Zimbabwe : Les désillusions de la présence chinoise et asiatique
Les autorités en place faisaient croire à ses concitoyens que le retrait et les sanctions économiques des pays occidentaux, assimilés à des néo-colonistes, n’auront pas d’impact sur la situation socio-économique du pays, puisque le renforcement de la coopération Sud-Sud, dopée par la présence asiatique, particulièrement chinoise, viendrait compenser le retrait des Occidentaux. Et pourtant, c’est tout le contraire.
Les gens qui connaissent bien le Zimbabwe, appelé autrefois, l’Allemagne d’Afrique, peuvent confirmer qu’il y a eu bel et bien un grand changement caractérisé par une fulgurante descente aux enfers de la situation socio-économique du pays.
Le Zimbabwe de 1980 n’a rien à voir à celui de 2004 ; tout comme celui de 2004 n’a aussi rien à voir avec celui de 2007 ; le secteur de la santé est dans le rouge avec un taux de mortalité qui avoisinne les 30 % ; une croissane économique négative de moins de 7 %, une inflation qui dépasse les 1 000 %.
Les autorités du pays faisaient croire à la population que les départs massifs des fermiers blancs et les sanctions occidentales n’étaient que le reflet du néo-colonialisme anglo-américain ; c’était oublier le chemin parcouru par le pays pour arriver à l’auto-suffisance alimentaire et à jouir d’une stabilité politique et économique qui n’avait rien à envier à ses voisins immédiats comme l’Afrique du Sud ou le Botswana.
Mais depuis le conflit agraire entre le pouvoir et les principaux fermiers du pays, principalement la minorité blanche en plus des sanctions imposées par les Occidentaux ; la présence chinoise n’a jamais été aussi importante dans le pays. Outre la présence chinoise, les sociétés indiennes et malaisiennes sont présentes dans le pays.
L’embargo et l’interdiction des principales autorités du pays de se rendre dans les pays occidentaux fut une occasion pour explorer et renforcer le circuit asiatique. La coopération Sud-Sud était devenue un slogan principal utilisé par les autorités pour se libérer du retrait des pays occidentaux ; on ne compte plus le voyage du président Robert Mugabe vers l’Asie. Les principaux marchés de distribution d’eau, d’électricité et de gaz sont dans les mains des Asiatiques, principalement chinoises.
Dans les rues de Bulawayo, la deuxième ville du pays, les Chinois sont remarquables dans les rues ; à Harare, la capitale, les gens s’y sont habitués. Les autorités du pays n’avaient cessé de confirmer que les Zimbabwéens sont à même de vivre sans le concours ni l’appui des Occidentaux et que les Chinois sont les bienvenus afin de combler le vide laissé par les Occidentaux.
Cependant, non seulement le principe de déshabiller Pierre pour habiller Paul n’a pas marché, et non seulement Paul n’a pas été habillé mais il n’a pas été aussi vu dans la vie de tous les jours des Zimbabwéens.
C’est comme d’octroyer un costume à une personne dont les mesures ont été effectuées sur une autre personne et lui faire croire que l’habit devrait lui convenir puisqu’elles disposent d’une même taille.
Bien que les investissements chinois, indiens et asiatiques dans le pays sont incontestables et de surcroît dans toute l’Afrique en général, il est aussi évident que la majorité des Zimbabwéens regrettent le temps où la minorité blanche détenaient les principales ressources du pays dont les revenus, faisaient vivre une majorité de la population. La population n’arrive pas non plus à appréhender les discours politiques qui sont en totale inadéquation avec la réalité du pays.
Non seulement la coopération Sud-Sud n’a pas contribué à l’amélioration des conditions de vie des Zimbabwéens, mais elle les a aussi profondément éloigné de la réalité.
Le départ des colons et exploitants agricoles zimbabwéens de souche blanche a non seulement provoqué le départ de la majorité des Occidentaux, pourvoyeurs de fonds dans le pays, mais il a aussi créé une sorte de psychose, un manque de confiance des Occidentaux à l’égard de ce pays.
Le principe du "ôte-toi pour que je m’y mette" n’a pas marché et a montré les limites des investissements chinois dans ce pays. Loin d’avoir comblé le trou, ils n’ont fait qu’aggraver la misère des gens. Les Occidentaux savent comment asphyxier et punir un pays ; ils savent aussi comment doper un pays d’une situation économiquement acceptable ; ils n’apportent pas que les investissements, ils exportent aussi leur culture et leur savoir-faire. Le devéloppement étant un processus constant de transformation sociale, les autorités zimbabwéennes n’ont pas su comprendre que l’histoire qui lie leur pays, aux exploitants agricoles, est très ancienne. Les Chinois, Indiens et autres Asiatiques ont apportés les investissements, mais ils n’ont pas su comment combler les trous laissés par les Occidentaux au Zimbabwe.
C’est vrai que les investissements occidentaux en Afrique et particulièrement au Zimbabwe ont considérablement faibli par rapport aux investissements asiatiques, mais ils possèdent encore un levier non moins encore important pour mettre à genou ces pays : les aides internationales, qui passent via leurs organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, leur appartiennent. Si la présence chinoise ne cesse de grandir au Zimbabwe et dans la majorité des pays d’Afrique, les Occidentaux disposent toujours de l’influence politico-économique pour mettre un pays à genou. La coopération Sud-Sud est la bienvenue et prometteuse pour le pays africains ; mais elle n’a pas ou n’est pas encore en mesure de prendre la place de la coopération Nord-Sud qui utilise tous les moyens pour influer sur les affaires intérieures des pays et protéger les intérêts des Occidentaux en Afrique ; et les autorités zimbabwéennes ne semblent pas le comprendre.
D’ailleurs, le mal dont souffre le Zimbabwe actuel n’a rien à envier à celui dont souffrent bon nombre de ses voisins, mais ces derniers savent faire la part des choses. Les bidonvilles actuelles de Harare n’ont rien à envier à ceux de Nairobi, de la Tanzanie ou de la Zambie ; mais le Zimbabwe occupe le devant de la scène internationale pour les violations des droits humains et la mauvaise gestion de la chose publique ; des accusations qui pouvaient aussi être proférées à d’autres pays africains ; mais on n’en parle pas ou on en parle très peu.
Le fait de remplacer les Occidentaux par les Asiatiques n’est pas une mauvaise chose en soi parce que ça constitue un renforcement de la coopération Sud-Sud ; mais ce calcul fut suicidaire pour le Zimbabwe.
Les autorités avaient fait une erreur de croire que la présence chinoise ou asiatique dans le pays pouvait les sauver. D’ailleurs le Zimbabwéen moyen commence à se dire qu’il ne sert à rien de faire appel aux Chinois, quand la situation socio-économique du pays ne fait qu’empirer davantage. Il vaut mieux négocier que d’entretenir un bras de fer avec les Occidentaux, qui continuent de croire que le président Mugabe constitue l’obstacle majeur pour le developpement du pays, alors que la population continue de s’enfoncer de plus en plus dans le deséspoir.
Loin d’affaiblir le pouvoir, les Occidentaux n’ont fait que le renforcer et donner la place aux Asiatiques qui, malgré leur présence accrue dans le pays, n’arrivent pas couvrir le manque à gagner laissé par les pays occidentaux. Et quand plus de 80 % de la population se débat pour trouver de quoi se nourrir ; l’oligarchie enrichie par la redistribution de la terre par le pouvoir en place continue de sillonner les pays occidentaux, grâce aux fonds du gouvernement et leurs enfants de fréquenter les meilleures universités anglaises et américaines.
Par Kilosho Barthélemy
Covalence Genève.
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