Communiqué du Mouvement Zeitgeist Francophone pour la journée mondiale de l'eau
1- Introduction
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Rapport OMS-Unicef (6 février 2012) (1)
Selon le dernier rapport du programme commun OMS-Unicef de surveillance de l'eau et de l'assainissement, le nombre de personnes ayant accès à l'eau potable a progressé de plus de 2 milliards en 20 ans, dépassant l'ambition fixée dans le cadre des objectifs de réduire de moitié d'ici à 2015 le pourcentage de la population n'ayant pas accès à l'eau potable (objectif atteint depuis 5 ans).
À la fin de l'année 2010, 89 % de la population mondiale, soit 6,1 milliards de personnes, avaient accès à des sources améliorées d'eau potable, mais seuls 61% des habitants d'Afrique subsaharienne ont accès à des sources d'eau améliorées (pompage, etc...). "On ne peut pas pour autant crier victoire, car au moins 11 % de la population mondiale - soit 783 millions de personnes - n'a toujours pas accès à de l'eau potable, et des milliards demeurent privées d'installations sanitaires." (extrait du rapport)
Cependant, ces chiffres sont à relativiser car les sources améliorées, protégées des contaminations, nécessitent de l'entretien qui n'est pas toujours assuré. L'association Solidarité Internationale et l'expert-conseiller Gérard Payen insistent donc pour dire que dans les faits, "le nombre de personnes qui ont besoin d'une eau véritablement potable, non malsaine, non insalubre, une eau qui n'est pas trop loin de leur domicile, qui leur permet de se rendre à l'école et d'aller travailler, une eau qui n'est pas trop chère... ne se compte pas en millions de personnes, mais en milliards". Selon ce spécialiste, environ 1,9 milliard de personnes n'ont d'autre choix que de boire une eau dangereuse pour leur santé et plus de trois milliards boivent une eau de qualité douteuse, soit près de la moitié de la planète.
7 personnes meurent chaque minute d'une consommation d'eau insalubre. (2)
2 - L'eau potable en France
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Nouvelle réglementation sur les pesticides dans l'eau
En décembre 2010, le ministère de la santé en France mettait à jour l'instruction DGS/EA4 n°2010-424 par amendement, autorisant une augmentation de la proportion des pesticides autorisés dans les eaux potables. (3)
Sur le site du ministère du développement durable, nous pouvons lire : "Dans les eaux destinées à la consommation humaine, la norme fixe à 0,1 µg/l la limite de qualité pour chaque type de pesticide et à 0,5 µg/l la limite de qualité pour la concentration totale en pesticides." (4)
Tout d'abord, il faut savoir que la limite de qualité pour chaque type de pesticide a été fixée pour la première fois par la directive 80/778/CEE du 15 juillet 1980 relative à la qualité des Eaux Destinées à la Consommation Humaine (EDCH), dans un objectif de protection, en considérant que les pesticides n’étaient pas des constituants naturels des eaux et que, par conséquent, on ne devait pas les retrouver dans l'eau. Les valeurs limitesnt correspondent aux seuils de détection possibles par les méthodes d’analyses du début des années 1970, sur les pesticides recherchés à l’époque. La limite définie n’est donc pas fondée sur une approche toxicologique et n’a pas de signification sanitaire, elle a été posée arbitrairement à l'époque en fonction des mesures qui étaient possibles.
À la fin des années 1980, quand l’évolution des moyens d’analyse a permis d’améliorer les conditions de contrôle des pesticides dans les eaux d’alimentation, des teneurs en pesticides inférieures ou égales à 0,1 µg/l ont pu être détectées. Cependant la directive 98/83/CE du 3 novembre 1998 et le code de la santé publique ont reconduit les limites de qualité de 0,1 µg/l pour chaque pesticide et de 0,5 µg/l pour le total des pesticides.
Depuis 1998, la Direction générale de la santé (DGS) préconise d’appliquer les recommandations émises par le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique Française (CSHPF) dans son avis du 7 juillet. Ainsi, les dites recommandations du CSHPF concernent notamment la durée du dépassement des limites de qualité, les teneurs en pesticides mesurées dans l’eau et leur toxicité. Il est alors mentionné une valeur sanitaire maximale Vmax, partagée avec l'OMS, qui définit le seuil au-delà duquel l'eau ne peut plus être utilisée pour les usages alimentaires. Alors que la valeur arbitraire de 0,1µg/l est toujours utilisée comme norme de qualité de l'eau, le CSHPF préconise aussi de considérer un seuil supplémentaire à 20% de Vmax. Ainsi, le dépassement d'une concentration à hauteur de ces 20% entraînerait une interdiction de distribution de l'eau jusqu'à régularisation.
Depuis l'amendement de décembre 2010, ce seuil de 20% n'est plus considéré, sous prétexte que cette norme "ne revêt aucune signification sur le plan sanitaire". L'arrêt de distribution de l'eau n'est obligatoire que dès lors que la pollution atteint Vmax, une pollution inférieure entraînant tout de même l'obligation d'informer la population et de régulariser la situation sous 30 jours. Au final, cela signifie qu'on a diminué les marges de sécurité que l'on s'était fixées et qu'on autorise donc la population à ingérer des concentrations plus importantes en pesticides.
Par exemple, pour un pesticide comme le folpet, pourtant classé comme toxique et cancérigène après des études sur les souris (5), on tolère maintenant une concentration pouvant atteindre jusqu'à 300 μg/L dans l'eau potable pendant plus d'un mois alors qu'auparavant on ne pouvait dépasser les 60 μg/L pendant la même durée. Si on se réfère à la norme de qualité mise en place en 1970, la limite à ne pas dépasser aurait été de 0,1 μg/L. La réalité est donc bien éloignée de la jolie phrase lisible sur le site du gouvernement à propos du développement durable.
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Un point sur les "directives"
La question qui peut se poser est : comment une "directive" est-elle établie et pourquoi la fixe-t-on ?
Par définition, une directive a pour vocation d'être respectée. En toute logique, dans notre cas les installations de traitement de l'eau doivent être adaptées pour que l'eau produite entre dans le cadre légal, sous peine que les responsables soient poursuivis en justice.
Or, il est à la fois fastidieux et coûteux d'effectuer des contrôles efficaces. De plus, en cas de dépassement de norme sur une installation, il est également très coûteux d'arrêter la distribution puisqu'il faut alors mettre en place un système de distribution de réserves d'eau potable pour les populations concernées. La norme est donc définie en tenant compte de ces facteurs techniques et économiques et, de fait, les institutions ne cherchent pas nécessairement à faire de l'eau qu'elle soit la plus saine possible mais simplement qu'elle ne soit pas trop mauvaise.
Les dépassements des limites de qualité doivent donc être des événements exceptionnels qui ne devraient arriver qu'à cause de circonstances extraordinaires.
Dans l'amendement de l'instruction DGS/EA4 n°2010-424 sur les pesticides, on nous explique que la limite acceptable a été relevée suite à l'introduction de la valeur Vmax qui se base sur des études toxicologiques et qui a donc une signification sanitaire. Cependant, nous sommes tous conscients que les pesticides sont des substances anthropiques qui ont pour objectif premier de tuer des organismes biologiques et qu'il est donc toujours préférable d'en consommer le moins possible (principe de précaution). Il est donc intéressant de chercher une autre raison possible à l'amendement de 2010. Étant donné l'évolution croissante de la pollution des nappes phréatiques par l'utilisation à outrance de pesticides, cela impacte directement le taux de pesticides dans les sources d'eau potable (avant traitement) et donc dans l'eau potable. En effet, le traitement des pesticides n'est pas forcément simple et à un coût financier important. De plus, les installations n'ont pas forcément toutes été prévues pour ça. On peut en effet blâmer le fait que les institutions baissent les bras ou ne fassent que peu pour faire face à ce problème, mais il est important aussi de considérer qu'il nous faut aussi faire en sorte de réduire de façon drastique l'utilisation des pesticides, déversés dans l'environnement. En effet, il est toujours plus efficace de résoudre le problème à la source, c'est-à-dire en ne polluant pas, plutôt que de vouloir chercher à dépolluer.
3 - Problème mondial : maladies, insalubrité et pénurie
L'eau non traitée ou polluée est responsable de maladies graves chez l'homme, bien souvent mortelles dans les pays en voie de développement, et qui affectent directement notre santé dans les pays dits "développés". L'eau véhicule des virus, des bactéries, des parasites, des micro-organismes végétaux ou animaux, qui peuvent provoquer des maladies graves. Ces maladies liées à l'eau insalubre sont appelées maladies hydriques. Ce 22 mars, depuis le début de l'année, les eaux contaminées sont responsables de 390 000 décès. (6)
On dénombre de nombreuses maladies véhiculées par les micro-organismes présents dans l'eau, certaines directement par consommation pour des cas tels que les amibes, la fièvre typhoïde, provocant des troubles digestifs, diarrhées, forte déshydratation et fièvres, le trachome, l'onchocercose, maladie infectieuse des yeux qui peuvent engendrer la cécité, les hépatites A et E, le choléra... Les eaux stagnantes impropres favorisent aussi la propagation de maladie comme la dengue ou le paludisme, ainsi que la schistosomiase et la bilharziose.
La liste des maladies est longue et la mortalité due aux maladies hydriques est très élevée. Dans le monde, environ 6 millions d'enfants meurent tous les ans de gastro-entérites hydriques ; 100 millions en souffrent en permanence ; 30 millions souffrent d'onchocercose ; 700 millions sont atteints du paludisme, dont 2 à 3 millions meurent chaque année.
C'est véritablement la pauvreté qui est responsable de toutes ces maladies et ces décès liés à l'eau : manque d'eau, assainissement inexistant ou insuffisant, mauvaise hygiène, peu d'entretien des installations et donc de l'eau potable, peu d'accès aux soins et structures médicales inexistantes...
Pour diminuer le nombre de morts et de maladies liées à l'insalubrité de l'eau, il s'agit avant tout d'éradiquer la pauvreté dans de nombreux cas, mais aussi de réduire la pollution des cours d'eau et des nappes phréatiques dans d'autres.
En effet, dans les pays dit "développés", les pollutions n'ont cessé de dégrader la qualité de l'eau. Ces atteintes, industrielles, agricoles et domestiques, entraînent de graves déséquilibres environnementaux au sein des écosystèmes et constituent une menace directe pour la santé des populations.
En dépit d'une diminution de l'emploi de pesticides et de fertilisants dans l'agriculture, ils sont toujours présents dans les eaux souterraines, en raison du délai souvent très long de l'infiltration des polluants jusqu'aux nappes phréatiques. Malgré les réglementations, la dose critique reste dépassée dans de nombreuses régions comme nous l'avons vu par rapport à l'établissement d'une norme.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que ces nappes constituent notamment le réservoir d'eau pour les deux tiers de la population européenne. Leur réhabilitation demandera des décennies. De plus, les impacts liés à l’utilisation de l’eau au niveau de la parcelle agricole entraînant un lessivage plus important de nitrates ou de pesticides et une pollution des nappes souterraines et des rivières. Il est cependant clair que l’agriculture n’est pas le seul acteur perturbant le cycle de l’eau.
En effet, les prélèvements intensifs conduisent à des abaissements de nappes souterraines ou à des réductions de débits dans les rivières. Des impacts secondaires sont plus difficilement mesurables. La disparition de zones humides (également liée à la mise en place de systèmes de drainage) ou l’apparition de déficits d’oxygène dissout dans les rivières (dûs à des rejets de matières organiques) peuvent conduire à l’extinction d'espèces végétales et animales. Aussi, on assiste à la salinisation progressive de nappes souterraines proches des zones côtières à cause de mauvais dimensionnement de captages...
L'urbanisation de zones inondables, le tourisme, la construction de routes ou canaux, la présence de barrages ou encore le détour de cours d'eau, ont également un impact environnemental certain.
À tout cela, s'ajoute la consommation humaine en eau, celle des animaux, la demande industrielle, en particulier en eau de refroidissement, son utilisation comme moyen de transport ou comme solvant, et les rejets humains, animaux et industriels. Dans de nombreux cas, les différents secteurs en compétition sont à la fois cause et victime de la diminution de l'approvisionnement en eau et de la détérioration de sa qualité.
Les eaux usées d'origines industrielles ou urbaines contribuent, elles aussi, aux taux excessifs de phosphates et autres composés organiques responsables de l'eutrophisation des eaux de surfaces. Et malgré plusieurs directives européennes, qui ont permis de réduire ces pollutions, leurs niveaux restent trop élevés dans de nombreuses zones.
Les rejets d'oxydes de soufre (SO2 et SO3) et d'azote (NO et NO2) dans l'atmosphère sont, quant à eux, à l'origine de pluies acides.
D'un point de vue domestique, en France, les besoins quotidiens domestiques sont en moyenne de 150 litres par habitant et par jour. Ils se répartissent ainsi : boisson (2 à 3 litres par jour), douche (25 à 30 litres par jour), bain (75 à 200 litres par jour), chasse d’eau (10 litres par jour), lave-linge (100 à 150 litres).
Globalement, les pays "pauvres" consomment en moyenne 100 m3 par habitant et par an alors que les pays riches en sont aux environs de 1 500 m3. Cependant, il est intéressant de constater que contrairement à ce que l'on pensait dans les années 70, la consommation dans les pays riches à plutôt tendance à se stabiliser, voir à régresser du fait de la modernisation des appareils domestiques (un robinet qui goutte entraîne une perte de 30 à 50 m3 par an), et de la minimisation de la consommation au sein des industries, dans le but principal de faire diminuer les coûts.
Pour finir, rappelons qu'il y a un siècle, les besoins quotidiens étaient de 7,3 m3 par habitant et par an. (7)
"Les citadins sont devenus aussi exigeants qu'insouciants. On arrose le jardin à l'eau potable, on jette tout à l'égout et à la rivière ; les coupures d'eau paraissent intolérables, mais les réseaux sont aussi méconnus qu'enterrés." B. BARRAQUE "Angleterre, Allemagne, France : trois modèles de gestion de l'eau" dans Le grand livre de l'eau, la Manufacture de la Cité des Sciences et de l'industrie,1990.
4- Quelques pistes d'améliorations proposées par le Mouvement Zeitgeist
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En France, l'Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments permet dorénavant d'utiliser l'eau de pluie pour les sanitaires et le lavage des sols (8). Cependant, l'eau de pluie est encore trop faiblement récupérée et réutilisée. Des mesures pourraient être prises afin de mettre en avant ces solutions et qu'il soit imposé par exemple de récupérer l'eau de la douche pour les toilettes.
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Aujourd'hui, de nombreux réseaux sont encore unitaires, c'est-à-dire que l'eau usée est mélangée avec l'eau de pluie. Cela génère des débits très forts en temps d'orage et il se trouve qu'une grande partie de l'eau récoltée par les réseaux d'assainissement n'est plus traitée afin de soulager la station d'épuration. L'eau non traitée est alors généralement directement rejetée dans l'environnement, causant de fortes pollutions. Sachant que la pollution des eaux de pluie et des eaux usées n'est pas la même, ces deux types d'eaux ne nécessitent pas les mêmes traitements (9). Il serait donc judicieux de remplacer les réseaux unitaires par des réseaux séparatifs afin de toujours traiter la totalité de l'eau usée par les stations d'épuration et de traiter les eaux de pluie à part, grâce notamment à des bassins de décantation qui permettraient déjà d'éliminer une quantité importante de pollution.
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Il est impératif de se concentrer prioritairement sur les véritables causes des problèmes et ne plus se limiter à essayer de traiter leurs conséquences. Ainsi, la dépollution passe tout d'abord par une importante diminution des quantités de pollution déversée dans l'environnement. Or, à l'heure actuelle et en tenant compte des progrès de la science, de plus en plus de moyens techniques alternatifs sont disponibles pour permettre d'avancer rapidement dans ce sens. Il faut donc continuer d'encourager ces nouvelles méthodes tout en prenant garde par une analyse systémique et au cas par cas qu'elles ne génèrent pas une autre pollution. De plus, la protection des eaux de ressources devrait véritablement devenir une priorité.
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Les citoyens du monde entier et plus particulièrement des pays riches tels que la France, devraient être sensibilisés sur la complexité du traitement de l'eau potable et de l'eau usée, notamment grace aux programmes scolaires, afin d'être incités à diminuer la consommation par des gestes simples tels qu'éviter de prendre un bain ou ne pas se doucher plus d'une fois par jour.
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En France, le refroidissement des réacteurs nucléaires représente plus de 50% de l'eau douce prélevée sur la totalité du territoire, contre 18% pour la production d'eau potable (10). En saison sèche, ces forts prélèvements participent de façon considérable à la réduction des débits dans les rivières et donc contribuent à une pénurie d'eau. Il est possible de limiter cette utilisation en fonctionnant avec des circuits de refroidissement fermés qui ne consomment plus que 6 L/kWh, contrairement aux circuits ouverts qui atteignent 160 L/kWh.
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En France, la consommation de viande était de 98 kg par habitant et par an en 2003 (11). Or, la production de viande consomme énormément d'eau : pour un seul steak de 100 grammes, il faut utiliser 1 500 litres d'eau. C'est 10 à 15 fois plus que pour produire 100 grammes de blé (12). L'une des conséquences collatérales de l'élevage est son importante production d'ammoniac à l'origine de pluies acides et de la disparition de certaines espèces fragiles telles que les perches, les grenouilles, etc... Il est donc nécessaire à titre personnel de réfléchir à sa consommation de viande au su de ces informations.
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Concernant le sujet du paludisme qui a été évoqué précédemment, il est à noté que vous pouvez participer directement à la réduction de sa propagation, voir à sa disparition en participant au projet Malaria@Home via le logiciel BOINC (cf cet article).
Références
(5) "
Conclusion on pesticides : folpet" - Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) - 2009 - Page 2 : "
Folpet does not show any genotoxic potential in vivo but it is carcinogenic in the mouse (category 3, R 40 proposed for the classification by the majority of the experts), with a clear threshold identified." (Seuil établit à 100 μg/L).