent aux Shadocks de pomper n’oublient pas de prendre des Shadocks en plus, notamment pour remplacer ceux qui sont trop vieux pour pomper,
-
Que les habitants des planètes voisines ne soient pas capables de pomper plus vite,
-
Que ceux qui peuvent faire pomper les Shadocks arrêtent de faire pomper les habitants des autres planètes,
-
Que les habitants des planètes voisines aient quelque chose à acheter aux Shadocks,
- Que ceux qui font pomper les Shadocks ne les remplacent pas trop par des machines à pomper tout seul.
Ensemble de conditions invoquant, on le voit, une grande part d’incertitude, et l’émergence nécessaire d’une volonté forte du peuple Shadockien, et de ses leaders.
« Avec un escalier prévu pour la montée, on réussit souvent à monter plus bas qu’on ne serait descendu avec un escalier prévu pour la descente. » (1)
Examinons enfin le côté pratique de l’application de la TVA sociale, en structurant quelques hypothèses, et caressons les éléments éthiques correspondants.
Quel tau supplémentaire ? A quels taux touche t’on ? Tous ? Différemment selon les taux déjà en vigueur ? Va-t-on vers un morcellement des taux selon la nature des secteurs, selon celle des marchandises ?
Rappelons au passage, que si la TVA est établie selon une répartition à consonance sociale, distinguant une TVA réduite à 5.5%, globalement dans l’intérêt qu’on ne puisse pas reprocher à l’état que les plus démunis ne puissent pas s’alimenter, et une autre TVA dite « normale » à 19.6%.
Un nouveau tau de 7%, majorant en grosse partie le tau réduit de 5.5, vient à l’instant d’apparaître, que l’on pourrait appeler le tau Fillon (ou tofillon), car hérité de d’une cascade de plans d’austérité dont ce ministre en fut le plus parfait et lugubre annonciateur.
Bien que les employés des services fiscaux hésitent généralement à fustiger leur employeur, il y a fort à parier qu’ils ne verrons pas d’un très bon œil le fait de devoir réviser tous les trois jours leurs systèmes d’application à taux multiples. Quand aux entreprises, qui rappelons le, font office de percepteurs bénévoles, n’en parlons pas. A noter par exemple qu’une glace conditionnée en petit pot doit être facturée, donc comptabilisée avec un tau de TVA de 7%, alors que la glace en bac (donc dans un grand pot), possède une TVA de 5.5%.
Arrêtons-nous pour respirer un instant, au milieu de ce déluge de chiffres, et goûtons, les yeux fermés, la délicate poésie Shadockienne de cette rencontre nocturne entre le contrôleur fiscal et le chef de rayon, penchés tendrement vers le contenu du congélateur, à vérifier la hauteur des pots tous différents :
« - Et celui à la fraise, vous l’avez compté ?
- Oui, mais si vous voulez, je vous l’offre… »
… Reprenons :
Les taux réduits (donc 5.5% et 7%) bougerons donc peut-être, mais avec difficulté.
Ce qui par contre absolument sûr c’est que l’autre, le méchant, celui dit « normal », bougera.
Ce qui est bien plus intéressant pour l’état, car assujettie à un ensemble de biens et services représentant une extraction financière 8 fois plus importante que celles imposées à un tau dit « réduit ».
Toute la question est donc de savoir si ce tau de 19.6% sera majoré sur la totalité des biens et services ou seulement sur certains.
Voici le pour :
Augmenter globalement cette TVA aurait l’avantage immédiat de la simplification, et l’immense privilège de ne pas faire de jaloux.
Voici les contres :
On se demandera s’il est vraiment intelligent de pénaliser des secteurs en difficulté, et qui mériteraient bien un petit coup de pouce.
Pour les constructeurs de voitures par exemple, n’ayant quasiment plus le moindre petit bonus écologique à se mettre sous la dent.
De même manière, certains regretterons que ne soient pas surtout taxés ces produits que nous ne savons plus, pardon, que nous ne pouvons plus fabriquer, et que nous donc devons importer. Cette idée possède deux inconvénients, d’une part le fait de risquer une condamnation immédiate de la Communauté Européenne pour mise en place de barrières douanières déguisées, chose répétée à foison sur nos médias nationaux, et d’autre part, l’assurance absolue que personne ne se risquera à les fabriquer en France, ne pouvant que très mal les écouler localement.
Seul les Rambos extatiques du Front National, incapables d’imaginer une seconde devoir faire front à ceux qui détiennent les richesses dans notre beau pays, se vantent faussement de pouvoir faire écrouler cette règle, contestation qui ne pourrait venir aujourd’hui que d’un accord entre les forces syndicales des pays européens, dont ils sont, par nature, et par volonté, coupés à jamais.
Enfin, certaines dépenses des ménages, faisant partie des éléments incompressibles (6), comme le gaz, l’électricité ou le téléphone, se verront augmentés d’une part non négligeable. Ceci sera évidemment très mal vu par le très grand nombre. L’incompressibilité de l’élément financier gommant le rapport marchand, et l’impôt révélant alors totalement sa nature « directe ».
Enfin, et toujours dans le but de sonder la partie quantitative du projet de TVA sociale, on cherchera à estimer le tau supplémentaire, ces quelques points de plus.
A ce point du propos, nous devons amorcer l’avant dernière partie de notre analyse consacrée à l’analyse des moyens mis en place, et sa partie véritablement qualitative. En effet, la TVA sociale n’est pas une ponction opérée pour le simple plaisir du Roi, mais un détournement particulier de l’argent des contribuable vers un "réservoir budgétaire" devant avoir certains usages.
Mais pour ne décourager personne, et introduire la suite, donnons quand même ce gourmant pronostic :
- Un point ferait pingre, personne n’y croirait, et ne permettrait pas de réaliser les buts escomptés. Le pluriel du chiffre étant déjà annoncé.
- Deux points serait mieux. Plus logique, et assez facile à faire passer. Bien qu’un peu court pour les ambitions des initiateurs.
- Trois points serait affreusement lourd, mais pratique pour l’état
- Quatre, un massacre économique dans les 3 mois
- Cinq, un tsunami immédiat
- Plus, impossible car interdit par les traités Européens
« Pour qu'il ait le moins de mécontents possibles, il faut toujours taper sur les mêmes. » (1)
Soyons rassurés d’abord sur ce point, l’argent de la TVA sociale sera ponctionné exactement de la même manière qu’avant. Rien ne changera dans la façon. A aucun moment vous ne verrez apparaître de votre caddie, un diable noir vous demandant si vous n’avez pas oublié de payer la TVA sociale sur vos boîtes de conserve.
La TVA sociale sera avant toute chose, un grand effort de concentration du peuple commerçant, à décider de son attitude en fonction de deux variations de paramètres, l’une de cette TVA dont nous avons déjà beaucoup parlé, l’autre d’une nouvelle variable, totalement inattendue, car peu habitué à ce que l’état lui fasse des cadeaux somptueux sans réclamer, et qui concerne les charges sociales à payer pour ses employés.
Il devra donc intégrer deux chocs psychologiques importants :
D’une part l’idée que le prix des choses autour de lui puissent augmenter, d’autre part que la protection sociale de ses employés, ou la sienne propre, soit payée par quelqu’un d’autre que lui.
C’est un petit peu comme si le père Noël passait un mois après les fêtes, vous ramener quelques cadeaux en plus, à condition que vous puissiez embêter un peu vos voisins, et que vous acceptiez qu’ils vous embêtent.
N’allons pas trop loin dans la comparaison, mais les techniques de la mafia américaine des années 30 étaient parfaitement calquées sur ce principe : Maintenir un niveau élevé des prix, pour taxer à mort les petites gens, et exiger un discipline parfaite des débitants qui se voyaient alors affranchis de toute charge salariale intempestive, la mafia s’occupant de « tous les problèmes sociaux ».
Hélas, et c’est le drame de beaucoup d’entrepreneurs, il n’aura pas trop le temps de se poser des questions philosophiques. L’augmentation de la TVA n’ayant pour lui qu’une incidence indirecte (très légère augmentation d’une masse financière à reverser à l’état, mais n’entrant pas dans ses comptes d’exploitation), il réagira différemment selon son secteur d’activité.
Imaginons plusieurs scénarios déclinables d’une annonce officielle d’augmentation de la TVA de 3%, et d’une baisse des charges employeur de santé/maladie de 5% et cotisations vieillesse salarié de 1.5%
1er cas : Progidock est une entreprise vendant sur Internet des jeux vidéos à 10€ TTC, et n’ayant pour l’essentiel de ses charges, que de la main d’œuvre intellectuelle (sans abattements). A priori une société idéale pour tester l’idée de la TVA sociale
Progidock pourrait donc en théorie baisser ses prix de vente HT d’un pourcentage voisin de celui acquis sur ses charges patronales. Pas tout à fait quand même, car elle a d’autres charges comme son loyer, divers trucs et un bénéfice nécessaire à réaliser.
Disons que chaque mois, ses salariés tout compris (salaires+ch patronales) lui coûtent 10000€ et que le reste à pouvoir pour bien s’en sortir est de 2000€. Pas trop ni moins.
Le calcul en pourcentage de son nouveau prix de vente est :
Ancien prix HT + nouvelle TVA – minoration due à l’économie sur les charges, soit :
10/(1+19,6%)*(1+22.6) * (10000-600+2000)/(10000+2000)= 9.82
Le patron de Progidock ne hurle pas de joie, mais il est content, il ne perd rien, ne baisse pas ses prix, et se mettra un tout petit chouilla de marge dans sa poche. Il trouvera intéressant les idées du gouvernement. A creuser.
Les 4 salariés de Progidock vont également avoir une bonne surprise, en découvrant une augmentation de 1.5% de leur salaire.
Ils ne trouveront pas très intéressant les idées du gouvernement, car cette petite augmentation ne compensera absolument pas l’augmentation de la grande majorité des prix dans les magasins.
2eme cas : Bricodock, entreprise distribuant du matériel de bricolage fabriqué à 80% dans les pays étrangers, et possédant une masse salariale représentant 10% de son chiffre d’affaire. Ses distributeurs français n’ayant quasiment pas baissé leurs prix, Bricodock augmentera la totalité de ses prix d’environ 3%.
3eme cas : Cartoplastock, société fabriquant des emballages pour la grande distribution
Elle emploie une cinquantaine de personnes qui profitaient jusqu’alors de contrats aidées pour les bas salaires. Les nouveaux barèmes ne lui profitent pas, mais lui permettent de retomber sur ses pieds. Ses prix de vente HT ne changent donc pas, le TTC n’ayant aucune importance pour son client, qui récupère la TVA.
Conclusion : La TVA sociale profite principalement aux corps de métier qui ne profitaient pas déjà des réductions de charges, aux grandes entreprises et à celles qui ne travaillent pas dans la distribution. Toutes les autres augmenterons leur prix. Mathématiquement.
Avec l’effet boule de neige que l’on peut imaginer.
Toute la difficulté des chefs Shadocks sera donc de faire voter cette loi au bon moment avant les élections, pour qu’elle possède un léger effet de détente chez les salariés, un effet rayonnant sur leurs patrons, et que les effets dévastateurs ne se mettent en route qu’après les élections.
Quand on ne sait pas où on va, il faut y aller... et le plus vite possible ! (1)
Passons maintenant à la mise en œuvre de la TVA sociale.
Détourner de pareilles sommes (7), du portefeuille des français donne à réfléchir.
Dans une période ou l’on ne parle que soucis d’économies à réaliser et de furieuses dettes à payer, ce petit matelas est en réalité une manne totalement providentielle.
Le détournement de la TVA sociale vers un « réservoir budgétaire » est une chose courante pour les services fiscaux. L’exemple le plus connu en matière de détournement est celui de TVA sur les tabacs et alcools rebasculée vers la protection sociale pour compenser les cadeaux d’allègement de cotisations faits aux entreprises.
Dans ce cas précis, ce réservoir budgétaire aura de multiples fonctions dont les plus officielles seront de répondre soit à des objectifs allocatifs, soit à des objectifs redistributifs.
Dans le cas de la TVA sociale à la Française, et sur ce point, ayons confiance, nous serons bien plus souples que les allemands, l’état Shadock aura le droit de jouer avec son petit tuyau branché sur la pompe à finances, et arroser l’une ou l’autre des cases qui aura bien choisi.
Ceci de deux manières :
Soit en délivrant des allocations ponctuelles selon son bon vouloir, par exemple pour rassurer des syndicalistes énervés, soit pour combler les trous des cadeaux qu’il aura fait aux employeurs, et boucher un peu ceux de la protection sociale des salariés qu’il aura également attaquée.
Avec l’immense avantage, de pouvoir gérer la dilapidation de ses écus, comme bon lui semblera, ou de guérir les écrouelles pour qui le méritera.
L’autre avantage non moins pratique, sera de porter immédiatement cet impôt dans les ressources de l’état, qui verra de ce fait l’échec de son bilan calamiteux s’amoindrir, et lui confèrera un petit plus de trésorerie non négligeable.
Petites risettes également aux banques et notateurs dévots, qui feront cette fois-ci broder d'or les trois lettres A sur le costume du grand chef Shadock, et grande claque dans le dos d’Angela Dorothea, cheftaine des Shadocks allemands, qui en gloussera de bonheur.
La dernière manœuvre est celle de la destruction claironnée de la protection sociale du travail.
Car c’est bien en fait, l’aspect le plus noir de cette mesure.
Avec cette TVA soit disant sociale, il ne s’agit pas simplement pour le grand chef Shadock et sa clique, de se renflouer, de faire plaisir aux patrons, ou d’arroser de quelques miettes les Shadocks pompeurs en les priant de ne pas être indécis sur leur prochain vote.
Il s’agit de mettre en place une machine de guerre infernale ayant pour but la destruction de tout le système social de protection du travail construit depuis 1946, et de la privatisation de la totalité du système médical.
Comme le dit fort justement Jean-Luc Mélenchon, la TVA sociale est le cheval de Troie destiné à disloquer le système de la solidarité dans le lien social.
En devenant le pourvoyeur principal des organismes sociaux, le gouvernement Shadock pourra enfin en prendre le contrôle total, en expulser les derniers insoumis, détricoter petit à petit la totalité de ce qui s’y est construit si laborieusement et en tant d’années, commencer à placer les unes après les autres, les officines privées destinées à les massacrer, et organiser savamment leur naufrage institutionnel et financier terminal.
Après :
« De la TVA sociale, ou comment faire rentrer le dentifrice dans le tube avec un marteau piqueur »
et « TVA Sociale… la TVA des Shadocks ».
… Ne loupez pas le prochain épisode :
« No TVA, mode d’emploi » !
Cet article est dédié à la mémoire du grand Jaques Rouxel, publiciste, dessinateur, animateur, humoriste, citoyen adorable et papa des Shadocks
Notes diverses :
(1) Proverbe ou commentaire Shadock
(2) Il est amusant de constater que le discours de l’état, représenté dignement par votre percepteur local, prétend que cette faute est grave, parce que les commerçants volent alors l’argent des particuliers. Ce qui suppose en réalité que l’état, pas très sûr de lui sur ce coup là, reconnaît que tant que cet argent n’a pas atterri dans sa poche, il appartient bien toujours à celui qui vous l’a donné. C’est exactement la définition d’une morale d’aigrefin.
(3) Karl Marx, (1818-1883), philosophe, économiste, et dangereux trublion.
(4) Les amoureux des lettres latines préfèreront le mot « réification »
(5) Le classement de la TVA dans la catégorie d’un impôt indirect, est un non sens absolu.
Il suppose qu’il soit payé par quelqu’un d’autre que vous. Ceci est donc parfaitement vrai pour les entreprises, qui le payent dans leurs achats, et le déduisent de celle collectée sur leurs ventes, mais parfaitement faux pour les particuliers, qui se le prennent en plein dans les gencives. D’où cette association « indirect = indolore », qui précise bien la négation artificielle de cet impôt dans le processus de valorisation de la marchandise.
Ce classement est hérité d’une classification ancienne parfaitement illustrée par la gabelle, impôt sur le sel, qui fit se soulever au XVIème siècle trois provinces françaises, puis partiellement abandonnée, après un terrible bain de sang, puis vite rétablie, et supprimée enfin en 1946, après mille années d’existence, et donc quelques mois avant l’invention de la TVA…
Son aspect indirect en était le suivant : Personne n’ayant le droit d’exploiter ou de vendre le sel, et tout le monde ayant besoin de sel pour conserver ses aliments, il fallut donc en acheter aux puissants, puis au roi, puis à l’état français, qui s’en servaient comme une levée d’impôt complémentaire.
Le clergé et les officiers royaux en étaient dispensés, preuve que la niche fiscale et les chiens de garde de l’état ne sont pas des inventions modernes.
(6) Il est une distinction de taille dans le langage économique, faite entre les dépenses dites pré-engagées, non re-négociables ou très difficilement, … et celles, les autres, diverses, non catégorisées, et que nous appellerons « de convenance ».
Eléments incluant malgré tous l’acquisition des denrées comestibles, choses en théorie incompressibles, sauf panique corporelle, mais considérés toujours dans notre société, et par anorexie morale sans doute, comme un élément vis-à-vis duquel chacun est censé rester libre du choix de son abstinence alimentaire.
La grande différence se situant au niveau de l’état, puisque les dépenses pré-engagées créent des dettes, donc des dossiers de surendettement coûteux, alors que les autres ne nécessitent que des trous supplémentaires à se percer à la ceinture.
(7) Environ 23 milliards d’Euros si 3 points de plus, et uniquement pour l’augmentation sur la TVA dite « normale »
(8) Nous avons expliqué en quoi la TVA était un impôt fondamentalement inégalitaire. Dans le langage économique bon teint et moderniste, qui fuit comme la peste les attributs moralistes, mais qui conçoit encore l'état tel Saint-Louis, on préfère dire qu’il est anti-redistributif.
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