Un éléphant blanc pour le jumelage de NDDL
« Au début des années 1960, les responsables économiques décident de développer un véritable aéroport, de manière à faciliter les relations d'affaires [...] » Jusque là tu connais la chanson. Elle a souvent servi.
« [...] mais il faut attendre le début des années 1970, pour qu'un projet solide voit le jour, alors qu'un tel service existe depuis des années dans les trois autres chefs-lieux de département [...] » Tu connais la chanson. Vous êtes rétrogrades alors que vos voisins sont modernes avec tous leurs zaéroports ! Le chantre oublie de préciser qu'avec dix zaéroports — rien que ça ! — autour et dans le département, pas un seul citoyen n'est à plus d'une grosse demi-heure heure de l'un d'eux !
« Cette lenteur a certainement favorisé l'importance de l'opposition à sa réalisation [...] » Ce n'est pas son inutilité, son coût pharaonique et la destruction de terres agricoles...
« Les opposants [...] brandissent une argumentation [...] qui ne paraît guère convaincante : l'aérodrome ne bénéficiera qu'à un petit nombre de privilégiés, de patrons, et non à la masse des habitants [...] » Ben ouais, toi aussi, tu prends l'avion tous les jours pour aller pointer à l'usine, au bureau ou à Pôle-Emploi.
« [...] il manque une vision réaliste des choses, une compréhension des réalités économiques du monde actuel, de la hiérarchie des urgences économiques. » Le chantre n'a pas de mots assez durs pour flétrir les opposants à cet aéroport et les braves gens qui n'entonnent pas la chanson du progrès.
Tiens, je te remets quelques louches de sa touchante compréhension de ceux qui ne pensent pas comme lui : « cette lenteur dans la prise de conscience [...] ce repli frileux sur soi, sur ses habitudes, sur ses intérêts particuliers à courte vue [...] une insuffisance de dynamisme économiquement suicidaire [...] son insuffisance d'ouverture d'esprit à ce qui se passe autour de lui [...] » Les opposants à un nouvel aéroport ne sont pas loin d'être des demi-débiles...
Tu ne l'as peut-être pas deviné mais il n'est pas question de Notre-Dame des Landes et cela n'a pas été écrit voici peu mais en 1986 à propos de l'aéroport de Brie-Champniers près d'Angoulême en Charente.
On pourrait continuer à citer ces propos de bistrot juste avant la fermeture vespérale mais il est plus intéressant de savoir ce qu'est devenu l'aéroport de Brie-Champniers.
Des mécréants doutaient fort que l'aéroport allait « accroître les atouts de l'agglomération ». Les Paysans Travailleurs (des ancêtres de la Confédération paysanne), des syndicats ouvriers, la gauche dont le Parti socialiste, ont manifesté, occupé les lieux. En pure perte.
Ouverture de l'aéroport en 1984. Au début vols réguliers vers Paris et Lyon. Le contribuable paie le déficit d'exploitation de l'aéroport sous-utilisé. Puis la SNCF supprime les passages à niveaux de la ligne Paris-Bordeaux, c'était prévu de longue date, et les vols réguliers vers Paris se font bouffer aussitôt par le train. L'offre ne crée pas la demande... Reste la destination Lyon. Le contribuable paie le déficit d'exploitation. Puis la compagnie aérienne bat de l'aile et cesse son activité à Angoulême. Le contribuable paie le maintien en survie de l'aéroport.
Après un temps mort on finit par appâter Ryanair, compagnie aérienne à bas coût. Qui demande et obtient un million et demi d'euros de travaux. Financés par le contribuable. Qui demande et obtient huit cent mille euros d'aides marketing pour faire voler ses navions. Payés par le contribuable. Mais c'est pas assez et, après quelque temps d'exploitation, Ryanair demande encore cent cinquante mille euros de plus. Le Conseil général de la Charente trouve que ça commence à faire trèèèèèèèèèèèès beaucoup et refuse.
Ryanair, fâché, part sans prévenir. Le contribuable, bon enfant, paie à nouveau l'entretien d'un aéroport qui sert aux corbeaux et parfois à quelques planeurs ou avions de tourisme. Les éléphants blancs ne sont pas l'apanage de contrées africaines pillées par Bolloré.
Aujourd'hui on a trouvé Flybe, une compagnie à bas coût, qui devrait ouvrir une ligne en 2013. Pas toute l'année, faut pas rêver, juste durant la saison touristique. Vers l'Angleterre. Ou peut-être l'Irlande. On ne sait pas encore. Mais ce qui est sûr c'est que le contribuable devra encore payer les aides marketing demandées. Et l'entretien de l'aéroport.
Tu me diras que plaie d'argent n'est pas mortelle. Surtout si ça développe l'économie et que ça stimule la croissance. Aie ! Ouille ! Ouh, là aussi docteur, ça fait mal ! L'aéroport a été bâti pour des entreprises pleines d'avenir, porteuses de croissance et pourvoyeuses d'emploi... aujourd'hui toutes défuntes après avoir défrayé la chronique sociale par leurs licenciements massifs. Et, réponse subsidiaire à la question que tu n'as pas posée, elles n'ont pas été remplacées par de prometteuses jeunes pousses.
Le jour où l'on décidera de fermer Brie-Champniers — et ça viendra car la planète entière se demande bien ce que la France peut foutre de cent cinquante aéroports ! — le contribuable paiera encore parce que le terrassement pour en refaire des terres à blé ne sera pas gratuit.
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