Une autre mondialisation est possible
L'impact économique, social et environnemental va se faire ressentir bien au delà de la fin de la crise sanitaire et nous faire entrer dans une nouvelle ère pour laquelle nous manquons de savoir faire. Nous devons nous interroger sur les mutations incontournables que devrait subir le système économique mondial. Des changements structurels sont nécessaires. Quels sont-ils ?
Le retour de l'Etat stratège,
au travers de plans de relance ambitieux dont la mise en œuvre doit s'étendre sur plusieurs années et dont les principaux axes sont en France la transition écologique, la compétitivité la cohésion sociale et l'aide aux PME/TPE en difficulté. On observe aussi une situation de sous investissements en matière d'infrastructures publiques auxquelles il faudrait remédier. Il est urgent que l'Etat réalise des investissements et des dépense en matière de santé, éducation, formation, recherche fondamentale et innovation (Capital développement).
Si les outils de politique industrielle sont faciles à adapter aux grandes entreprises internationalisées, un grand nombre de PME confrontés à des risques de solvabilités à court terme y échappent ( Tourisme, commerces de proximité …). De par leur rôle vital dans le tissu économique, il convient de prolonger les actions structurelles d'endiguement des faillites des TPE/ PME en améliorant la gouvernance de l'action publique par un meilleur ciblage des critères d'aide en intervenant à différents niveaux, local, régional et national au travers de « Pôles de compétitivité et de territoires d'industrie. » L'Etat doit aussi intervenir en matière de régulation capitalistique face aux tentatives de prises de contrôle prédatrices dans des secteurs stratégiques et concurrentiels : aéronautique, automobile, ferroviaire et ceux liés à la transition écologique.
La politique industrielle européenne a choisi de se décarboner par rapport au reste du monde, elle devrait aussi se donner comme principal objectif la préparation du système de santé au retour des pandémies dans un tissu productif qui ne ressemblera pas à celui du passé. L'Europe n'a pas su créer des entreprise de l'information d'une taille suffisante, créant ainsi une dépendance technologique vis à vis du reste du monde. Le capitalisme transnational de l'information( GAFAM) « a de longue date maitrisé le e-commerce, le télétravail. La distanciation physique est au cœur de son modèle productif et les mesures de confinement lui permettent de conquérir rapidement des clients. »(1)Ainsi , pour remédier aux situations de monopole occupées par les entreprises du digital, il apparaît nécessaire de rétablir la suprématie de la puissance publique sur l'économie avec le retour d'un Etat stratège, garant de politiques industrielles pérennes et efficaces.
Plans de relance ambitieux
Pour faire face à la violence du choc conjoncturel provoqué par la pandémie, des plans de relance ambitieux ont été lancés dans les pays développés.
Aux Etats-Unis, un plan de 1900 milliards de dollars a été adopté sous la présidence de Joe Biden, il devrait permettre une augmentation de la production de 3 à 4 % au cours de cette année, mais le montant important consacré aux aides individuelles (410 Milliards) suscite de vives inquiétudes à propos de la résurgence de poussées inflationnistes.
En France « France Relance » dispose de 100 milliards d'Euros pour accompagner notre économie à moyen terme, articulé autour de la transition écologique, la compétitivité et la cohésion sociale au travers de la mise en place de l'activité partielle de longue durée.
Le plan de relance européen de 750 Milliards d'Euros comprend un important volet investissements destinés au numérique et à la décarbonation de l'économie. C'est le retour d'une politique industrielle européenne bienvenue dans des secteurs clés, face à la course à la puissance entre la Chine et les Etats-Unis.
Soulignons ici que les pays du sud de l'Europe (Italie, Espagne, Grèce, Portugal) ont été plus affectés par l’effondrement de l'activité de par la faiblesse de leur tissu industriel et du poids du secteur du tourisme, ce qui va aggraver les divergences entre les pays du Nord et du Sud de la zone Euro. Enfin on a constaté une plus forte perte d'activité en Europe par rapport au reste du monde avec un recul des investissements des entreprises un grand nombre d'entreprises potentiellement défaillantes ( PME de Services) de par la hausse de leur endettement, l'augmentation des créances douteuses (faillites) des bilans bancaires qui se dégradent dangereusement la baisse continue de la marge d’intérêt des banques.
Enfin, l'Europe n'a pas " été capable de mettre en place une stratégie ( traçage-isolement) semblable à celle de l'Asie. Il va en résulter une perte importante de croissance par rapport aux autres régions."nous dit Patrick Artus (2)
Entreprises - Secteurs exposés / Secteurs protégés
En France on a constaté un choc d'activité massif dans le secteur des services tels que l’hôtellerie-restauration, les services à la personne (gestes barrières), le commerce saisonnier, les transports aériens repliés sur la clientèle nationale, et la culture difficilement quantifiable. La contagion sectorielle s'est propagée dans l'économie réelle en on a observé en 2020 un recul de 8, 3% du PIB, essentiellement dû à une désorganisation de chaines de valeur dans la production manufacturière, ainsi qu'un effondrement de 41% des recettes touristiques. Seuls les secteurs de l'agro-alimentaire, du luxe, de la pharmacie ont été peu affectés.
Le secteur des technologies de l'information est confronté au manque de salariés qualifiés, créant une dépendance préoccupante vis à vis des GAFAM anglo-saxonnes. Plus généralement la concentration de pouvoir économique se renforce au niveau du capitalisme transnational de l'information, face à des Etats-nations devenus faibles.
D’où la nécessité de cesser de pérenniser des entreprises qui continueraient à considérer les biens communs que sont la santé et l'environnement comme extérieurs à leur champ d'action. L'économie a négligé les couts sociaux liés à l'extraction des ressources naturelles (eau, énergies) et les couts sociaux liés à leur utilisation (émission de CO2, pollution des cours d'eau), il est temps d'y remédier.
Comment la pandémie va creuser les inégalités dans les pays émergents et en développement ?
Les grands oubliés des efforts de relance restent les pays les moins avancés dont certains en Afrique à l'exemple de la Zambie, en Amérique du Sud, en Asie du Sud sont au bord du défaut de paiement. D'après une étude récente du FMI, les travailleurs à faible revenu ont des difficultés à recourir au télétravail et risquent de perdre leur emploi. Les progrès réalisés sur la réduction des inégalités depuis 2008 pourraient être effacés, et menacer l'accès au bien-être de la population avec un accroissement induit de la pauvreté. On observe aussi un taux d'épargne faible chez les émergents. Tous ces pays ont des besoins d'aide humanitaire de plus en plus préoccupants.
Que faire ? Construire un socle de protection économique et social planétaire visant à une solidarité entre gagnants et perdants de la mondialisation et restaurer ainsi les grands équilibres macroéconomiques. Il convient d'éviter aux pays en développement de plonger dans des situations de récession insoutenable, renforçant les inégalités sur fond de chômage endémique. Les débats actuels n'abordent pas non plus les problèmes de financement des investissements de ces pays qui manquent de devises fortes et sont quasiment absents des instances de prises de décision internationales.
Face au choc d'une brutalité sans précédent que nous traversons un plan de reconstruction économique, social et environnemental est possible... il reste à le mettre en œuvre avant que les vieilles idées protectionnistes ne repartent à l'offensive.
(1)Robert Boyer, Les capitalismes à l'épreuve de la pandémie, 2020
(2)Natixis Flash Economie 102 , Février 2021
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