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Un trust sur l’eau en France ? 5 indices qui ont alerté Bruxelles

Le 13 avril 2010, les inspecteurs du service anti-trust de Bruxelles débarquent dans les locaux de plusieurs grandes entreprises de l’eau : Véolia, Suez, Saure et la Lyonnaise des Eaux.

 Leur objectif : confirmer d’éventuels soupçons à propos d’une entente sur les prix de l’eau en France. 

Car cela fait des années que différentes enquêtes mettent en lumière des pratiques opaques sur la facturation de l’eau en France. 

Voici 5 indices qui ont pu mettre la puce à l’oreille de Bruxelles :

1/ Marché concentré 
 
A eux trois, les grands distributeurs concentrent 70% du marché : Véolia alimente 39% de foyers français, Suez 20% et la Saur 11%, le reste des logements étant alimenté par des régies publiques.
 
Cerise sur le gâteau, pendant des années, les leaders de l’eau se sont partagés des villes comme Marseille, Lille, Nancy, Arles ou Saint-Etienne, en gérant l’eau de ces villes via des filiales communes.
 
C’est pour cela que Bruxelles cherche à savoir si un écart entre prix réel et prix facturé ne se serait pas creusé faute de concurrence.
 
2/ Des marges "ubuesques" selon Que Choisir
 
Depuis 2007, l’association Que Choisir dénonce des marges ubuesques pratiquées par les distributeurs dans certaines villes.

Les chiffres sont accablants : une enquête du mensuel avait révélé des taux de marges de 50% à Marseille, à Bordeaux et dans 144 autres communes d’Ile de France gérées par le Sedif.

Les distributeurs bénéficiaient également de taux de marge supérieurs à 40% à Lyon, Toulouse et Montpellier. A Nice des confortables marges étaient comprises entre 30 et 39% alors que Lille et Nancy affichaient des taux de marges compris entre 25 et 30%.

Pour l’association, il existe bien un jackpot de l’eau sur les grandes villes.
 
3/ Un prix officiel sous-estimé
 
Et encore, ces prix ne concernent que le prix du mètre cube. A la facturation de la consommation, s’ajoute une part fixe comprise d’abonnement et de redevances.
 
Coût estimé par la Confédération Logement et Cadre de Vie (CLCV) : entre 85 euros et 150 euros annuels selon les communes.
 
Conséquence : le prix d’abonnement conduit « les statistiques officielles à sous-estimer le prix réel de l’eau », estime la CLCV.

Ainsi, le prix moyen du mètre cube acquitté par les français, charges fixes comprises, serait de 3€56. Soit 18% plus cher que le prix officiel !
 
4/ Opacité sur les prix

60 millions de consommateurs a également constaté cette année que seulement 3% des collectivités ont renseigné le tarif de l’eau en vigueur dans leur commune auprès de l’ONEMA.

Problème : la loi les oblige à communiquer ces prix pour nourrir une base de données nationale….

Un tel manque de transparence conduit 60 millions à dénoncer l’opacité des tarifs et les disparités régionales. Aujourd’hui, le prix du mètre cube d’eau varie de 1 à 7 selon les zones en France.

Et le prix moyen de l’eau a augmenté de plus de 50% depuis 1994 !

Mais au-delà du simple aspect financier, on se rend compte que ces augmentations du prix de l’eau sont induites par une gestion à courte vue des ressources.

Pour exemple, 1 litre d’eau sur 4 se perd aujourd’hui dans des canalisations crevées. Or bien souvent, l’usager paye cette eau qui ne parvient même pas à son robinet…

Pire encore, certains travaux financés par les mairies ne sont pas réalisés par les distributeurs, si l’on en croit Jean-Luc Touly responsable de l’eau à la Fondation Danielle Mitterrand.

L’agglomération de Bordeaux a ainsi obtenu la restitution de 276 millions pour des travaux non réalisés. La ville de Lyon a récupéré 96 millions d’euros.

Réclamer la transparence des prix, c’est aussi contrôler l’usage des 14 milliards d’euros annuels versés par les français pour financer leurs besoins en eau.
 
5/ Plongée en eaux troubles 
 
Cela fait pourtant des années que l’on sait que les distributeurs évoluent dans une zone grise. Plusieurs rapports de la Cour des Comptes en 2003, 2010 et 2011 ont d’ailleurs émis des avis très critiques sur la gestion de l’eau à la « française ». L’autorité de la concurrence avait aussi dénoncé dès 2002 de sérieuses dérives dans le secteur.
 
Reste à savoir, si ce manque de concurrence a réellement aboutit à une entente sur les prix, accusation généralement très difficile à établir. 
 
Bruxelles rendra son verdict dans quelques mois. Si les commissaires parviennent à étayer leurs soupçons, les entreprises françaises de l’eau risquent une amende dont le montant peut représenter jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires…

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4 réactions à cet article    


  • zelectron zelectron 3 mars 2012 17:55

    et comment nos élus toutes tendances confondues (c’est le bon mot) vont-ils pouvoir financer leurs campagnes et préparer l’avenir des enveloppes destinées exclusivement à leur bonnes œuvres ?


    • Laury 3 mars 2012 18:31

      Merci a l’auteur pour ce rappel que nos candidats ne pourrons ignorer !!
      Non zelectron cela ce fesait dans le passé maintenant « l’eau est limpide »


      • joelim joelim 3 mars 2012 20:42

        10% de leur chiffre d’affaires... A mon avis même si ça allait jusque là ils n’auraient rien à regretter financièrement parlant (tout ce qui compte pour eux)... C’est dire l’état de putréfaction du système.

        C’est étonnant que Bruxelles se penche sur la question. Comment ils ont le temps avec leurs dossiers pour commercialiser les OGMs ?

        A mon avis les compagnies d’eau ont oublié d’investir dans les relations publiques (lobbies) à Bruxelles, comme font tous les autres...

        • Ruut Ruut 5 mars 2012 09:43

          C’est l’effet normal de la privatisation.

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Oh Long Johnson

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