Vers un défaut grec : Urgence !
Si un accord sur la mise en oeuvre du plan de sauvetage de la Grèce s'était fait comme prévu pour le 31 janvier, les médias l'auraient claironné à tout vent. Comme la situation est tendue, voire hypertendue, le silence est d'or !
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Pourtant, ce samedi 4 février, le président de l’euro-groupe, dans une interview rapportée ce dimanche par Der Spiegel, a menacé la Grèce de mettre fin aux aides de l’Europe si elle ne mettait pas en œuvre les réformes nécessaires. « Cela signifie, a-t-il ajouté, qu’en mars le Défaut sera déclaré. » Les négociations sur la mise en œuvre du plan d’aide à la Grèce – qui pour suivre le calendrier idéal devait se terminer avant le sommet européen du 30 janvier – ont été très ardues cette semaine. Les créanciers veulent que le plan soit cette fois réaliste et définitif. Dans ce but, on a parlé d’étendre la réduction de la dette grecque de 100 à 170 milliards d’euros, dont 147 seraient pris en charge par les créanciers privés et 23 par les autorités publiques (les États). Mais les négociateurs ont exigé en contrepartie de nouvelles économies de la part de l’État grec. Non sans problème : les divers partis devraient pour ce faire avaliser notamment le licenciement, d’ici 2015, de 150.000 fonctionnaires. On comprend que cela ne se fera pas sans mal. Or la question est urgentissime. On prend du retard et l’État grec doit absolument disposer de 14,5 milliards d’euros le 20 mars.
En mai 2010, pratiquement 100 % de la dette grecque était privée, alors qu’elle serait désormais publique à 50 %. Difficile à préciser toutefois, puisque des obligations ont été déposées « en garantie » à la BCE, mais à quel cours ? De toute manière, on peut dire que les affaires se présentent bien pour les banquiers et assureurs (CDS) puisque leurs charges n’arrêtent pas de se « volatiliser », celle des États, par contre, de s’alourdir. En voulez-vous la preuve ? Dès vendredi 3 février, le déficit de la France prévu pour 2012 a été revu à la hausse de quelque 6 milliards d'euros, à environ 85 milliards, en raison de la dotation au fonds de secours permanent de la zone euro. Comment la France tiendra-t-elle ses engagements de réduction de ses déficits à 4,5% ? Bercy vous tiendra personnellement au courant (par envoi sous enveloppe plastifiée !)
Tant du côté des États que du côté des Financiers, de plus en plus de voix se font entendre en faveur d’un DÉFAUT. La tentation est grande… d’une part parce que certains en tireraient de gros profits, d’autre part parce qu’elle « débloquerait » la situation actuelle où s’amorce une vaste récession (3). Y cédera-t-on malgré les risques immenses qui y sont associés ? Les Grecs poussés à bout obligeront-ils États et Phynance à adopter cette solution ?
Des éléments extérieurs pourraient y contribuer. Cette semaine toujours, le Portugal s’est invité un peu plus pour le prochain épisode de la série « Urgences ». Jeudi 2 février, le rendement de l'emprunt portugais à dix ans ayant dépassé 17 %, alors que celui sur la dette à deux ans ressortait à plus de 20 % (1). La BCE s'est vu contrainte d'intervenir pour acheter de la dette portugaise sur le marché secondaire. Palliatif, mais le Portugal a besoin d’une action concertée qui éviterait que le scénario y prenne le même cours que la tragédie grecque. Les Européens ont-ils le temps de s’y intéresser alors que tout l’effort doit être mis sur le casse-tête grec… ? Et veulent-ils (ou peuvent-ils) faire autre chose que de rester braqués sur la seule et sacro-sainte urgence, divinité du monde moderne ?
Trois petits rappels me semblent importants au regard de certaines réactions ou commentaires :
- La dette des États n’a rien à voir avec la balance commerciale. Celle-ci constate le rapport entre les importations et les exportations d’un pays. Quand on parle de la Dette souveraine, il s’agit bien de la Dette de Monsieur ou Madame « État français », par exemple ! Cela n’a donc rien à voir avec le fait que notre industrie est délocalisée, etc. On parle de finances publiques.
- La monnaie euro n’est pas menacée. Contrairement aux affirmations claironnées à hue et à dia, le défaut d’un État de la zone euro n’impliquerait en aucune façon l’éclatement de la zone euro. Les Grecs déclarés en défaut pourraient continuer à fonctionner en euro (pour autant qu’il leur en reste, ce serait plutôt ça la question !). Je ne vois pas où se situerait le problème pour l’euro. D’aucuns agitent la menace sur l’euro pour diverses raisons : les Américains pour focaliser le problème de l’endettement ailleurs que chez eux, alors qu’il pourrait d’ici peu leur sauter à la figure (2) ; les politiciens européens pour claironner bien fort qu’ils ont « sauvé l’euro » ; les « monétaristes » pour focaliser la crise économique sur la question monétaire et faire fonctionne la planche à billets. Comme cet ensemble de personnages disposent des médias, ceux-ci parlent unanimement de la « crise de l’euro ».
- Les Grecs n’ont pas besoin de notre mépris ou de nos quolibets. Nous sommes exactement dans la même situation qu’eux. Nous avons donc le plus grand intérêt à apporter tout notre soutien au peuple grec, car tout ce que les accords entre les États et la Phynance réussiront à conclure sur le dos du peuple grec aujourd’hui, tout cela vous le retrouverez en France demain. Ce n’est pas être altruiste que de soutenir le peuple grec, c’est être prudemment intéressé.
MALTAGLIATI
(1) Plus alarmant encore, le coût des CDS portugais est monté en flèche depuis la dégradation de la note du Portugal, relégué en janvier dans la catégorie des fonds dits « spéculatifs ».
(2) Rappelons les chiffres : 360 milliards d'euros de dette publique en Grèce ;
dette espagnole + italienne : 2 300 milliards d'euros ;
dette française + allemande : 3 700 milliards d'euros ;
dette américaine : 12 000 milliards d'euros. (Source : Olivier Berruyer)
(3) Les chiffres réels sur la situation économique américaine, loin d’anticiper une « sortie de crise », montrent la gravité du péril actuel et sa prochaine maturation. La question de 2012 est bien : qui va sauter en premier, de Chine, États-Unis ou Europe (par ordre alphabétique !)
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