Vous avez le choix, Monsieur le président...
L’affection de Nicolas Sarkozy pour les experts l’a conduit en très peu de temps à solliciter les compétences de deux experts, Jacques Attali et Joseph Stiglitz prix Nobel d’économie en 2001. Au premier la mission de définir la "politique générale" de la France pour les cinq ans à venir, au deuxième la mission de réfléchir à des indicateurs plus pertinents que le PIB pour mesurer on ne sait trop quoi on ne sait trop comment.
Or, visiblement, l’un et l’autre ne seraient pas sur la même longueur d’onde. Pendant que Jacques Attali faisait l’éloge de la déréglementation, Joseph Stiglitz déclarait à l’issue du Forum de Davos : "C’est la 3e crise aux Etats-Unis ces vingt dernières années, après la crise de Savings and Loan de 1989 et celle d’Enron/World Com en 2002. La déréglementation n’a pas fonctionné. Les marchés sans entrave produisent peut-être de gros bonus pour les PDG, mais ils ne débouchent pas, comme dirigés par une main invisible, sur le bien être social. Tant que nous n’aurons pas atteint un meilleur équilibre entre marché et gouvernements, le monde continuera à payer au prix fort."
Autrement dit, selon Joseph Stiglitz, les hommes politiques doivent impérativement reprendre la main en re-réglementant. De préférence de toute urgence ! Maurice Allais, autre Nobel d’économie en 1988, le disait autrement en 1999 : "On comprend bien pourquoi certains veulent imposer la libération des échanges. Ce système est très profitable à quelques groupes de privilégiés. Mais pendant que certains s’enrichissent, les forces vitales de la nation s’appauvrissent. Au surplus, cette conception entraîne la glorification du culte de l’argent, favorise l’apparition d’un capitalisme sauvage, engendre des inégalités croissantes et contribue de ce fait à la désagrégation morale."
Les faits les plus récents lui donnent hélas raison et Général Motors en constitue l’exemple le plus emblématique. Confronté à des pertes liées en grande partie à des provisions fiscales, GM a décidé de se séparer de 74 000 ouvriers bien rémunérés, bénéficiant d’une bonne protection sociale, pour les remplacer par des ouvriers beaucoup moins payés sans protection sociale. Il ne s’agit donc pas d’un objectif de réduction d’effectifs, mais de "dégager" des salariés indésirables en raison uniquement de leur coût. Henry Ford, dans les années 20, considérait au contraire que ses ouvriers étaient aussi des clients potentiels et qu’à ce titre ils devaient bénéficier de salaires leur permettant d’acheter les voitures qu’ils produisaient. Il doit se retourner dans sa tombe !
Mais à la décharge de GM, Henry Ford n’était pas encore confronté au grand marché mondial libéré de toutes ses contraintes. Il ne pensait sûrement pas mettre en concurrence les salariés américains et les salariés chinois. Et à 2 euros par jour, 10 heures par jour, 7 jours sur 7, sans protection sociale, la rentabilité du salarié chinois est imbattable. Voilà un business modèle qui tient la route... Les salariés occidentaux devront-ils s’aligner ? A Athènes et à Rome, la prospérité avait son corollaire : l’esclavage.
Nous aurions donc fait tout ce chemin, la motorisation, l’automatisation, l’informatisation, les découvertes scientifiques fondamentales, pour en arriver là ! Bienvenue au XIXe siècle !
Autres faits révélateurs, la cupidité des banques américaines et des spéculateurs associés (achat à crédit de dettes) aura déclenché un tsunami financier estimé, première ébauche, à 400 milliards de dollars. Warren Buffet se dit prêt à investir 800 milliards de dollars pour sauver les monolines, les rehausseurs de crédit en perdition... 550 milliards d’euros, soit 45 ans de profit net du pétrolier Total (12 milliards pour 2007) !!
Pas d’inquiétude, l’argent coule donc à flot. Le système bancaire créateur exclusif de monnaie par allocation de crédit (les Etats ont fait cette concession ahurissante aux banques en renonçant au droit régalien de battre monnaie ; pour la France c’était le 7 février 1992) pilote le système, contourne les règles "prudentielles" (titrisation des dettes) pour mettre toujours plus de monnaie en circulation, oriente les flux vers la spéculation au détriment de la production et empoche au passage des plus-values monstrueuses générées par les intérêts. Comme les Frères Rothschild l’avaient prévu et écrit en 1865, les banques détiennent désormais le pouvoir absolu : "Messieurs, un certain John Sherman nous a écrit qu’il n’y a jamais eu autant de chance pour les capitalistes d’accumuler de la monnaie que par un décret formulé par l’Association britannique des banquiers. Il donne presque tous les pouvoirs à la banque nationale sur les finances de la nation. Si ce plan prenait force de loi, il en découlerait de grands profits pour la fraternité des banquiers dans le monde entier. M. Sherman dit que les quelques personnes qui comprennent ce système ou bien seront intéressées à ses profits ou bien dépendront tellement de ses faveurs qu’il n’y aura pas d’opposition de la part de cette classe, alors que la grande masse du peuple, intellectuellement incapable de comprendre les formidables avantages du système, portera son fardeau sans complainte et peut-être sans imaginer que le système est contraire à ses intérêts."
Les Frères Rothschild peuvent dormir en paix car leur plan a fonctionné à merveille aidé en cela par nos hommes politiques qui se sont couchés avec docilité et qui ne sont plus qu’incarnation de l’ordre établi.
Mais tout ça, M. Sarkozy, vous le savez très bien et depuis fort longtemps. Alors, qu’allez-vous faire puisque vous avez la chance insolente d’avoir le choix : suivre les recommandations de Jacques Attali avec les effets ravageurs prévisibles que vous savez ou bien écouter les recommandations de Joseph Stiglitz et avec force et courage vous opposer aux forces destructrices pour bâtir une société épanouie, plus juste pour tous ses citoyens. En choisissant cette deuxième option, vous auriez là l’occasion unique d’accomplir votre dessein et de vous inscrire dans l’Histoire comme un grand président réformateur, tel un de Gaulle, un Kennedy ou un Roosevelt. Malheureusement pour vous et pour nous, pour le moment vous n’en prenez pas le chemin, car n’est pas Roosevelt qui veut. Vous savez pourtant que le new deal, basé sur l’intervention de l’Etat dans l’économie sous forme de régulation et d’investissements, a permis à tous les Américains de vivre une période de prospérité inégalée, après la grande dépression, de 1935 à 1970.
Aurez-vous assez de "couilles" (je reprends volontiers votre vocabulaire) pour affronter l’oligarchie financière, tel que l’avait fait Roosevelt, pour remettre en cause le privilège extravagant des banques et rétablir la France dans son droit de battre monnaie ?
Aurez-vous le courage de remettre en cause le mondialisme libre-échangiste en proposant de nouvelles règles ou n’êtes-vous courageux que devant les marins-pêcheurs, protégé par vos gardes du corps ?
Aurez-vous le courage d’affronter vos collègues européens et notamment les Britanniques, vous qui êtes si téméraire quand vous visitez les quartiers ?
Si, oui, nous reconnaîtrons alors que vous avez les épaules d’un homme d’Etat et nos enfants vous érigeront une statue. Sinon, je crains que la prédiction de Maurice Allais, en 1999, ne se réalise : "Et on peut prédire en toute certitude que la poursuite de la politique actuelle conduira à la destruction de notre économie et à la destruction de la société française."
Vous avez donc le choix, Monsieur le président.
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