Comment les plantes communiquent-elles sous terre ?
Le verbe communiquer a plusieurs sens, nous adoptons ici celui de transmettre quelque chose car il est souvent difficile de mettre en évidence, chez les plantes, que les signaux qui sont transmis sont utilisés par le récepteur potentiel. Ce sujet a fait l’objet d’une mise au point* de laquelle nous extrayons les principales idées.
Sous terre la communication peut se faire de deux manières : par des émissions chimiques présentes dans les exsudats racinaires ou par l’intermédiaire de champignons mycorhiziens qui vivent en symbiose sur les racines de certaines espèces mais qui, par leur réseau d’hyphes, peuvent atteindre les racines voisines de la même espèce ou celles d’autres espèces.
Les émissions chimiques racinaires vont être transportées par le substrat du sol d’une racine à l’autre. Si les racines qui se côtoient appartiennent à des plantes de la même espèce, le signal chimique émis par l’une d’entre elles, suite à un stress biotique ou abiotique auquel elle est soumise, peut entraîner une réponse de défense rapide dans toute la population. S’il s’agit d’espèces différentes, ces émissions vont réguler la compétition qui s’exerce entre elles ou l’aggraver. Les molécules qui sont présentes dans les exsudats racinaires sont des composés organiques (métabolites secondaires le plus souvent) dont on ne sait réellement ni leur persistance dans le sol ni leur étendue de diffusion, mais ils peuvent inhiber la croissance des compétiteurs, activer les systèmes de défense ou favoriser le transfert des éléments nutritifs. Cependant peu de composés chimiques ayant ces propriétés ont été caractérisés, on connait les strigolactones chez le pois, la L DOPA chez la fève, un caroténoïde chez l’arabette.
Les réseaux d’hyphes de champignons mycorhiziens peuvent aussi assurer des jonctions entre les racines de plusieurs plantes ; si cette liaison symbiotique permet à la plante de recevoir des éléments minéraux (azote, phosphore) puisés dans le sol par le champignon, et au champignon de recevoir des molécules énergétiques (sucres) issus de la photosynthèse végétale, elle est aussi un lien de passage d’informations, de plante à plante, sur la disponibilité nutritive, sur la présence de parasites, ou sur la situation environnementale. On a pu montrer ainsi qu’un plant de fève attaqué par des pucerons induit une réponse défensive chez les plantes de fève voisines, grâce à la transmission d’un signal par les hyphes mycorhiziennes.
L’émission de substances racinaires va influencer la composition de la flore présente sur le sol. Certaines substances émises pouvant être inhibitrices du développement des racines d’autres espèces ou au contraire stimulantes par des apports nutritifs. La flore présente sur un sol n’est que le résultat d’un équilibre précaire car il est continuellement remanié.
L’étude des exsudats racinaires est compliquée ; ils sont présents en faibles quantités, leur prélèvement ne peut se faire qu’en conditions artificielles (croissance des racines sur des milieux artificiels dont la composition est connue) ce qui questionne sur la similarité des substances obtenues à celles qui sont émises en milieu naturel. Leur connaissance est un sujet qui va se développer.
* E. Guerrieri et S. Rasmann, Science, 19 avril 2024, N°6693, pp. 272-273.
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