À mon filleul le platane
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Unissons nos racines
Mon cher platane, nous avons bien des points communs tous les deux, ce qui me pousse à te tendre les bras et à te saisir par le tronc, toi ma trop vieille branche ! Il a bien longtemps qu’on se connaît. Né à Sully, mes parents nous conduisaient à Gien pour y faire nos achats importants et c’est tout naturellement que je vins au lycée dans cette belle ville ligérienne. Nous nous sommes donc croisés il y a déjà bien longtemps.
Déjà tu étais solidement enraciné dans ces terres avec vue sur notre Dame Liger. Tu avais alors fière allure même si quelques orifices sournois venaient parfois creuser ta surface. Bien ignorant est celui qui veut abattre un arbre parce qu’il a la feuille terne ou l’écorce calleuse. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage, c’est si facile d’oublier les services rendus et ce charme trop désuet pour toucher un cœur de politicien.
C’est curieusement ceux qui aiment à évoquer les français de souche qui abattent des arbres et négligent leurs racines, comme s’ils n’avaient d’autre manière de penser le monde qu’en voulant faire table rase afin de toujours aller de l’avant. L’immobilité des ces grands gardiens de nos quais à de quoi énerver les tenants de l’agitation permanente.
Il est vrai, mon cher platane que quelques-uns de tes congénères se sont honteusement mis en travers de la route de quelques chauffards intrépides appuyant sur le champignon sans jamais goûter véritablement la beauté du paysage. Par leur faute, tous les arbres furent montrés du doigt, mis à l’index et condamnés aux meurtrissures de la tronçonneuse.
Ajoutons encore que laisser choir ainsi tes feuilles chaque automne a de quoi exaspérer les tenants de l’urbanisation radicale. Pour bien montrer l’incongruité de la chose, c’est armées de souffleuses horriblement bruyantes, que des escouades de la propreté sont envoyées pour débarrasser le bon échevin de ce tapis détestable. Un bon coup de balai ne peut faire l’affaire, il convient d’être de son temps !
D’ailleurs ce souci resurgira bien vite quand tu auras débarrassé le plancher. La nature a horreur du vide et les trottoirs plus encore. En digne édile dépensier, ton bourreau pensera bien vite qu’il convient d’habiller l’espace mis à nu d’une myriade de potelets qui iront enrichir quelques margoulins notoires. C’est alors seulement que l’homme se rendra compte que tu avais l’immense avantage de priver l’automobiliste indélicat de se garer à ta place.
Bien sûr tout n’est pas parfait au royaume des platanes. Tu entraves l’horizon de quelques privilégiés ayant appartement donnant sur la rivière si tu n’étais pas là. Voilà un point de vue qui se défend à la condition d’oublier que, l’été, ton ombre est bienfaitrice pour ceux de la rive nord. Dans quelques temps, toi parti alimenter quelques chaudières à copeaux, tu seras amèrement regretté et la mairie certainement devra contribuer financièrement pour barrer les rayons ardents de l’astre solaire.
Voilà ce que je voulais dire ici pour prendre ta défense. Tu constateras que je suis de parfaite mauvaise foi, c’est sans doute pour me trouver à armes égales avec ceux qui s’en prennent à toi. J’ai pris la précaution de coucher ce billet non pas sur le papier, pour contribuer à mon tour à la déforestation, sport planétaire d’une civilisation sans repère, mais sur un écran qui ne vaut sans doute guère mieux. Nous avons tous nos contradictions …
Cependant, c’est le conteur qui va conclure. Je suis certain que dans ta blessure, une fée veille et surgira pour nous accorder trois vœux. Le premier, tu le connais, je souhaite te voir ici encore pour longtemps. Le second se tournera vers la Loire qui mérite d’être un peu plus considérée en la belle cité d’Anne de Beaujeu. Quant au dernier, c’est tout naturellement vers la grande tradition du lieu que je me tourne. J’espère qu’en écrivant ce petite texte taquin, je n’ai pas agi comme un éléphant dans une faïencerie. Courage à toi mon filleul, accroche toi au bitume, ta place est nulle part ailleurs qu’en bordure de notre Loire.
Platanement
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