Black-out indien, quelles solutions ?
L’Inde vient de battre un record - deux fois - celui de la plus importante rupture d’alimentation de l’histoire de la fée électricité. Lundi 30 juillet, effondrement du réseau électrique, 300 millions de personnes sans courant. Mardi 31, rebelote et record du monde par KO technique : 620 millions d’Indiens de retour à l’âge de pierre. Si l’Inde, et tous les pays du sous-continent en fait, sont habitués aux coupures temporaires et localisées, cette fois la contagion à la plus grande partie du réseau a pris des dimensions dantesques !

Deux problèmes : production et transport de loin insuffisants
Tout d’abord, la production électrique est très largement inférieure à la demande : l’Inde produit un peu plus de 720 TWh par an. Par comparaison, la France, elle, atteint les 535 TWh pour une population 20 fois inférieure ! « Heureusement », 400 millions d’Indiens n’ont toujours pas accès à cette forme d’énergie, et pour la majeure partie des bénéficiaires cela se résume à l’ampoule électrique (exit frigo et climatisation). Malgré cela, le délestage (coupure volontaire de l’approvisionnement par le gestionnaire du réseau) est une nécessité. Les plus nantis démarreront leurs groupes électrogènes, les autres prendront leur mal en patience. Facteur aggravant, une mousson devenue aléatoire oblige à pomper davantage d’eau, augmentant encore les tensions sur les réseaux.
Ensuite, l’acheminement de ladite électricité. Il faut savoir que le réseau électrique indien n’a quasiment pas évolué depuis un demi-siècle. Du fait de sa structure fédérale, la coordination des efforts (quand il y en a) est inexistante, et ce n’est pas Delhi - attentive à ménager les egos des barons locaux - qui jouera les chefs d’orchestre d’une grande réforme d’interconnexion électrique. On pourra ajouter à l’échelle locale : les branchements sauvages et les entremêlements de câbles qui en découlent, fragilisant le système.
Bref, le secteur électrique indien cumule tous les facteurs de risques possibles.
Vous avez demandé une politique publique de l’énergie ? Ne quittez pas…
L’Inde a une politique tarifaire pour le moins « avantageuse » concernant l’électricité : la paix sociale s’achète en échange de la gratuité pour une partie des activités et des forfaits (donc indépendants de la consommation réelle) extrêmement bas pour le reste. Déjà, le décrochage entre coût de production et prix de vente a abouti à une dette de presque 28 milliards d’euros. Cette situation n’incite ni à gérer la consommation ni à investir dans le développement du secteur électrique.
L’Etat du Gujarat, pionnier d’une gestion « intelligente » de l’énergie
Sujet de toutes les attentions en Inde depuis une semaine, l’Etat du Gujarat brille par sa capacité à fournir 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 de l’électricité sur l’ensemble de son territoire (zones rurales comprises). La clef du succès ? Gérer l’approvisionnement électrique des activités agricoles en parallèle du reste du réseau. Plus gourmand en électricité, le secteur primaire n’est alimenté que huit heures par jour, en échange un planning précis est établi, évitant les coupures qui se produisent en pleine activité. Le reste de la société gujaratie est, elle, assurée de bénéficier d’une électricité de qualité en permanence.
L’avenir de l’Inde passe par la modernisation de son secteur électrique
Colosse aux pieds d’argile, comme se plaisent à le noter certains, l’Inde souffre de cette insécurité électrique, minant son développement et véritable repoussoir pour les investisseurs. Outre l’énergie nucléaire que Delhi entend développer de 3% aujourd’hui à 25% à l’horizon 2050, sujet litigieux s’il en est (non-respect du TNP, défis techniques, financiers etc), le développement local des énergies renouvelables peut en partie répondre au problème.
Au niveau du réseau de distribution, une autre piste va être explorée par le 12ème plan quinquennal (2012-2017) : les « smart grids » dont la généralisation de la Jyotigram Yojana (la méthode gujaratie) constitue un premier jalon. Si l’on augmentait le « QI » du réseau, l’écroulement de fréquence auquel on a assisté en Inde serait empêché par des délestages automatiques qui doivent être opérés bien plus vite que les capacités humaines. De plus, les appareils intelligents sont nécessaires pour mesurer les micro-productions issues des énergies renouvelables et ainsi assurer l’équilibre du système (à noter que le problème se pose dans les mêmes termes dans les pays développés). Alors qu’une bonne part de l’électricité est produite par les centrales à charbon du Bengale (sujette aux ouragans), les smarts grids - soutenues par des infrastructures renforcées, ne rêvons pas – permettent de redistribuer la charge entre les lignes électrique en cas de de dommage sur une partie du réseau.
« Rome ne s’est pas faite en un jour », la modernisation du réseau indien ne fera pas mieux. Les solutions techniques existent mais ne seront applicables que si la plus grande démocratie du monde modifie drastiquement sa politique de « rafistolage » au fil des événements.
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