Un plan pour le haut-commissaire : faire plutôt que faire faire
Depuis le 3 septembre dernier, la France s’est dotée d’un Haut-Commissaire au plan en la personne de François Bayrou. Sept recrutements et un an de relatif immobilisme plus tard, l’auteur avance une ambition : faire plutôt que faire faire. Car le constat est sans appel au 21e siècle : l’industrie en France pèse 12% du PIB, soit moins de la moitié de ce que l’on observe en Allemagne. Parallèlement, un quart des jeunes français sont sans emploi, contre 8% des jeunes Allemands. Accessoirement, on serait tenté d’ajouter que les régions post-industrielles sont celles qui subissent le plus de chômage et où l’on observe le plus de votes extrêmes ou d’abstention. Et si cela ne suffisait pas, ajoutons que le déficit extérieur de la France est passé de 0 € en 2000 à 65 Mds € en moyenne en 2020. Inutile de préciser que la Chine, elle, a connu en 2020 un excédent commercial record depuis 40 ans. Autrement dit, en ne produisant presque plus autre chose que des services, la France s’appauvrit chaque année de 65 milliards d’euros au profit d’autres pays du monde et n’offre pas au quart de sa jeunesse le travail qu’elle lui doit. Cinq pistes de travail pour redevenir un pays faiseur.
Créer cinquante campus de « jeunes compagnons »
Il faut donner envie à plus de jeunes d’être maçon, horticulteur, chaudronnier, ébéniste, tisseur, fraiseur, métayer ou décolleteur. Les formations pour ces emplois doivent devenir encore plus attractives. Car la formation est un préalable indispensable à la réindustrialisation du territoire. En créant cinquante campus de « jeunes compagnons » (CJC) répartis sur l’ensemble du territoire, les jeunes de 15 ans et plus pourraient être pris en charge pendant 1, 2, ou 3 ans sur le même site. Les fédérations professionnelles, l’Education nationale et les Régions pourraient s’associer pour créer ces établissements. Ce modèle pourrait d’ailleurs s’étendre aux trois grands corps de sécurité de l’Etat que sont les pompiers, la police et l’armée avec les campus de la République française (CRF). A partir de 15 ans et jusqu’à 21 ans pour y entrer (après un bac général par exemple), on y développerait de nombreuses compétences professionnelles et même sociales en quittant son logement familial pour un encadrement semi-professionnel. Pour les professionnels en activité, la transmission devient une opportunité de fin de carrière ou une reconversion, temporaire ou définitive.
Promouvoir la démolition et la récupération de matériaux
Qui ne s’est pas interrogé à la vue d’un programme immobilier surgir au milieu d’un champ alors que les villes françaises comptent autant de dents creuses que d’immeubles insalubres ? Evidemment, la réponse est économique car cela coûte plus cher de partir de quelque chose plutôt que de rien. Vauban veut affirmer le contraire : démolir un immeuble, c’est produire de la richesse. En soutenant les projets de démolition et de récupération des matériaux, la France serait efficace et fidèle à elle-même : un pays ingénieux et conservateur de son environnement. A Saint-Etienne, le maire Gaël Perdriau (LR) s’est saisi du problème à bras le corps en détruisant les immeubles insalubres et en en faisant même un objet de communication politique originale. La démolition de 2 000 logements indécents y est prévue d’ici 2025. Il faut absolument soutenir financièrement et juridiquement ces initiatives, car c’est une vraie solution pour de nombreux territoires de notre pays. En faisant place nette dans nos territoires déjà urbanisés, on peut reconstruire un immeuble, créer une école ou un jardin, implanter une entreprise : dans tous les cas, à chaque fois on crée de l’emploi local et donc de la richesse.
Structurer une filière nationale d’énergie circulaire autour de l’agropellet :
En France, on n’a pas de pétrole, mais on a une magnifique agriculture qui produit des résidus que l’on sait désormais valoriser (pailles de blé, colza, tournesol, lin, chanvre, vigne…). En face de cela, nous près de 4 millions de foyers qui se chauffent au fioul, sans parler des immeubles de bureaux qui animent l’économie de nos territoires. Une filière est née depuis dix ans mais doit désormais être soutenue pour répondre à des besoins de très grande échelle. Car les avantages sont nombreux. La France deviendrait sensiblement plus indépendante et créerait un cercle vertueux. Car de l’agropellet en France, nous en avons potentiellement partout : dans nos champs, nos forêts, nos plaines. En entamant un travail sur les dix prochaines années, la France à l’occasion d’être pionnière en Europe, en structurant une filière complète d’énergie circulaire. Seuls les cendres issues de cette combustion n’ont pas encore trouvé d’utilité. Mais c’est déjà le résidu d’un résidu : nos chercheurs sauront trouver une solution. En combinant des investissements stratégiques avec nos géants mondiaux comme Engie ou Total Energies, nous avons en tous cas les armes pour y parvenir.
Restructurer une filière textile-habillement en France
N’importe quel consommateur a désormais compris que la confection intégrale de nos vêtements n’était pour ainsi dire pas possible en France. Plusieurs entrepreneurs se saisissent du problème, mais l’écosystème ne leur permet pas d’y parvenir aussi facilement qu’ils le devraient. Pourtant leur effort est d’intérêt général. Il y a vingt ans, les industries combinées du textile et de l’habillement représentaient en France 330 000 emplois. Aujourd’hui, on en compte à peine plus de 50 000. Parmi nos plantes indigènes, nous avons le lin et le chanvre qui étaient cultivés partout en France voilà encore un siècle. Même l’ortie peut devenir textile, certaines entreprises s’étant lancées. Et pourtant, nous sommes toujours tournés vers une industrie du coton standardisée, très gourmande en eau (comme en souffrance humaine dans beaucoup de pays) et qui plus est, peu créatrice de richesses en France. Aujourd’hui, on ne produit plus de fibre de lin en France car atteindre la rentabilité demande trop d’effort aux entrepreneurs. Voilà un travail pour l’Etat ! En restructurant une telle filière, la France peut retrouver sa singularité et même conquérir un marché européen de 700 millions de consommateurs. Si l’Etat se met au service des entrepreneurs du secteur, le prochain Zara sera local et Français.
Assainir le service public de la santé
C’est LE patrimoine des Français, ce que la planète nous envie(rait), ce dont nous sommes collectivement le plus fiers, mais aussi – blessure d’orgueil – ce qui ne nous a pas protégé du Covid. Entendons-nous : les professionnels de santé ne sont pas en cause, plutôt certains esprits comptables qui auront pu manquer de vision d’ensemble depuis les années 2000. La France compte 32 CHU (ou CHR) sur son territoire métropolitain. Leur déficit annuel total s’élèverait autour du milliard d’euros. Les lecteurs pardonneront cette imprécision de la part d’un non technicien, qui a vu plusieurs chiffres oscillant entre 600 millions et 2 milliards d’euros par an. En revanche, ils liront le décalage qui existe entre ce déficit et le coût officiel de la crise du Covid en France : 424 milliards d’euros sur trois ans selon le ministre des Comptes publics. Soit peu ou prou 400 ans de déficits cumulés des hôpitaux publics. Faut-il rappeler que c’est la seule incapacité des hôpitaux à prendre en charge un soudain afflux de patients qui justifie les efforts que le peuple consent à fournir dans la lutte contre l’épidémie ? En cette matière d’argent public, il est intéressant de se souvenir que le gouvernement a pris à sa charge (= à la charge des Français) 25 milliards d’euros de dette de la SNCF en 2018. Résultat ironique de l’opération trois ans plus tard : les trains voyagent à vide pour cause d’épidémie (ce qui va augmenter les dettes de la SNCF), et l’hôpital ne parvient pas seul à protéger de cette épidémie. Un choix s’impose alors : remettre nos valeurs en ordre en s’attaquant aux racines du problème ou continuer à regarder notre maison brûler ?
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