A quoi servent les conférences sur le changement climatique ?
Alors qu’une grande conférence sur le réchauffement climatique se tiendra dans un an à Paris, quelle est l’utilité des grands raouts diplomatico-médiatiques face à l’urgence de la situation ?
Qui se souvient de ce cri d’un président français déjà discrédité, à la tribune du Sommet de la Terre Johannesburg en 2002 ? « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » avait alors plaidé Jacques Chirac devant plus de cent chefs d’états, inaugurant ainsi un long cycle phrases chocs sans lendemain. A l’époque ce sont les promesses liées à la préservation des ressources hydriques et de la biodiversité qui étaient passées à la trappe.
Mais avec le recul, ce sommet aura inauguré une série de désillusions, montrant qu’en matière environnementale, les mots les plus forts s’empressent toujours d’accoucher d’une souris. A cet égard, la conférence environnementale de Paris de 2015, déjà présentée par la diplomatie française comme celle de la dernière chance pour « éviter un chaos climatique » devrait tenir ses promesses, avec ses indignations inversement proportionnelles aux actes.
Sinon, comment expliquer la relative indifférence autour du dernier rapport du GIEC ? Ce dernier alerte les gouvernants sur un « risque élevé, voire très élevé » d’être confronté à un « réchauffement qui ait des impacts sévères, généralisés et irréversibles pour la planète d’ici à la fin du XXIe siècle. Or selon une étude publiée par la revue Climatic Change, 90 entreprises sont responsables des deux tiers des émissions de gazs à effet de serre depuis 1854. Les secteurs responsables – liés à l’industrie des énergies fossiles – sont donc clairement identifiés.
Dans ce contexte, une approche diplomatique, avec des objectifs que se fixeraient librement chaque pays, est-elle encore valable ? Dans cette voie du chacun chez soit, défendue par les Etats-Unis et ralliée tardivement par l’Europe, les objectifs de réductions de gaz à effets seront toujours soumis aux intérêts des industries nationales les plus liées aux énergies fossiles.
Autant dire que l’ambition de la diplomatie française d’aboutir à un « accord universel » qui serait contraignant – via des pénalités financières- ressemble à un douce rêverie, dans un contexte de concurrence déloyale accrue. Croit-on vraiment que les Etats-Unis ou l’Angleterre accepteront de renoncer aux gaz de schistes un beau matin de décembre 2015 ? Ou que les pétro-monarchies renonceront à l’or noir ?
En réalité, pendant que l’on négocie sur le climat d’un côté, laissant à chaque pays le soin de mettre en œuvre sa feuille de route, des traités de libres échanges entre les 190 pays membres de l’OMC, se négocient sans aucune conditionnalité environnementale ni sociale. Les traités environnementaux adoptés par les Nations Unies, mais aussi ceux qui concernent le droit social, ne sont pas pris en compte dans le cadre de l’OMC. Dans ce contexte, les concessions arrachées pendant les conférences environnementales, restent insignifiantes tant qu’une taxation des produits générant le plus de gaz à effet de serre, ne subissent pas de barrière douanières conséquentes.
Il revient à l’Europe d’assumer son rôle de premier marché mondial et d’imposer ses propres règles, quitte à surtaxer l’entrée de produits non-respectueux de l’environnement ou pour lesquels une alternative eco-responsable existe. En Belgique, le débat a été lancé, pour la mise en place d’une part de TVA environnementale, qui pourrait surtaxer les produits en fonction de leur bilan carbone. Elle pourrait rapporter 19 milliards d’euros à l’Etat Belge d’ici 2019 : c’est à dire de quoi financer de nouveaux logements énergétiquement sobres, ou une transition vers la voiture électrique, tout en contraignant l’industrie à trouver des alternatives aux énergies fossiles. Un projet bien plus opérationnel, car potentiellement réalisable par un ou plusieurs pays en Europe, que la tenue de négociations qui risquent - au mieux - d’aboutir à un consensus mou qui sera sans commune mesure avec les urgences liés au changement climatique.
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