Vous avez dit un point de croissance supplémentaire ?
La croissance, tout le monde est d’accord. Encore faut-il qu’il y ait un moteur à cette croissance. L’article propose que la lutte pour les économies d’énergie devienne le nouveau moteur de la croissance pour la France, pour l’Europe et, pourquoi pas ?, pour le monde.
Oui, la France est au pied du mur aujourd’hui ! On se réveille avec un peu la « g... de bois » après une certaine euphorie liée aux élections présidentielles, sorte de délivrance après une bonne dizaine d’années d’un parcours chaotique entre la cohabitation de 1997 à 2002 et une élection « par défaut » en 2002 (en témoignent les récents sondages sur la cote de popularité du président de la République et son Premier ministre).
Il nous faut de la croissance, c’est impératif si on veut résoudre, sinon complètement, au moins partiellement, la question de nos déficits (retraites, Sécurité sociale, budget en particulier) et si on veut donner du travail à nos jeunes et à nos seniors, là où les poches de chômage sont les plus aiguës.
La lutte contre le réchauffement climatique est certainement le secteur qui est de nature à apporter, en une seule fois, des solutions à une série de problèmes. Le problème du réchauffement climatique est sérieux et grave comme le montre le rapport sur « Les apports de la science et de la technologie au développement durable » Tome I intitulé « Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise » par MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier, sénateurs, sur la base d’une étude de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce rapport que l’on peut télécharger sur le site http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports/index.shtml souligne la gravité du problème et met l’accent sur l’urgence absolue de résoudre les gaz à effet de serre comme le gaz carbonique que nous rejetons dans l’atmosphère à partir de l’énergie que nous consommons.
Le chantier qui est immense est à peine entamé : la consommation moyenne d’énergie dans le secteur résidentiel par m² habité (toutes énergie confondues : chauffage, appareils électroménagers, eau chaude domestique, etc.) est actuellement de 210 KWh/an alors que l’objectif est de ramener cette consommation à 50 KWh/an en 2050 sous les effets conjugués de la contrainte de réduire les émissions de CO2 et de la hausse des coûts de l’énergie. Cela revient donc à faire baisser de trois-quarts la consommation d’énergie au quotidien dans nos maisons !
Les avantages de ce chantier pour l’économie française sont au moins au nombre de trois.
Techniquement des solutions existent, mais elles doivent sans doute encore être affinées pour plus d’efficacité et une meilleure performance : cela donne une chance à la recherche opérationnelle française en matière d’énergie pour trouver un créneau qu’elle a manqué en matière d’énergie éolienne et d’énergie solaire. En cela, le projet de budget pour 2008 est plutôt encourageant dans la mesure où il donne une priorité à la recherche universitaire dans un contexte généralisé de réduction des crédits.
En ce qui concerne le marché du travail, les heures de travail à mettre en œuvre pour faire les travaux nécessaires en vue de ces économies d’énergie ne peuvent faire l’objet d’une délocalisation : les maisons qui sont à réaménager ne peuvent faire l’objet d’un voyage en Chine pour y être traitées et revenir par la suite. Ce sera donc bien une main-d’œuvre française (toutes nationalités confondues) qui fera les travaux et les ouvriers consommeront, bien sûr, ensuite en France. L’effet d’entraînement sur le plan économique sera donc substantiel.
L’impact sur la balance des paiements sera important, durable et ira en augmentant. Face à la crise de notre balance commerciale dont le déficit ne cesse de croître en raison d’un euro fort qui rend faciles les importations et difficiles les exportations, la baisse de la consommation d’énergie en France ne peut que constituer une aubaine. Si le montée en puissance de ces économies n’est pas de nature à être spectaculaire, elles le seront dans la durée et elles le seront d’autant plus si les cours des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) va en augmentant : on nous annonce une crise du pétrole majeure pour 2012, du fait d’un effet de « ciseau » (demande en forte hausse - notamment de la Chine et de l’Inde - et production marquant le pas). Par ailleurs, en termes d’indépendance énergétique et d’indépendance politique, qui vont de pair, l’impact sera également non négligeable.
Si les avantages d’une politique sérieuse en matière d’économie d’énergie dans les bâtiments d’habitation et les bâtiments d’usage collectif (écoles, hôpitaux, etc.) sont évidents, ce qui l’est un peu moins, c’est le mode opératoire et le mode de financement d’une telle politique si d’emblée, compte tenu de la crise des finances publiques que connaît la France, on exclut a priori de la faire dépendre des seules subventions et autres avantages fiscaux de l’Etat.
S’agissant du mode opératoire, il est important qu’il soit simplifié et que l’on puisse disposer de « formules tout compris » en matière d’économies d’énergie au lieu de partir individuellement à la recherche de solutions en la matière. Il est donc fondamental que professionnels de cette question (techniciens, professions du bâtiment) s’organisent en conséquence pour proposer des « packages » étudiés, pensés et faciles à mettre en œuvre. Le Conseil général des Ponts et Chaussées a rendu un rapport en juillet 2007 au directeur général de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat qui donne des orientations précises sur la manière d’opérer en la matière.
Quant aux aspects financiers, ils ne sont pas moins importants. Là encore, il faut des solutions simples et innovantes pour contourner à la fois le cap de la décision individuelle, qui est soumise à de nombreux aléas, le cap de l’endettement individuel et le cap de la complexité de montage des dossiers de financement quand ils relèvent de la décision individuelle. Aussi, je suggérerai deux choses qui me semblent plus « motrices » que les moyens classiques actuels que sont la défiscalisation des travaux faits pour réaliser des économies d’énergie et, le cas échéant, des aides financières des pouvoirs publics.
Premièrement faire en sorte que les décisions de lutte pour les économies d’énergies puissent être prises à un niveau collectif, celui des copropriétés. En effet, il s’avère que le moyen le plus efficace de lutter contre les déperditions calorifiques revient à « habiller » le bâtiment de l’extérieur, ce qui ne peut relever d’une décision d’un individu lorsqu’il habite dans un immeuble ou un logement collectif. C’est donc bien de la copropriété que relève une telle décision. Il suffirait ensuite que les copropriétés soient dotées de la personnalité morale pour valablement contracter en la matière et emprunter pour faire réaliser les travaux. Le remboursement de l’emprunt serait ensuite intégré au niveau des charges locatives. Si un propriétaire venait à vendre son bien immobilier, le repreneur reprendrait ipso facto les dépenses d’économies d’énergie qui auraient été réalisées avant lui. Avec une bonne négociation des taux d’emprunt, l’opération ne serait pas particulièrement coûteuse.
Deuxième suggestion : faire des économies d’énergie un nouveau métier à part entière et voir la création d’entreprises spécialisées dans ce domaine qui à la fois réaliseraient les travaux, mais aussi offriraient un financement idoine sous forme de « leasing », sorte de loyer à payer par le bénéficiaire des travaux. L’accord avec un propriétaire serait : « je vous finance les travaux d’économie d’énergie et vous me payez tant par mois sur tant d’années ». Plus encore, sur le plan juridique l’accord qui serait fait prendrait la forme d’une servitude sur le bien immobilier lui-même (et donc inscrit au livre des hypothèques), de sorte que l’opérateur ne soit pas à la merci d’un nouvel occupant qui viendrait à dénoncer l’accord pris par son prédécesseur.
Au total, l’enjeu de la mise en place d’une réelle politique d’économie d’énergie est tel, qu’il est grand temps que l’on innove sérieusement en la matière tant sur le plan technique que sur le plan des modalités d’exécution et des modalités financières pour qu’il prenne forme.
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